Mét@morphose

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Tray


Le dimanche matin, c'est sous une grisaille changeante que Léa et moi partons tous les deux à vélo vers la Citadelle. Sans forcer, nous roulons tranquillement l'un derrière l'autre dépassant parfois des familles avec enfants ou se faisant doubler par des sportifs pressés. Avec mon casque et mes lunettes de soleil, je suis méconnaissable. Je retrouve un anonymat qui me plait.

À la limite du zoo, nous mettons pied à terre et trouvons un banc pour faire une pause. Alléchée par le parfum de friture qui émane d'une cahutte tenue par un homme rougeaud, Léa me réclame un billet de dix euros pour s'offrir des croustillons. Lorsqu'elle revient, au sourire gourmand qui s'étale sur ses lèvres blanches de sucre glace, ils doivent être bons.

— Je me suis brûlée la langue, se plaint-elle.

— Punie toute seule, mademoiselle !

Nous partageons le paquet alors qu'il est déjà onze et demie et que sa mère l'attend pour le déjeuner. Je lui fais promettre de manger à table, ce qu'elle accepte sans broncher. Je ne sais pas où elle met tout ça, mais elle mange comme quatre. De toute évidence, elle est en pleine croissance et ses activités sportives doivent accentuer le phénomène.

Après avoir mis le papier gras et les mini-fourchettes en plastique à la poubelle, nous buvons une gorgée d'eau avant de repartir à l'appart'. Une fois les vélos rangés au fond du corridor, je l'abandonne à la porte de sa mère avec un bisou sur sa joue pleine de sueur et frappe à la porte de chez la mienne.

Mes parents m'attendent avec un verre de vin en guise d'apéritif. Malgré les sucreries grignotées plus tôt, le parfum qui se dégage de la cuisine me met en appétit. Le poulet rôti cuit à la perfection avec sa peau croustillante et dorée accompagné de frites est un régal. Quand ma mère ramène sa fameuse tarte aux pommes, je suis aux anges et repu. On ne va pas se mentir, ça change de la bouffe dégueulasse dont on se contente en tournée ou entre deux enregistrements en studio.

Après un café pendant lequel mon père me demande quelle suite j'envisage pour ma carrière, je prends congé en leur assurant que les projets en cours de Slave Of One Night sont seulement ajournés et que dès que Soul est sur pied, je retourne aux États-Unis.

Assis sur le tapis du salon, je chante ma solitude de ma voix grave et rocailleuse alors que les nuages se dispersent. Après quelques essais décevants, j'abandonne ma guitare et me saisis de mon MacBook. Mes doigts courent sur le clavier et j'interroge le moteur de recherche.

En réponse à la question « Comment rencontrer son âme sœur ? », je tombe sur des articles de psychologues et de magazines féminins tous plus farfelus les uns que les autres. Cependant, à la deuxième page, s'affichent des liens vers des sites de rencontres. Au hasard, je clique sur le premier dont l'ergonomie ne m'inspire pas.

Le deuxième s'appelle « Pick Me ». La page d'accueil est attractive. Je comprends qu'il faut que je crée un profil complet assorti d'un pseudo. Je vois également qu'ils organisent des events locaux pour rencontrer physiquement des personnes avec lesquelles nous pouvons participer à une activité, et même des petits week-ends « découverte ».

Je navigue un moment et finis par me dire que l'idée n'est pas si mauvaise. Je peux toujours tenter le coup le temps que Soul se remette en selle et tomber par hasard sur la perle rare.  Au moins, sur ce site je peux prendre le temps de « choisir » quelqu'un qui recherche les mêmes critères que moi chez un partenaire et avec lequel j'ai des points communs.

Je m'intéresse au prix demandé pour un abonnement qui ne me parait pas si exagéré. Après avoir lu les avis en ligne, ma décision est prise et je débute mon inscription.

Slave Of One Night : Première Chanson - Pick Me UpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant