Chapitre 2

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 Sarah se faufile entre les rangées de voitures. Presque accroupie au sol, elle essaye de voir à travers les vitres. Dans le silence du parking, elle a l'impression que sa respiration est audible à plusieurs kilomètres à la ronde. Elle expire profondément par la bouche en essayant de réguler le rythme de ses poumons. Mais encore terrorisée par la situation, elle n'ose pas quitter sa cachette, entre une voiture et un pylône de béton. Pourtant sa voiture est là, presque à portée de main, elle la voit d'où elle est mais son corps est paralysée par la peur.

Elle se retrouve face à un mur, elle n'a pas d'autre choix que de sortir de son abri. Tout ce qu'elle veut c'est rentrer chez elle saine et sauve. Et elle ne peut pas rester ici, c'est limite plus dangereux que d'essayer de retourner chez elle.

Sans y réfléchir à deux fois, elle se redresse et trottine vers sa voiture, la clef fermement emprisonnée dans sa main. Mais presque au même moment, un deuxième coup de feu résonne, suivi d'un bruit sourd, un corps qui s'écroule par terre.

Sarah se fige, à l'exception de sa tête qui cherche d'où vient ce son.

Et encore un autre retentit.

La détonation assourdissante est suivie d'une violente sensation de brûlure dans son bras gauche. La douleur irradie progressivement dans tout son corps. Elle retient autant que possible un râle et les larmes lui montent aux yeux. Terrifiée, elle pose sa main contre son bras en tournant les yeux dans la direction opposée. Mais par réflexe, son regard se porte sur sa blessure quand sa main entre en contact avec le sang, encore chaud, qui quitte son corps. Alors qu'elle essaye de contenir le fluide qui s'écoule, elle voit du coin de l'œil un homme s'enfuir en courant. Elle est presque certaine qu'il ne l'a pas vue. Si elle veut mettre les voiles, c'est le moment.

Avec son passé, elle veut à tout prix éviter les problèmes avec la police. Alors, en dépit de la douleur qui s'intensifie, elle décide de prendre le volant et de filer chez elle. Tant bien que mal, elle se glisse derrière le volant. Sa main et son bras gauche commencent à s'engourdir. Il lui faut plusieurs tentatives pour parvenir à glisser la clef dans le neiman et démarrer sa petite voiture.

Sans prendre le temps de boucler sa ceinture, elle conduit maladroitement vers la sortie.

Le trajet lui paraît durer une éternité. Si on lui demandait de le retracer de mémoire, il ne lui faudrait pas plus de quinze secondes pour le faire. Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Aujourd'hui, la route est interminable. À chaque nouveau tournant, elle a l'impression de s'éloigner encore plus de chez elle. Comme perdue dans un décor familier et menaçant à la fois. Son esprit est resté derrière elle, à errer dans ce maudit garage ou elle aurait bien pu perdre la vie. Elle n'a plus confiance en ce qui l'attend et la petite voix dans sa tête lui répète en boucle qu'elle n'est en sécurité nulle part.

Dans l'intimité de l'habitacle de sa voiture et s'autorise à pleurer. Et très vite, les larmes brouillent la route sinueuse qui s'ouvre devant elle. Mais c'est sa façon d'évacuer le stress de la dernière heure. De reprendre contact avec la réalité.

Plus elle s'approche de sa destination, plus les larmes d'angoisse se transforment en larmes de soulagement. Cette route, elle la reconnaît, elle sait qu'elle sera bientôt chez elle. Pour couronner le tout, la vive écorchure à son bras se fait peu à peu oublier dans les fourmillements. Ça semble lui convenir, pourvu qu'elle ne perde pas sa capacité à manœuvrer son véhicule.

Cependant, ce n'est pas parce que la douleur ne se fait plus sentir qu'elle n'est plus là. Sarah s'en rend brusquement compte en descendant de sa voiture. Dès qu'elle se met debout à côté de sa porte, la jeune femme tangue dangereusement. Sa main droite se pose instinctivement sur son bras amoché et elle prend appuie contre l'encadrement de la portière. Dans un état second, elle la ferme et rejoint son appartement qu'elle ouvre non sans mal.

Avec le sang qui a commencé à sécher, sa veste est presque collée à la plaie béante. Elle pousse un gémissement étouffé face au miroir de sa salle de bain en séparant sa peau du tissu. Tout ce qu'elle a sous la main, c'est un flacon de désinfectant et une maigre pile de compresses qu'elle utilise lorsqu'elle tatoue ses amis. Ça fera l'affaire. Il est strictement hors de question qu'elle se rende chez un médecin qui se verra forcé de déclarer sa blessure par balle à la police. Tout en se rafistolant au fond de son appartement, elle entend la chaîne d'information qui braille depuis le salon. La rubrique couvre une fusillade dans le centre commercial où elle se trouvait pas moins d'une heure plus tôt. Un règlement de compte, un avocat tué et un gamin disparu. Ce n'est pas de bonne augure, songe-t-elle.

Elle passe un moment à nettoyer la lésion qui zèbre le haut de son bras. Elle finit par recouvrir le tout d'un bandage. Entre son hygiène parfaite et le flot de sang qui s'est arrêté, elle décrète qu'il n'y a plus vraiment de risque pour sa santé et qu'elle a bien fait de se débrouiller toute seule.

Pour se débarrasser de la douleur, elle avale une paire de cachet avec un verre de liqueur. En plus de ce poison, son corps lui réclame sa dose de nicotine. Clairement pas le cocktail du siècle, mais aux grands maux les grands remèdes. Sauf que son paquet de clopes est introuvable. Elle soupire en se souvenant qu'il est resté dans sa voiture. Avec son briquet, son sac à main et le paquet de viennoiserie qui a survécu aux évènements de la journée. Pas le choix ici, il faut ressortir.

Assommée par ce qu'elle vient d'ingérer, Sarah titube jusqu'à la place de parking devant son immeuble. C'est pas si mal le rez-de-chaussée finalement.

Le corps coincé entre le volant et le siège, elle récupère ses biens et tente désespérément de tout descendre en une fois. Elle ne se sent pas capable de faire deux voyages. Elle range ses cigarettes en priorité dans ses poches, ce qu'elle ramène en plus chez elle, ça sera du bonus. Il ne reste pas assez d'énergie en elle pour du superflu.

Son bras valide supporte son sac à dos ainsi que son dessert quand elle entend cogner contre la banquette arrière. Elle aurait pu croire à une hallucination si elle n'avait pas vu le dossier bouger en même temps.

À deux doigts d'ignorer cette nouvelle turbulence, un cliquetis métallique se fait entendre depuis le coffre. Forcée d'admettre qu'il se trame quelque chose d'anormal, elle repose tout ce qu'elle tient sur son siège.

Absolument pas consciente du danger et de la situation, elle contourne nonchalamment la petite voiture et ouvre le coffre.

Un gosse ! Il tient la clef à pipe de sa roue de secours ce malade.

Et puis qu'est-ce qu'il fout là d'abord lui ?!

«Oh non, c'est pas vrai... T'es le fils de l'avocat. » Réalise-t-elle soudainement.



Et le chapitre 2

Traqués 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant