One shot : Past

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Je suis arrivée dans l'antre d'HYDRA à mes 4 ou 5 ans. Je ne me souviens pas de beaucoup de choses, mais je me souviens parfaitement de notre première rencontre.

Petite et insouciante, j'entrais en riant dans une immense pièce, roulant par terre et m'amusant comme une folle.

Il était là, debout, droit et dur.

Il n'y avait personne d'autre que nous deux, je suppose qu'il attendait quelqu'un. Mais en me voyant arriver, il perdit toute grandeur et crédibilité, équarquillant les yeux de stupeur.

Il ne s'approchait pas, on aurait dit qu'il avait peur. Intriguée par cet homme grand et musclé, j'avançai en me dandinant pour arriver à sa hauteur. Il ne reculait pas, même s'il avait l'air d'en mourir d'envie.

Je me stoppais près de sa jambe, commençant à jouer avec le bas de son jean. Il finit par s'accroupir, me fixant dans le blanc des yeux. Ses premiers mots, sa première parole échangée avec moi fut :

-А ты говоришь по русски ? (=Est-ce que tu parles le russe ?)

Je lui répondit d'un hochement de tête. Il semblait toujours stupéfait de me voir ici, dans un espace grouillant de militaires et de soldats.

J'étais tellement attirée immédiatement par lui, que je lui tendit mes bras ouverts pour lui signifier que je voulais être portée. Il semblait parfaitement comprendre, mais réfléchit avant de se décider à me soulever du sol et à me caler sur son bras en chair.

Il parcouru presque la base toute entière avant de trouver son supérieur. Il lui demanda calmement, mais très fermement :

-Что здесь делает этот ребенок ? (=Qu'est-ce que cette enfant fait ici ?)

-Она здесь, чтобы поэкспериментировать с новым проектом. (=Elle est ici pour expérimenter un nouveau projet.)

-Содержит детей ? (=Contenant des enfants ?) Dit-il sur un ton plus élevé.

-Да. (=Oui.)

Le Soldat de l'Hiver semblait désemparé. Les pratiques qu'ils faisaient subir aux autres optimisés comme lui étaient déjà monstrueuses, mais sur des enfants ?

Il avait dû oublier qu'il m'avait toujours dans ses bras, parce qu'au moment où je touchais sa barbe piquante par curiosité, il s'effraya, me faisant sursauter aussi. Ayant pris peur, je me mis en boule dans son coude. Il s'arrêta de marcher et m'observa.

Il me fixait avec beaucoup d'interrogation, mais aussi de compassion. Il me positionna plus haute sur son épaule, me laissant enfouir mon visage dans son cou. Il me serrait fort pour me rassurer, et il me chuchota la seule berceuse russe qu'il connaissait.

J'étais calmée.

Il entra dans sa chambre et me posa sur son lit. Il était déjà tard, alors il éteignit les lumières, me laissant m'endormir paisiblement.

En fermant la porte, il savait parfaitement que je ne le reverrais plus avant sa prochaine mission.

Avant son décongèlement.












Je l'avais cherché. Longtemps.

Longtemps, j'avais demandé à chaque personne que je croisais où était "Мужчина в армрестлинге", l'homme au bras de fer. Longtemps, j'avais déambulé dans ces immenses couloirs à perte de vue, imaginant en vain le croiser. Longtemps j'avais espéré qu'il ne revienne en me disant :

-Все хорошо, я вернулся. Я здесь. (=Tout va bien, je suis de retour. Je suis là.)

Longtemps, j'avais prié pour qu'un jour il me reprenne dans ses bras comme il l'avait fait.

Longtemps, j'avais voulu qu'il me revienne. Car il avait quelque chose de plus. Quelque chose de spécial, qui me mettait en confiance. Une chose que j'aimais tout particulièrement chez lui.

Et mon monde s'est effondré quand, on jour, par pure curiosité, je suis allée dans la salle des modules.

Quand je l'ai vu.

N'ayant pas de suite compris qu'il ne pouvait pas m'entendre ou réagir, j'avais frappé contre le verre glacé de son module. Je l'appelai, même si je ne connaissais pas son nom.

Lorsque je perdis patience et que je m'étais mise à cogner fort contre la paroi, un soldat traînant dans les parages m'attrappa à la volée, m'emmenant dans ma chambre. J'avais beau hurler et me débattre, il ne m'entendait pas.

Il ne pouvait pas me sauver.













Finalement, ils m'ont kryogénisé le lendemain.

Deux ans plus tard, le Soldat et moi-même avont été décongelés en même temps. Malgré mon incompréhension face à ce sentiment étrange que d'avoir les membres si engourdis et la tête si vide, j'étais remplie d'énergie et de colère envers lui de m'avoir laissé seule il y a quelques jours, alors je m'aprêtais à lui crier dessus.
Mais le voir, si faible et incapable de se déplacer seul, porté par deux autres soldats, m'avait stoppée sur place.

Cette image si choquante est restée gravée dans ma mémoire la plus profonde à jamais.

Tombé dans ce fauteuil nouveau pour moi, je l'observais avec une attention extrême. J'avais l'impression que malgré son imposante masse musculaire, il allait se briser comme du verre fin. J'avais beau aller de personne en personne, demandant avec insistance ce qu'il se passait, tout le monde me repoussait en me criant de partir.

Mais quelque chose n'allait pas.

Puis, il se mit à hurler.

Des cris déchirants, de douleur abonimable, qui me faisaient si peur. J'avais été surprise par ses cris, ayant le dos tourné. Mes yeux se remplissaient de larmes alors que son torse et sa tête convulsaient, dû aux fréquences envoyées dans son crâne à une vitesse phénoménale.

Puis les machines s'enlevèrent. Un homme, muni d'un carnet rouge, commenca à lui tourner autour.

C'était le même homme que la dernière fois.

Il disait des mots insensés. Même avec mon petit cerveau d'enfant de 4 ans, je pouvais comprendre que rien n'avait de sens. Il recommençait à hurler, son crâne se plaqua contre l'appuie-tête du fauteuil. J'essayais vainement de me cacher derrière mes mains.

Et puis le silence.

Un silence froid et morbide. Mes larmes n'étaient pas encore sèches sur mes joues.

Le Soldat m'aperçut, mais avant de pouvoir réagir, son chef lui donna sa mission.

Il n'était plus le même. Je ne reconnaissais pas l'homme qui m'avait porté sur son bras il y a trois jours. L'homme qui m'avait, avec tout l'amour du monde, chanté une berceuse rassurante de sa voix mielleuse. Qui m'avait serré dans ses bras avant de partir.

Il n'était plus qu'un homme sans vie. Semblable à une pierre. Froide et vide d'âme.

Il se leva et passa à côté de moi sans me calculer. Je le suivais à travers ce couloir immense, lui criant de m'attendre, mais il ne se retournait pas. Il n'avait même pas l'air de m'entendre. Il tourna et partit.

Et moi, je restais plantée là. À me demander ce qu'il venait de se passer.

Bon sang, qu'est-ce qu'il venait de se passer ?

It's been a long time...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant