Cour@ge, Fuyons !

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Lisa


Ce matin, ma nuit agitée se reflète sur les traits de mon visage. Les lendemains de visite au manoir Bartoli sont toujours éprouvants. Heureusement, Pic'Assiette est fermé le lundi, ce qui me laisse le temps de me remettre de ce pénible dimanche.

J'ai fini la soirée comme une zombie. À mon retour à Lille et après m'être changée pour un legging et un long t-shirt usé, je me suis affalée dans mon canapé sous un plaid tout doux avec mes amis Netflix et Oreo. Ce n'est que lorsque mes paupières ont cédé d'épuisement que je suis partie m'allonger dans mon lit. Toute la nuit, dans mes rêves, se sont rejoués cette journée et ce repas interminable. La pique sur mon célibat a été la goutte d'eau...

Paul Bartoli estime qu'aucun homme ne serait assez fou pour s'encombrer de moi. Selon lui, je ne suis pas capable d'intéresser qui que ce soit. Mon métier, mon manque de communication, ma timidité sont autant de facteurs rédhibitoires, toujours selon lui.

Je vais lui montrer que je ne suis pas une pauvre petite chose fragile, cassée et incompétente ! Je ne suis pas un mannequin, je ne suis pas ingénieure en aéronautique non plus, mais j'ai le droit comme tout le monde de goûter au bonheur. Non pas que je sois malheureuse. Au contraire, j'ai tout ce dont j'ai besoin. La seule chose qui me manque est quelqu'un qui m'accompagne dans la vie. Quelqu'un sur lequel je puisse compter, un homme qui m'aimerait et que j'aimerais en retour, quelqu'un qui me respecterait, qui m'accepterait telle que je suis, qui ferait un bout de chemin avec moi.

J'envie parfois mes amies : Angélique pour l'amour qu'elle reçoit de Fabien et Méline avec son papillonnage incessant. Elles vivent des moments d'interactions sociales que je me refuse. Elles ont des amis, elles sortent. Il m'est arrivé de me joindre à elles quelques fois, mais je vis toujours mal le moment où ces étrangers s'aperçoivent que je bégaie. Tenir une longue conversation m'est pénible, fatiguant, voire impossible. Les gens abandonnent rapidement. Je les comprends.

Décidée, je sors de mon sac à main la carte de notre nouveau client qu'Angélique nous a donnée, à Méline et moi. Au dos figure le code promo que je dois rentrer pour bénéficier de l'abonnement de six mois. Cette application promet un grand choix de célibataires près de chez moi et la possibilité de rencontrer celui ou ceux avec lesquels on se sent le plus à l'aise. Je pose mes fesses au bord du canapé et ouvre le clapet de mon MacBook.

À nous deux Pick Me !

Je me dis que des échanges virtuels devraient bien se passer avant d'envisager une hypothétique rencontre physique. Au pire, je peux toujours couper court si je ne le sens pas. À l'abri derrière un écran, c'est tellement facile finalement.

Le plus compliqué est de trouver une ou des photos de moi. J'en récupère quelques unes de mon compte Facebook sur lesquelles les filles m'identifient parfois. Je ne prends jamais de selfie, la bouche en cul de poule très peu pour moi. Un portrait au naturel et de face après recadrage fera l'affaire. Sur cette photo datant d'un week-end à la mer, le bleu de mes yeux est particulièrement lumineux et je souris.

Les deux autres ont été prises lors des fiançailles d'Angélique chez ses parents dans l'Avesnois. Je porte une robe et des talons compensés qui me font une belle silhouette. Une où je suis debout et l'autre assise. Limitée par le choix qui s'offre à moi, je les télécharge et patiente un quart d'heure, le temps qu'elles soient approuvées par les administrateurs du site.

Quand le message m'invitant à répondre au questionnaire d'affinités You&Me s'affiche, je m'installe confortablement au fond de mon canapé avec ma tasse de café et mes muffins à la mûre.

Après une rapide description physique de ma petite personne, j'explique ce que je recherche. Je reste le plus honnête possible, même si je tais mon bégaiement. J'indique mes deux passions : faire de la pâtisserie et écouter de la musique. Puis, je continue en décrivant mon idéal masculin qui pourrait devenir l'homme de ma vie.

Est-ce trop demander que de désirer un homme en qui je peux avoir une totale confiance et qui m'aimerait d'un amour inconditionnel ?

Il y a vingt-trois questions pour déterminer ma vision du couple ! J'enchaine les questionnaires. Après une hésitation au-dessus du clavier, je précise que le physique m'importe peu, mais que je souhaite être contactée par des hommes dans la tranche d'âge de vingt-six à trente-cinq ans qui ont envie de vivre une histoire sérieuse et qui envisagent la vie à deux.

Il faudra que je pense à ajouter un message pour dissuader les demandes d'une nuit de folie. Pas vraiment mon style d'avoir des coups d'un soir et ma faible expérience ne fait pas de moi une professionnelle du sexe sans sentiment. Car je suppose que dans « relations à long terme » il faut entendre à un moment donné : « relations sexuelles à long terme ». Avant de sauter le pas, j'ai besoin d'être certaine qu'il y ait un minimum d'alchimie.

Après avoir répondu aux quarante-trois questions sur ma personnalité, j'éclate de rire sur mes goûts concernant les activités sportives. Je cherche le bouton « aucune ». Y'a pas. Par défaut, je coche « vélo », « natation » et « balade »...

Mon pseudo choisi et l'intégralité de mon profil complété, je patiente le temps que l'application se mette à jour. Dès l'instant où tout est validé, je reçois déjà des propositions de profils correspondant à mes critères. Soudain, je prends conscience de ma démarche et le trombinoscope de tous ces visages d'hommes inconnus qui me regardent me file la frousse. Je referme violemment le clapet de mon ordinateur et le repose sur la table basse d'une main tremblante.

Merde !

Qu'ai-je fait ?

Je sursaute au bruit de la sonnette de mon interphone qui couvre la radio mise en fond sonore depuis mon réveil, et me lève d'un bond.

— Oui ?

— Ouvre bichette. J'ai ramené des rouleaux de printemps et des nouilles sautées aux crevettes !

Je ne devrais pas être étonnée, Méline a toujours eu un sixième sens. Les filles savaient qu'hier je déjeunais au manoir et donc qu'aujourd'hui, j'allais être à ramasser à la petite cuillère.

J'ouvre la porte quand le bruit de ses talons hauts résonne plus fort sur le carrelage de mon palier. Ma brune au sourire étincelant déboule, chargée de son sachet aux merveilles asiatiques qui parfument toute la cage d'escalier. Malgré mon muffin avalé tout à l'heure, mon estomac émet un grondement peu élégant.

— J'vois que je débarque au bon moment, s'exclame-t-elle en pénétrant dans mon appartement comme une tornade.

Au passage, elle me fait une bise sur la joue.

— Hum, j-j-j...j'ai faim.

— J'entends bien !

Je referme la porte sur son parfum vanillé, avant d'aller chercher deux bières pour accompagner notre repas. Je retrouve Méline installée en tailleur sur le tapis. Tandis qu'elle déballe les boites, je l'imite et pose nos boissons sur la table basse.

— Alors ? Lucifer t'a encore fait vivre un enfer ?

Je hausse les épaules et, sans la regarder, m'empare d'un rouleau de printemps que je trempe dans la sauce avant de mordre dans ce délice d'une fraîcheur incroyable.

— Mmh...

— Tes frères étaient contents ?

Je hoche la tête et lui souris.

— Franchement, il n'y aurait pas Romu et Sasha, je t'interdirais d'y aller, soupire-t-elle. Bon et sinon, quoi de neuf ?

— Rien.

À ce moment précis, mon téléphone émet plusieurs tintements caractéristiques de notifications. J'engouffre ce qu'il reste du rouleau de printemps, m'essuie les mains et me saisis de mon portable. Alors que je le déverrouille, Méline se penche au-dessus de mon épaule.

— Oh la vache ! Tu l'as fait ! Tu t'es inscrite !

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 01, 2021 ⏰

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