chapitre 19 : Se faire forcer la main

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Pour un flirt, ( version de Liv Del Estal et de Edouard Edouard )


 Avec une grande prudence, je passais le petit portillon menant à son jardin. Il devait être près de 22h, je ne devais pas faire de bruit. Suivant le sentier de pierre traversant l'extérieur de sa villa, je cherchais sa fenêtre. Les murs blancs reflétaient la lune, baignant les alentours d'une douce lueur fantomatique. Je ne pense pas risquer gros à faire ce genre de chose, mais tout de même, il vaudrait mieux que personne d'autre que lui ne me surprenne ici.

 Le début d'après-midi revenait dans ma tête. J'avais exagéré, je le sais, pour une simple broutille. Mais je ne sais pas pourquoi, cela m'avait mit hors de moi. Peut-être qu'il ne voudra même pas me voir...

Trouvant enfin la bonne fenêtre, j'entrepris de jeter quelques petits cailloux sur les volets sombres la recouvrant. De la lumière filtrait à travers ces derniers, il était encore debout. Quoi de plus normal, il devait attendre un peu pour me retrouver plus tard dans la forêt. Il ne le savait pas encore, mais c'est moi qui venait à lui cette fois-ci. Un cailloux, un tintement. Deux cailloux, puis trois, puis un quatrième. Les volets s'ouvrirent, et je le vis à sa fenêtre.

Il m'aperçut également, et s'il avait été seul, j'aurais parié qu'il aurait hurlé. Son regard en disait long sur ce qu'il pensait de ma présence ici.

Avant de me faire rembarrer, je pris les devants.

- Je peux monter ? Demandais-je d'une voix suppliante.

Il ne répondit pas tout de suite, jaugeant comme à son habitude la situation. Il tourna la tête derrière lui, reporta ensuite son attention sur moi, puis acquiesça. Je m'élançais, attrapant le rebord de pierre dans un saut bref. Il ne m'aida pas, préférant retourner au milieu de la pièce. Je le comprenais, puisqu'après tout, pourquoi me laisserait-il monter, la nuit tombée par dessus le lot ?

Faisant semblant de peiner à grimper, je retombais finalement sur le parquet dans un bruit mat. Il me fixa toujours sans rien dire, ses yeux bleus crépitaient. Je me relevais, le dominant de toute ma hauteur. Ses bras croisées tressaillirent, il était encore tout habillé. Cela confirmait mon hypothèse, il venait voir les loups ce soir.

- Je vais vérifier que ma tante dort. Ne bouge pas d'ici, demanda-t-il de son ton inquisiteur.

J'approuvai de la tête, le regardant quitter la pièce sans bruits. Je m'assaillais sur son lit, détaillant ce qui m'entourait. Sa chambre était petite, mais fonctionnelle. Ses murs bruns contrastaient avec la clarté de l'extérieur, car la pièce elle même diffusait la lumière jaunâtre de son lustre d'époque. Le lit sur lequel je venais de m'asseoir était placé dans un coin, accompagné d'une table de chevet en bois sombre. Dessus, une lampe trônait, suivie d'un livre « L'attrape-cœur », sans doute celui qu'il lisait actuellement.

En face de moi, une armoire était placée sur un mur, accolée à une bibliothèque débordante. Je ne distinguais pas tout, mais je pouvais reconnaître de grands classique comme Zola, Stendhal, et même quelques recueils de Rilke. L'armoire quand à elle, devait être le plus grand meuble de la pièce. Elle était elle aussi en bois peint, et présentait quelques rayures sur ses flancs. Elle paraissait d'époque, comme le reste de l'endroit qui devait forcément être une chambre d'amis.

La porte qu'il avait emprunté n'était pas la seule dans la pièce. Une autre, plus petite, donnait sur un pièce annexe servant de salle de bain. Le carrelage écaillé, le miroir fissuré, elle contenait un vrai charme d'époque avec son blanc salis, maculé de taches, et son rideau jaune à fleurs. Une serviette encore humide pendait sur un crochet derrière la porte. Je la portait à mon nez, emplissant mes narines de cette même odeur de glace. Après un moment, je pris plaisir à humer la chambre en entier qui conservait si bien son parfum de menthe.

ALPES - Tome 1 - L'éternité et l'au-delà.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant