Plus qu'un Contr@t

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Lisa


La chaleur qui règne chez Jacky me happe dès les portes franchies. Notre arrivée ne passe jamais inaperçue.

— Hey, bien le bonjour les Drôles de Dames !

— Bonjour Jacky, répondons-nous en chantonnant toutes en chœur.

Quelques clients ricanent, mais les habitués ne nous calculent même pas. Une brune, une rousse et une blonde, le trio d'enfer. Assises à notre table, nous attendons Marine qui ne tarde pas à venir prendre nos commandes.

— Salut les filles ! Qu'est-ce que je vous sers ? Comme d'hab' ?

Je hoche la tête tandis que Angélique lui répond qu'elle prendra un café.

— Quoi ? Un café ? Mais t'es pas sérieuse ! Marine, mets-nous une bouteille de Pinot gris et trois verres, s'il te plait. On fête quelque chose aujourd'hui.

— Ok, dit-elle en tournant les talons sans attendre.

— Ah ? T'avais dit Leffe et Kriek. Et puis, je pouvais bien prendre un café ! se rebelle Angélique.

— Pour faire ça, on restait à la boutique, chérie, répond la brune en la fixant d'un regard noir. Bon, raconte-nous un peu ce contrat plutôt.

— Oui. Donc les filles, ça consiste à organiser et animer des ateliers cuisine ou pâtisserie pour des groupes de célibataires qui se sont inscrits à l'activité sur Pick Me. Nous serons prévenues à l'avance du nombre de participants, mais la femme que j'ai eue par mail m'a indiqué que ce serait des groupes d'une dizaine ou d'une douzaine de personnes grand maximum. Ils verront avec nous pour les dates. A priori, une à deux fois par mois.

— Ok, bah ça va. Je vais gérer.

— C'est bien payé, donc j'aimerais bien qu'on conserve ce contrat.

Ravie qu'aucune des deux ne se soucie de moi, j'en profite pour sortir mon portable de mon sac et vérifier ma messagerie. Sans surprise, s'affiche un SMS de mon père.

N'oublie pas que nous t'attendons dimanche pour midi.

Pas de « bonjour », pas de « bonne journée ma chérie », pas de « je t'aime ». Concis et précis, il ordonne et je dois obéir. À vingt-huit ans, je suis toujours malmenée par ce père que je ne peux pas appeler « papa ». Je fixe mon écran encore quelques secondes espérant sans trop y croire que le message se transformerait en un petit mot gentil et bienveillant.

Au claquement de la bouteille sur la table, je relève la tête et croise le regard compatissant d'Angélique. Pas besoin de lancer un coup d'œil à ma gauche pour savoir que ma voisine doit afficher le même. Je pose le téléphone sur la table, face cachée, et me saisis d'un verre vide en le tendant à Méline.

— Ouais, dit-elle simplement en le remplissant de vin blanc.

Lorsque nous sommes toutes servies, nous trinquons à notre nouveau contrat. À la troisième ou quatrième tournée, ou à la deuxième bouteille, je ne sais plus, mes idées deviennent confuses, mais je distingue clairement Fabien qui vient à notre rencontre. Face à moi, Angélique ne peut pas le voir. Aussi, lorsqu'il lui pose les mains sur les yeux, elle sursaute et renverse du vin sur son chemisier ce qui nous vaut à Méline et moi un éclat de rire aviné.

— Merde Fabien !

— Bah alors, les filles, on fait la fête sans moi ?

— M...ouais, bredouillé-je d'un ton pâteux.

— Et tu te rappelles que tu ne dois plus boire d'alcool ? s'adresse-t-il à sa copine en s'asseyant à côté d'elle.

— Ben, dis donc ! Tu nous avais caché que vous aviez des rapports maître-soumise, s'exclame Méline d'une voix qui n'a plus rien de discrète.

Interloquée, Angélique en recrache sa gorgée dont quelques gouttes atterrissent sur mon visage. Après m'être essuyée avec une serviette en papier, j'observe Fabien qui a posé son bras autour des épaules de sa fiancée pour la rapprocher de lui et l'embrasser sur la joue tout en riant. Ils forment un beau couple tous les deux. Je ressens un petit pincement au cœur à la vue de ce que je ne pourrai certainement jamais avoir.

— Ça va Lisa ? me demande-t-il.

— Oui.

— Naaaan, elle ne va pas bien. Elle se crève le cul au boulot, son père continue de lui envoyer des directives par SMS et elle n'a pas vu le loup depuis loooooongtemps ! s'esclaffe Méline.

Je pique un fard. Les trois quarts des personnes présentes se tournent vers notre table avant que je n'aie le temps de poser la main sur sa bouche pour la faire taire. Cependant, mon regard assassin la dissuade d'aller plus loin.

— Désolée ma chérie, quand je bois, je deviens complètement idiote, s'excuse-t-elle.

Elle vient me faire un câlin en posant sa tête sur mon épaule et m'embrasse bruyamment sur la joue.

— Bah, justement les filles ! J'ai une solution à votre célibat, qu'il soit assumé..., annonce Angélique en se tournant vers Méline, ...ou pas, termine-t-elle en passant à moi.

— Ah ? Tu vas nous trouver des hommes ? Tu te reconvertis en entremetteuse ? demande ma brune.

— Chut, moins fort.

— D'aaaccooord, chuchote-t-elle en articulant exagérément.

Après avoir demandé à Marine de lui amener un verre, Fabien termine la bouteille de vin et trinque avec ce qu'il reste dans les nôtres. Curieuse, je prends une grande inspiration.

— Tu p-p-p...peux n-nous d-d-di...dire t-t-t...ta so-solution ? m'adressé-je à Angélique.

— Ah oui, c'est vrai. Eh bien, le contrat avec Pick Me comporte un bonus. Nous avons une connexion offerte chacune.

— Ah ah. Très drôle, s'esclaffe Fabien.

— Non, non, c'est vrai, chéri. Ils nous ont offert trois abonnements de six mois à l'application avec les options premium et zen. C'est sympa, je trouve.

Fabien la regarde, étonné.

— Oui, enfin je ne vais pas utiliser le mien, voyons, dit-elle en captant l'œil devenu meurtrier de son amoureux. Mais pour les filles, c'est génial, non ? s'écrie-t-elle en ouvrant ses mains vers nous.

C'est une blague ?

J'écarquille les yeux quand je réalise ce qu'elle vient de nous dire. Elle semble convaincue que nous allons nous inscrire sur un site pour rencontrer des hommes. Il n'en est pas question ! Avec mon bégaiement exacerbé par ma timidité, je repousse naturellement la gente masculine. Les quelques mecs que j'ai pu connaître dans ma vie ne sont jamais restés et je ne cherche plus depuis longtemps.

J'ai fait mon deuil de mes relations sexuelles et d'interactions avec le sexe opposé. Tandis que ma psy dirait que le conflit avec mon père que j'intériorise doit en être la cause, je pense, moi, que mes quelques déceptions m'ont juste vaccinée. Je n'attends plus rien. J'ai tout ce dont j'ai besoin : un boulot que j'adore, des amies sincères, un toit sur la tête. Pourquoi devrais-je m'encombrer de complications quand la vie est aussi simple que ça ?

— D'accord ! On va le faire ! Youhou ! hurle Méline en se jetant dans mes bras. On va se trouver des mecs, hein ma Lili ?

Mais dans quoi va-t-elle encore m'embarquer ?

Slave Of One Night : Première Chanson - Pick Me UpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant