Depuis le moment où elle a quitté le dojo hier, je me repasse la scène en boucle. J'ai pas été foutu de sortir une vraie phrase complète, ou alors c'était pour dire de la merde. Pourquoi ? Parce que même si mon cœur a pris le dessus sur ma raison au moment où je l'ai embrassée, cette dernière a repris le contrôle. Et elle continue de me persuader que de la faire entrer dans ma vie comme je le désire vraiment, serait une vraie connerie.
Quand j'ai vu son reflet dans le miroir face à moi au moment où elle est entrée dans la pièce, mon palpitant à fait tout ce qu'il a pu pour que je l'écoute encore une fois. Puis, lorsque j'ai compris qu'elle était convaincue que je n'avais pas eu envie de l'embrasser, il s'est carrément écrasé à mes pieds. Comme s'il abandonnait et me disait d'aller me faire foutre. Quand elle m'a ensuite annoncée qu'elle serait là comme convenu pour le prochain combat, c'est l'angoisse et la colère qui m'ont envahi. Je me suis juré au passage d'en coller une bonne à Kév, parce que je sais que c'est lui qui lui a dit quand est-ce qu'il aurait lieu.
J'ai passé la nuit sous sa fenêtre, à balancer comme un con de petits caillou contre son volet dans l'espoir qu'elle ouvre pour qu'on discute, mais après un moment, j'ai compris qu'elle ne le ferrait pas. Je me suis donc assis contre le mur pour cogiter et ne suis rentré qu'au petit matin. Kév m'attendait, le regard désapprobateur, persuadé que j'étais allé chercher la merde dans les Blocks pour me défouler. Pourtant, pas cette fois. Sur le coup, j'ai juste eu envie de me sentir proche d'elle, même si je ne l'étais pas vraiment. Le bitume froid en bas de chez elle était une bonne option.
Pour l'heure, je suis appuyé contre ma bécane, devant le bahut et je la regarde rejoindre ses amis, pendant qu'elle évite soigneusement de croiser mon regard. J'ai l'impression qu'entre nous c'est tout ou rien. Soit on est proche au point de faire douter toutes les personnes qui nous entourent, soit c'est c'est comme là... Un semblant de guerre, à celui qui rendra le premier les armes. Et putain, à ce jeu là, elle excelle. Même si soyons clair, il ne s'agit pas d'un jeu, ni pour elle, ni pour moi.
Soudain, la sonnerie retentit et comme pour me rappeler où on en est, elle salue Kév qui se trouve à mes côtés, sans même lever les yeux sur moi. La piqûre de rappel fait mal, mais j'encaisse. C'est la seule chose que je puisse faire.
La matinée de cours défile à une vitesse bien trop lente à mon goût. Parce que même si ma raison l'emporte toujours, mon cœur, lui, hors course, ne demande qu'à ne serait-ce que l'apercevoir. Je rejoins donc le réfectoire dans l'espoir de pouvoir la voir, même si je sais que je vais très certainement recevoir un uppercut qui me laissera une nouvelle fois K.O, lorsqu'elle se contentera de m'ignorer avec brio.
Mon plateau à la main, j'emboite le pas à mon pote, tandis qu'il finit par s'asseoir à leur table. Moi, je reste planté là, comme un abruti, à ne pas savoir si finalement je devrais l'imiter ou prendre une chaise un peu plus loin.
– Tu comptes poser ton cul ou rester là à prendre racine ? me lance Kévin, m'invitant en un regard à choisir la première option.
Finalement je m'exécute et me laisse tomber sur la chaise à côté de Nico. En face de moi, Nine ne réagit pas. Ses yeux détaillent la pomme posée sur la table devant elle. Elle n'a même pas pris la peine de prendre un plateau repas.
J'attrape au hasard une frite de temps à autre dans mon assiette, le regard rivé sur elle. De mon côté, l'appréhension a pris le dessus sur mon appétit. Le combat à lieu demain et je redoute ce qu'elle va voir... Ce qu'elle va penser de moi.
Tout à coup, elle se redresse après avoir glissé sa pomme dans son sac et sort du réfectoire. Je l'observe s'éloigner, l'estomac noué et balance rageusement ma fourchette sur mon plateau.
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𝕋𝕠𝕘𝕖𝕥𝕙𝕖𝕣 𝔽𝕠𝕣𝕖𝕧𝕖𝕣 Tome 1 [En correction]
RomanceLa vie laisse parfois de profondes cicatrices. Quoi que l'on fasse, elles sont là, présentes, à chaque instant. Yann fait partie de ses personnes dont les blessures encore à vifs le force à se protéger. À ériger des barrières. À porter chaque jour u...