Le jour des visites, les parents pouvaient venir de 9h à 19h. Ils pouvaient même assister aux repas. Mes parents venaient donc toujours de 9h à 19h. Cette fois là, je les attendait de pied ferme. Seulement, cette fois là, il semblerais que mon père, ma mère et ma sœur aient décidé de faire ce que je leur avait demandé, c'est à dire qu'à 9h, personne n'est venu, pas même à 10 ou 11h. Et c'est ainsi qu'à 18h, ma mère est arrivée dans le hall, comme une fleur. J'ai donc été appelé au microphone. La clinique mettait à notre disposition des salles très coquettes pour ces rencontres avec nos familles. Il y avait un canapé, des fauteuils, un écran plat, une console de jeu et des jeux de société pour passer du bon temps. Autant vous dire que nous n'avons jamais utilisé autre chose que les fauteuils et le canapé.
Quand nous sommes arrivées dans notre salle attitrée, ma mère a brandit le sac cabas quelle serrait auparavant comme si sa vie en dépendais. Elle me le tendais alors. Ayant pitié de ses bras qui commençaient à se tordre sous le poids du sac, j'ai récupéré ce fardeau que j'ai posé au sol avant d'en récupérer le contenu. Mes parents y avait mis mon roman préféré, ainsi qu'un carnet de feuille à dessin A3 avec de l'aquarelle de très bonne qualité, des marqueurs à alcool et des crayons valant une petite fortune. Il y avait également un cahier vide, des stylos, et un ordinateur. J'ignore comment ils avaient réussi à tout faire rentrer dans le sac. Le tout était flambant neuf. Ce qui voulait dire qu'ils venaient de claquer une véritable fortune pour moi. Encore. J'ai laissé échapper un soupir d'exaspération et j'ai remercié ma mère. Je savais que même si je le lui demandait, elle ne reprendrait pas tous ces cadeaux. Ils pensaient me racheter avec tout ça. Mais au moins je saurais quoi faire du matériel à dessin. Je prenais, avant de venir dans ce goulag, des cours de dessins, et rien ne me plaisait plus que ça. C'était tellement apaisant... Cependant, mon ancien ordinateur âgée de 8 mois que j'avais renommé Gilbert, nom du livreur qui m'avait apporté cette beauté, fonctionnais encore parfaitement. J'avais donc deux ordinateurs parfaitement identiques avec moi... Tandis que je me demandais à quel prix, je pourrai espérer le vendre sur Ebay, un bruit de fond se fit entendre. Comme si quelqu'un parlait. Puis un silence. Je levais les yeux de mon ordinateur et tombait sur ma mère qui me regardait d'un air interrogateur. Comprenant que le bruit de fond était en réalité sa voix, je lui ai demandé de répéter sa question. Ce qu'elle fit, toujours en souriant.
« Tu fait des progrès avec Mrs Jenkins alors ? s'enquit-elle de demander
- N'essaye même pas de me faire croire que c'est ce qu'elle vous a dit hier parce que je sais que c'est faux, dis-je alors. »
Ma mère baissa les yeux, son sourire se figea avant de disparaître complètement.
« Tu sais, repris-t-elle, Cassie était très déçu de ne pas venir te voir. Et ton père... »
Je ne pris même pas la peine d'écouter ce qu'elle dirais ensuite. Je ne voulais pas que l'on me parle de lui. Je savais déjà pertinemment ce qu'il avait dit de surcroît. Je le voyais bien parler de la famille, de ce qu'il m'a donné et que j'ai jeté à la poubelle. Du fait que j'étais dorénavant majeure au regard de la loi et que si je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui, il ne me forcerais pas la main mais qu'il serait curieux de voir comment je m'en sortirais sans lui bla bla bla. Un discours sans fin et sans réplique possible. Une fois qu'elle eût fini son monologue, je lui demandai des nouvelles de Cassie, qui allait bien, de Caramel, qui commençais à moins bouger et à avoir des douleurs selon le vétérinaire. Un silence se fit dans la conversation. Ma mère n'osait pas me regarder. Au bout d'un temps, je me lançais.
« Donc d'après le vétérinaire elle souffre ?
- Un peu, répondit ma mère
- Un peu c'est à dire ? Dis-je immédiatement
- Et bien la douleur reste faible. Le vétérinaire nous a proposé de la faire piquer mais nous voulions attendre que tu sois d'accord... Pour tout te dire, nous pensons que c'est à toi de prendre la décision. Répondit-elle »
Les pensées fusaient à mille à l'heure dans mon cerveau. La décision, comme si cela était un choix. Mais je ne pouvais pas m'y résoudre. Il m'était impossible de demander à ce que l'on lui ôte la vie. Pardonne moi Caramel.
Vers 19h, ma mère est repartie, avec ma décision. Caramel vivrai encore tant qu'elle pouvait faire ce qu'elle aime, pas de « piqûre » sans ma permission. Cette perspective avait quelque chose de rassurant et en même temps un aspect horriblement amer. Je devrais donc décider quand nous devrions tuer ma chienne...
Le dîner se déroula comme à son habitude, la routine avait pour une fois, un coté rassurant, comme si la discussion que j'avais eu avec ma mère n'avait pas eu lieu. Comme si le cancer de Caramel n'était qu'un horrible cauchemar. Mais c'était la réalité. Et Caramel mourrait. Cette phrase fatidique tournait en boucle dans ma tête depuis 3 mois déjà.
Le repas se finit, et comme à mon habitude, alors que ma chambre n'attendais que moi, alors que je n'en avais pas le droit, je pris le chemin du toit. J'avais pris ce pli tout les soir, d'aller sur ce toit de clinique, encadré par des barrières phénoménales. Mon carnet a dessin sous le bras, je poussai la porte battante des escaliers et j'arrivais dans cette vaste obscurité. J'aimais voir les lumières de la ville du toit de cette . Tout semblai si petit, si fragile, la réalité était dévoilée. Je pris la première feuille de mon carnet et me mis à dessiner. Je crayonnais tout doucement pour dessiner des immeubles.
Quand j'ai fini le dessin, je me suis levée, je suis repartie dans ma chambre, et je me suis couchée.
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Individu
RandomUne nouvelle "Johanna" et une courte pièce de théâtre "Tu es partit trop vite pour me voir dans le rétroviseur" avec une série de texte au centre, tournant autour de la même pensée. Qui suis-je? Johanna: Je suis suicidaire, ce n'est un secret pour p...