Votre corps d'enfant ? Vous n'aviez pas conscience de lui. Il était là, il était vôtre depuis toujours au même titre que le soleil qui se levait tous les matins et se lèverait tous les matins à venir. Il était absolu, indivisible et invisible. Il ne soulevait aucune question. Vous n'en connaissiez pas encore les subtilités humaines : vous ne faisiez pas la différence entre les cheveux brillants ou gras, la peau propre ou sale, les yeux fatigués ou vifs et vous vous étonniez que votre mère sût si bien ce qui lui convenait, avant vous, parfois même avant lui. Il n'était alors que celui qui vous permettait de jouer, danser, courir, rire, vivre. Il était comme votre monde : évident, il allait de soi, et même s'il était rempli d'insondables mystères, vous aviez toute la vie pour les percer.