VI.2

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Elle n'était pas réellement blessée par ses paroles. Le duc de Navarres ne pouvait la considérer aussi précieuse qu'Olivia, pas après avoir passé autant de temps à faire d'elle ce qu'elle était aujourd'hui. Il n'y avait pas un jour où elle manquait d'oublier les tortures qu'elle avait subis et fait subir, son corps était une preuve de qui elle était. Ce n'était pas les belles étoffes qui résidaient dans son placard qui la redéfinirait, il serait bien naïf de sa part d'y croire.

Elle était revenue pour un but bien précis. Il n'était pas judicieux qu'elle se mette à perdre le peu de confiance que son père lui avait montré ces dernières années parce qu'elle n'était pas en accord avec ses plans. Il n'était pas encore temps de le faire du moins.

Dans un soupir, elle leva son index et majeur joint et indiqua à Enora de la déshabiller. Une fois les vêtements à ses pieds, sa dame de compagnie les récupéra et se dirigea dans la chambre où une domestique avec un panier tressé attendait patiemment au milieu de la pièce. Elle était venue plus tôt dans le but de récupérer les habits de la jeune maîtresse, qu'ils puissent sécher avant la tombée de la nuit.

Eliza s'observa à travers le miroir en affichant une mine pleine de répulsions. Il est vrai que sa sœur et elle ne se ressemblaient pas tout compte fait. Ses jambes et ses bras étaient parsemés de cicatrices, ce furent de longues heures à endurer en silence les coups que le duc avait jugé bon de lui donner afin de la parfaire. Une meurtrière ne pouvait avoir une âme et un corps aussi purs, pour expier ses péchés, il était important de payer le prix pour cela.

Et elle n'était jamais arrivée à regarder son dos.

La dernière fois qu'elle l'avait fait, la jeune femme avait hurlé face aux horribles balafres qui défiguraient son corps. Encore aujourd'hui, elle en ressentait de vives douleurs pendant la nuit. Et pas une seule depuis que le duc de Navarres avait pris en charge son éducation, Eliza avait pu passer une nuit reposante.

— Madame, votre bain est prêt, l'interrompit Enora en lui montrant la cuve en bois qui fumait dans un coin de la pièce.

— Merci, Eni.

— Je vous attendrais dans la chambre avec votre toilette du jour.

Alors qu'Enora s'apprêtait à quitter sa maîtresse, car celle-ci n'aimait guère qu'on soit présent pendant qu'elle prenait son bain, elle fut soudainement interpellée par cette dernière :

— Il est probable que nous recevions sous peu une missive à l'adresse de Madame Conelli. Veille à ce que ni le duc, ni ma fratrie ne soit au courant de cela. Et je veux également savoir quand est-ce que l'esclave sera aux portes du domaine.

— Bien Madame, je m'en occuperai personnellement, répondit la jeune fille en sortant finalement de la pièce.

Eliza la regarda sortir en fermant derrière elle la porte en bois afin de la laisser seule. S'approchant ensuite de la cuve, elle pencha légèrement la tête sur le côté et esquissa un léger sourire. Sa domestique avait pris soin de laisser sur un tabouret, une dague entièrement ficelée. Elle n'était donc pas la seule à ressentir que cet endroit était beaucoup plus dangereux que ceux qu'ils avaient dû visiter pour de courtes missions.

Elle finit par plonger ses jambes à l'intérieur et un frisson commença par parcourir tout son corps. L'eau était brûlante, presque insoutenable. La jeune femme serra des poings et décida de s'y asseoir complétement en attendant que son corps s'habitue à la chaleur et qu'elle puisse enfin se détendre par la suite. En se concentrant, les yeux fermés, sur l'odeur familière du mélange d'huile et de plantes qui s'évaporait dans l'air, Eliza comprit que sa dame de compagnie avait pris soin de faire macérer des plantes médicinales dans l'eau en attendant qu'elle revienne du bureau du duc.

Holy QueenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant