Chapitre 9

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27 novembre 2021

- Bonjour, avez-vous bien dormi ? Interrogea l'infirmière en déposant un plateau sur la petite table à ses côtés.

- J'ai hâte de rentrer chez moi, avoua Annie en se redressant sur le dur matelas.

- Moi aussi je veux vous voir partir. Vous méritez de vivre votre vie, sourit cette dernière. Comment je m'appelle ?

Annie bégaya.

- Je...Je ne sais plus, je suis désolée.

- Ce n'est pas grave. Petra. Vous continuez d'écrire dans votre carnet ?

- Oui, répondit la blonde en posant ses yeux sur la brioche.

Une fois seule, elle croqua dans la brioche, savourant l'odeur moelleuse. Pour une fois que la bouffe n'était pas écœurante. Depuis son réveil, elle avait retrouvé son poids et sa forme. Sa rééducation se passait relativement bien et sa mémoire se renouvelait doucement. Maintenant un mois qu'elle était clouée ici et elle se demandait quand pouvait-elle rentrer « chez-elle. » Un chez-elle qu'elle n'avait jamais vu. Comment allait-elle réagir ? Des souvenirs allaient-ils resurgir comme ceux à la plage ? Elle n'en savait rien. C'était le hasard. Un hasard total et cela la terrifiait. Buvant le jus d'orange, elle se figea quand quelqu'un toqua.

- Entrez.

- Salut toi ! Sourit Hitch en arrivant avec un énorme ours en peluche. J'espère que tu te rappelles de moi maintenant ?

Annie l'observa quelques instants, fouillant dans sa mémoire avant de lui faire signe de ne pas bouger. Tournant les pages de son carnet, elle trouva le prénom qu'elle recherchait :

- Hitch ?

- Gagné ! Et lui ? sourit la jeune femme en se rapprochant d'elle tout en lui tendant la peluche.

La blonde attrapa la peluche et l'analysa en la tournant dans tous les sens. C'était un ours blanc avec une écharpe autour du cou de couleur rouge. Malgré ses efforts pour faire émerger un souvenir en relation avec cette peluche, rien ne vint. Elle haussa des épaules.

- Tu me l'as donné pour me remonter le moral après ma rupture. J'étais là, avachie sur mon canapé à manger des pots de glace. C'était un connard ce type, je mérite bien mieux, regarde-moi ! En réalité, tu ne savais pas quoi en faire de cette peluche et tu me la refilais comme si j'étais une poubelle, ricana Hitch en s'asseyant sur le lit d'hôpital. Comment tu vas ?

Annie regarda l'ours avant de reporter son attention sur son amie. Ses mains étaient manucurées d'un vernie beige. Elle avait des cheveux châtain clair, coiffés sur le côté. Des boucles d'oreille en argent et portait un sous-pull foncé. Annie ne se rappelait pas réellement de ce physique mais elle arrivait à mettre un prénom sur ce visage. C'était déjà un début.

- Ça va et toi ?

- Ça va, sourit Hitch. Comment se passe tes séances ? Tu avances ?

- Je pense. Je veux juste sortir d'ici. J'en ai marre. Les autres continuent de vivre et moi, je suis là à attendre que cette putain de mémoire revienne.

- Elle va revenir. Tu l'as prouvé, imbécile. Faut que j'y aille, j'ai un rendez-vous dans une dizaine de minutes. Note bien ce qu'on a dit, je serai dégoûtée que tu me zappes comme un ex !

Annie sourit et laissa la brune la prendre dans ses bras avant de quitter la chambre. Terminant de manger dans un agréable silence, elle porta son attention vers la fenêtre. La vue n'était pas séduisante car elle donnait sur d'autres appartements. Cependant, la clinique se situait près de l'océan et quand elle ouvrait pour aérer, elle entendait les mouettes.

Poussant le plateau sur la table, elle reprit son carnet et commença à nouveau à écrire. Cette fois-ci, elle se focalisa sur la conversation qu'elle venait d'entretenir avec Hitch. Avant qu'elle n'oublie, elle détailla parfaitement chaque parole et chaque fait et geste avant d'oublier la fin. Elle fixa son crayon et le mot à moitié écrit.

- Merde, s'emporta la blonde.

Elle se prit le visage entre ses mains, épuisée par cette mémoire qui jouait de ses humeurs. Elle riait et la manipulait comme une marionnette. Annie ne pouvait rien y faire. Si elle persistait, la combattait, un terrible mal de crâne suivait rapidement et un nouveau mur barrait son chemin. Elle se leva et ouvrit la fenêtre. Elle tomba sur les immeubles mais si elle tournait la tête sur la gauche, elle pouvait voir un petit bout de la côte où l'océan s'étendait à perte de vue. C'était magnifique pensa-t-elle. Elle pouvait remarquer des enfants courir derrière un cerf-volant sous le regard protecteur de leurs parents. Un père aidait son fils à diriger le jouet dans l'air. Annie se sentait terriblement seule. Enfermée ici alors que la vie continuait à avancer. C'était injuste. Elle avait mis des années à se construire et à garder ses souvenirs les plus précieux dans le coin de son esprit et ils s'étaient envolés en un claquement de doigts. Ils étaient partis en fumée.

Pourquoi l'accident de voiture était le seul souvenir détaillée de sa mémoire ? L'accident qui l'avait plongé dans un trou noir où même son identité était inconnue à son réveil. Encore aujourd'hui, elle était obligée de relire son carnet pour savoir comment elle s'appelait, avec qui elle vivait et ce qu'elle faisait comme métier avant cet évènement. Cependant, elle se rappelait exactement des bruits du coffre qui explosait et le parebrise voler en éclats. Sa tête heurtant son siège puis son front qui frappait son volant d'une telle puissance que la boîte crânienne s'était brisée. L'airbag avait sûrement évité qu'elle se tut sur le coup.

Ouvrant ses yeux, elle regarda un maître qui promenait son berger allemand sur le trottoir d'en face avec une cigarette coincée entre ses lèvres. Elle donnerait tout pour se trouver à sa place que dans cette pitoyable chambre où elle s'ennuyait à en mourir. Parfois, si elle avait eu le choix, elle aurait voulu mourir, être tuée sur le coup. Mais elle était vivante.

[Aruani] Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant