Chapitre 4

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7 novembre 2021.

Armin avait mis une parenthèse dans son travail. Son roman était en suspend car il avait décidé de se consacrer totalement à sa femme. Annie commençait ses séances de kiné demain afin de réveiller ses muscles. Aujourd'hui, le médecin avait donné le feu vert pour qu'elle puisse enfin sortir dehors. Armin leva doucement son bras et y glissa la manche de son manteau avant de faire la même chose avec l'autre. S'agenouillant face à elle, il referma la fermeture éclair jusqu'à son cou et serra doucement l'écharpe.

- Il fait assez froid dehors, dit Armin en lui enfilant ses gants en cuir.

- Je ne pensais pas que tu allais réussir à obtenir une sortie, avoua Annie quand il poussa le fauteuil roulant.

- Je me suis battu, ricana ce dernier. Et j'ai joué de mes charmes pour les séduire mais j'ai pensé que tu devais en avoir marre de cet hôpital.

- Il me rend malade.

- Raison de plus pour rapidement te faire sortir d'ici même si nous devons rester dans la grande cour. Le vent frais te fera du bien.

La blonde hocha la tête en silence et posa sa main sur le masque qui recouvrait sa bouche et son nez. Elle avait le vague souvenir d'un début d'épidémie aux alentours de novembre 2019. Une épidémie inquiétante qui grignotait la Chine. Aujourd'hui, elle avait dévoré le monde entier et les gens se déplaçaient avec des masques. Elle avait toujours eu la conviction qu'un jour, on marcherait avec des masques comme les japonais.

La jeune femme de vingt-huit ans observait les patients qui sortaient, la main accrochée au bras d'un infirmier pour leur petite balade matinale. Elle ferma les yeux et respira l'air frais. Ses poumons se remplirent de bonheur. C'était un Graal. Plus de murs blancs qui l'entouraient, plus de piqûres ni de longues questions sur son état de santé. Cependant, elle n'en avait pas fini avec l'hôpital et d'après le médecin, elle resterait encore six mois environ, le temps qu'elle récupère.

- Tu n'as pas trop froid ? s'inquiéta Armin en baissant ses yeux sur Annie qui les rouvrit.

- Non, ça va, sourit-elle en regardant un enfant courir.

Armin s'installa sur le banc, à côté du fauteuil roulant et reporta son attention en face de lui. Il frotta ses mains gantées l'une contre l'autre tout en poussant son nez retroussé dans son écharpe.

- J'ai réussi à mémoriser les prénoms de nos proches mais... Je peux t'avouer que ce matin, je t'avais à nouveau oublié si tu ne m'avais pas rappelé ton prénom.

Il se tourna vers elle. C'était un bon début même s'il devait souvent lui rappeler les choses. Sa mémoire fonctionnait mais sa vie d'avant était encore inconnue à ses yeux. Cependant, Annie se rappelait de certaines choses comme ses années d'études et l'accident. Le blond avait passé ses heures de visite à lui raconter leur rencontre, leur mariage, leur soirée à l'université et leur passion. Elle tentait tant bien que mal à essayer de se rappeler du moindre souvenir mais c'était comme s'il y avait un blocage. Le cerveau d'Annie avait énormément souffert lors de l'impact. Le bloc frontal avait été touché. Une zone importante pour la mémoire immédiate. Le Dr.Zoe avait expliqué à Armin que tout ce qui s'était produit avant l'accident, allait être retrouvé par Annie. Cela allait prendre du temps mais c'était possible. Elle avait schématisé comme une bibliothèque dont les livres étaient tombés. Il fallait les remettre en place, au bon endroit afin de retrouver la bibliothèque d'avant.

Demain, elle allait être envoyée dans une clinique afin de débuter ses séances de rééducation. Armin avait passé deux ans à essayer de faire travailler ses jambes et ses bras comme l'avait conseillé les médecins. Il pliait sa jambe à plusieurs reprises avant de passer à l'autre puis aux bras. Il remontait souvent la couverture pour qu'elle n'ait pas froid et changeait les fleurs dans le vase, une fois qu'elles étaient fanées.

Malgré le fait qu'Armin soit encore inconnu de ses souvenirs, la blonde voulait absolument reconstruire le puzzle de sa vie. Ses yeux balayèrent la photo que le blond tenait où une femme blonde lui ressemblait et un homme assez âgé.

- C'est qui ? demanda-t-elle en se penchant lentement par-dessus la photo.

- Toi et ton père. Tu avais dix-neuf ans.

Il en tira une nouvelle et la posa entre les mains d'Annie.

- Là... C'est moi ? pointa Annie sur la femme blonde, dans une robe de mariée.

- Oui, sourit Armin avec tendresse.

Elle regarda l'homme à ses côtés et releva la tête vers Armin.

- Et cet homme ?

- C'est moi. Le jour J, raconta le blond. Le plus beau jour de ma vie.

- Vu comment tu souris je l'imagine... Puis, moi aussi.

Armin sourit, le cœur battant. Elle avait du mal à repérer qui était qui sur les photos mais aussi certains objets dont elle avait perdu la signification et le programme d'utilisation, mais il y croyait. Annie était une femme battante et déterminée et quand elle voulait réussir, elle réussissait.

- Tu veux bouger un peu ? Faire le tour ? proposa le blond.

Annie hocha la tête et sentit son mari pousser le fauteuil roulant.

La vie ne tient qu'à un fil. Chaque jour est précieux car le suivant, sera peut-être le dernier. Du jour au lendemain, nous pouvons tout perdre. Se retrouver là, cloué dans un lit tout en étant incapable de se souvenir d'un objet, d'un visage ou de comprendre de simples mots comme « Bonjour ».

 Se retrouver là, cloué dans un lit tout en étant incapable de se souvenir d'un objet, d'un visage ou de comprendre de simples mots comme « Bonjour »

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[Aruani] Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant