Tu es partit trop vite pour me voir dans le rétroviseur | Scène 3

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III.

La fille est assise sur le tabouret, en arrière cour, un jeune homme la regarde. Il semble éprouver de la compassion.

LA FILLE

Tu devrais rentrer. Je t'appellerais.

LE JEUNE HOMME

Tu ne m'appellera pas. On le sait aussi bien tout deux. Si je m'en vais maintenant, tu vas rester ici des heures, sans rien faire. C'est pas sain. Tu devrai partir. Viens. Viens avec moi, on irai marcher en ville toute la nuit, on referai le monde, comme avant. Viens, s'il te plaît.

LA FILLE

Si je viens, alors j'aurai tout perdu. Tu le sais. Pourquoi t'es venu ?

LE JEUNE HOMME

Je me fais du soucis pour toi.

LA FILLE

Tu ne devrais pas. Tout va bien.

LE JEUNE HOMME

Et c'est bien ce qui me fait peur. Tu te referme, tu refuse la douleur, aller viens. Allez, viens on s'en va. On fera ce que tu voudras mais par pitié, partons.

LA FILLE

Tu sais très bien que je peux pas venir avec toi. Tu sais très bien que ce n'est pas possible.

LE JEUNE HOMME

Je t'en prie, ça me tue de te voir dans cet état ! Je supporte pas ça ! Aie pitié de moi.

LA FILLE

Tu me demande d'avoir pitié. De, d'abréger tes souffrances, de comprendre comme ça te tue de me savoir ici, et de partir, de tout perdre pour toi...

LE JEUNE HOMME

Si tu m'aimes, tu peux bien faire ça. Je t'en prie, pour moi, quittons cet endroit sordide. Ça m'est insupportable.

LA FILLE

Tu sais ce qui m'est insupportable ? Mon frère, le pilier de ma vie, de ma famille, mon meilleur ami et confident, mon frère est mort ! Voilà ce qui m'est insupportable ! Alors je t'en prie, quitte cet endroit sordide qui se trouve être la chambre de mon frère. Ça te tue ? Je te prierais de ne jamais plus utiliser cet expression devant moi. Et d'ailleurs, qui t'autorise à dire que je ne souffre pas ? Qu'est ce qui te permet de voir ça ? Quel détail de ma souffrance t'as échappé ? As tu vu un seul sourire sur mon visage ? As tu entendu mon rire percer le silence étouffant de mon ancien appartement ? J'ai dit que tout allais bien, pas que je vais bien ! Qui t'autorise à présumer que je vais bien ? Et en quel nom est ce que tu me demande d'abandonner mes parents, et de partir avec toi ? En quel honneur est ce que tu oses même venir ici, sachant que je vais partir ce soir ? Est ce que tu me crois assez fragile et naïve pour tout lâcher et rester avec toi ? Et enfin qui est ce qui t'as autorisé à rentrer ici ? Qui t'as dit que tu avais même le droit de prétendre m'aimer ? Je veux que tu partes. Vas-t-en d'ici.

LE JEUNE HOMME

Tu vois, ça ne vas pas bien.

LA FILLE

Si. Tout va bien. Regarde par toi même, les gens marchent dans la rue, observe, rend toi compte. Ils ne savent pas ce qu'ils s'est passé. Ils ne le savent pas et franchement ils s'en foutent. Si on allait leur dire ils prendraient un air de pitié dégouttant sur leur visages. Ils nous diraient tous qu'ils comprennent. Mais combien d'entre eux comprennent vraiment ? Combien d'entre eux on vu ça, leur famille exploser, leur vie perdre tout son sens en une fraction de seconde. C'est comme si d'un coup on pouvait me retirer ma vie car elle ne me servait plus à rien. Elle ne me sert plus à rien. Tous diront qu'il comprennent, qu'il sont là pour nous. Mais en vérité aucun ne comprend vraiment. Aucun ne sait ce que je peux ressentir au fond de moi. Et ils s'en foutent. Ils n'en n'ont rien à foutre, de ma vie, ils n'en n'ont rien a foutre de savoir que ma vie viens d'être foutue en l'air. Ils sont heureux, tristes, en colère ou épanouis, et tout ça, indépendamment de ma vie de merde. Je pourrai crever que cela ne changerais rien à ce qu'ils peuvent ressentir. Donc maintenant, à quoi ça sert ? Franchement.

LE JEUNE HOMME

Ils ne te connaissent pas, mais pensent à ceux que tu connais, ça leur serait insupportable de te savoir dans cet état, ça leur ferait du mal de te savoir morte. Ça me ferait du mal.

LA FILLE

Et ainsi au lieu de garder ma souffrance pour moi, je la redistribuerais sur les autres, comme une grenade. Voilà donc ce que je suis. Une grenade. Une bombe a retardement. Et je suis condamnée à brûler à petit feu de l'intérieur. Pour n'être pas égoïste.

LE JEUNE HOMME

Ce n'est pas ce que j'ai dit. Tu le sais. Tu interprète mal ce que je dis. Volontairement. On ne peut pas te parler quand tu es comme ça. On ne peut pas avoir une conversation avec toi. Essaie de me comprendre aussi. Je fais tous pour t'aider, et tu me crache à la gueule. Tu rejette la faute sur moi, et ce n'est pas juste. Je m'en vais, si tu m'aimes, tu me rejoindra. (Il commence à partir)

LA FILLE

Mon pauvre chéri. Tu sais, ce n'est pas ce que tu as dit, mais tu l'as pensé si fort, ça à raisonné dans ta tête si fort, que je l'ai entendu. Je suis désolée, je ne t'aimes peut être pas assez. Tu devrais m'oublier et vivre car en réalité je ne t'aime pas. Vas y, sors, et adieu. (Il sors, la fille se met en boule et explose en sanglots)

IndividuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant