Traqués 2.0

Chapitre 5 - version "officielle"

 Sarah soupire en haussant les épaules. Le petit ange qui se tient sur son épaule droite lui fait comprendre qu'elle ne peut pas abandonner un gosse au milieu de nulle part. Mais le petit démon assis sur son épaule gauche, lui, est bien content d'être enfin débarrassé du môme. Perdue entre sa bonne conscience et son ras-le-bol de la situation, elle se pose contre le dossier de son siège.

À l'extérieur, Léo avance tête baissée vers la route. Pour sa part, une chose est sûre, il préfère continuer son chemin seul. De toute façon, il y a quelques heures, il ne la connaissait même pas cette fille. Et ce n'est clairement pas la personne idéale pour l'aider. S'il avait été dans un jeu vidéo, c'est sûrement pas elle qu'il aurait choisi pour son équipe ! Un duo comme le leur, ça ne peut pas marcher.

Du coin de l'œil, Sarah perçoit un mouvement. Par réflexe, ses yeux suivent l'agitation jusqu'au miroir du rétroviseur. Un semi-remorque lancé à pleine vitesse arrive à leur hauteur. Ça interpelle immédiatement Sarah et elle se redresse.

Léo, les yeux rivés au sol et la tête dans les nuages, n'a probablement aucune idée de l'existence du camion. Et il n'y a aucune chance pour que le camion, de là où il est, ai vu Léo, caché derrière le van. Sans qu'elle s'en rende compte, sa respiration se coupe, imaginant déjà le pire. Le corps du petit Léo, accroché par le véhicule de plusieurs tonnes, qui est éjecté à plusieurs mètres. Blessé, voire pire.

À ce moment, son cerveau réagit au quart de tour. Elle n'a que deux options. Hurler pour avertir Léo, mais c'est pas dit qu'il l'entende. Ou l'arrêter dans sa course, physiquement. Elle ne peut rien pour stopper le camion.

La jeune femme lance un dernier coup d'œil dans son rétro et se jette contre sa portière en tirant la poignée. Elle se retrouve sur le bitume en une fraction de seconde et agrippée à sa portière, elle en fait le tour. Elle se jette sur Léo, les deux bras tendus devant elle. Une énorme bourrasque de vent fait trembler son dos.

Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle est allongée au sol. Sous son corps, elle sent celui de Léo. Ses bras sont encore autour de lui, une main protégeant sa tête et un bras autour de son dos pour le serrer bien fort contre elle. Les paupières de Léo, pressées les unes contre les autres, s'ouvrent doucement. Elle parvient à libérer ses membres du poids du petit et s'assied à côté de lui.

«Ça va ? s'inquiète-t-elle en reprenant son souffle.»

Léo se redresse et hoche la tête. Voyant le petit sauf, elle se rend compte qu'elle aussi va bien, à l'exception de son bras lui fait un mal de chien. La blessure ne s'est pas rouverte mais des fourmillements lui paralysent le bras. Elle prend de grandes respirations et se remet sur pied, Léo l'imite. Sa lèvre inférieure tremblote. Il lève les yeux et son regard croise celui de Sarah, plein de soucis. Sans crier gare, il plonge tête baissée contre sa poitrine.

Ne sachant comment réagir, elle l'enlace prudemment. Le fait d'avoir échappé de peu à la mort, ou bien la sécurité des bras de Sarah bouleverse complètement le petit et il éclate en sanglots. Toujours une main protectrice derrière sa tête, Sarah le cajole du mieux qu'elle peut. Contre elle, elle le sens flageoler. À cet instant, il n'y a plus qu'eux deux sur Terre. Elle est son seul repère, son équilibre. Alors elle lui murmure des mots doux pour tenter de le rassurer, lui montrer qu'il n'est pas seul. Et à sa grande surprise, elle y parvient. Après plusieurs minutes à le serrer contre lui, il semble s'apaiser.

«Léo. On va y aller d'accord ? propose-t-elle, désireuse de quitter cet endroit au plus vite.

— Où ça ? À l'aéroport, réclame-t-il, une lueur d'espoir au fond des yeux.

— Nan, chez ma sœur plutôt. Elle va nous prêter un peu d'argent puisque t'as faim.»

Ne voulant pas s'impliquer émotionnellement avec ce gosse plus qu'elle ne l'est déjà, elle décide d'en rester là et de remonter en voiture, en espérant qu'il fasse de même.