Nous traversons les mêmes couloirs que le premier jour de mon arrivée. Le jour où, madame Axianie m'a abandonnée dans ma prison dorée. Nous arrivons trop vite à mon goût dans l'immense salle où vole les tapis volant.
Tandis que nous montons sur la marche la plus basse de l'escalier le plus à droite, je contemple cette pièce l'air absente savourant chacune des minutes de liberté qui me restait, car soyons lucide : Pourquoi madame Axianie me ferait-elle passer par ce chemin si elle n'a pas l'intention de me reconduire à nouveau dans ma cellule ? Et cette fois, j'ai bien peur d'y devoir y rester un temps, interminable.
Nous nous aventurons d'ors et déjà dans le magnifique couloir au mur de jade éclairé par de faibles lanternes dont les vitraux sont dignes des plus grands maîtres verriers.
Je vois déjà au loin la silhouette de ma gardienne de pierre. Je m'attends à ce que madame Axianie s'arrête à sa hauteur, mais contre toute attente, elle continue son chemin. Où compte-elle m'emmener ? Bien que je meurs d'envie de lui demander qu'elle est notre destination, je ne dis rien. J'ai bien trop peur qu'elle ne change d'avis et qu'elle ne décide de rebrousser chemin. Sur chacune des portes présentes dans ce couloir a été sculptée une représentation des sept divinités que j'ai vu dans le temple où à eu lieu la cérémonie de la renaissance.
Nous nous arrêtons devant la porte en bois sur laquelle a été sculpté une femme qui lévite dans un ciel nuageux. Ses longs cheveux flottent librement aux quatre vents. Elle tient dans sa main droite un éclaire qu'elle s'apprête à lancer sur qui quiconque oserait entrer dans la pièce. Un énorme cloché vaporeux et son immense horloge se dressent droit et fier juste derrière elle. Axianie fait face à la porte. Elle retire son amulette aux yeux rubis qui orne son coup et le brandit face à cette porte :
-Au non de la première déesse, je t'ordonne de nous laisser passer.
Suite à ces mots, la femme animée sur le panneau de bois lâche son arme et la porte s'ouvre sur un passage brumeux d'une couleur blanchâtre.
L'endroit me parait peu rassurant. Axianie, fidèle à elle-même, s'y engouffre sans aucune crainte.
À peine ai-je posé un pied dans cette étrange dimension, j'ai la sensation désagréable d'être épiée et suivie.
Nous progressons dans une véritable purée de pois. Le brouillard qui nous enveloppe est vraiment sec et à couper au couteau. J'espére qu'Axianie sait ce qu'elle fait. Je ne tiens pas à rester enfermer ici. Et si c'est ce qu'elle comptair faire : me laisser seule ici ? À cette seule pensée, je sens un frisson glacial me parcourir le dos.
Je jette un coup d'œil rapide à Zoé. Elle semble sereine donc pas de danger en vu.
Nous marchons depuis quelques minutes quand une masse d'air chaude et sec se met soudainement à tourbillonner tout autour de moi.
À l'intérieur de cette petite tornade, je distingue une multitude de traits blancs et fins, ayant une forme humanoïde. De petits murmures timides à peine audibles s'en échappent :
-C'est l'élue. Comme elle est belle.
-C'est vraiment rageant ! grommelé-je entre mes dents. Tout le monde semble savoir qui je suis réellement, tout le monde sauf moi.
Étrangement, à ce moment-là, je ne ressens aucune peur. Bien au contraire, les petites créatures qui se trouvent dans le tourbillon semblent bienveillantes et assez espiègles aussi.
Elles s'amusent dores et déjà à me chatouiller. Je peux entendre très distinctement leurs petits rires enfantins qui carillonnent au sein même de cette curieuse masse d'air jusque dans mes oreilles.
Puis ces petites créatures se mettent à taquiner ma tortionnaire.
-Oh oh, Axianie n'est pas contente !
-Axianie, la reine de la tyrannie.
-Elle ne sourit jamais. Elle ne sait faire que crier.
-Oui, crier et martyriser.
-Allez-vous-en, espèce de sales petits parasites.
Tout en joignant ses gestes à sa parole, elle tente tant bien que mal de chasser ce petit tourbillon du revers de sa main. Exactement comme si elle chassait un vulgaire essaim d'abeilles.
-Axianie, je vous prierai de laisser mes amies tranquilles !
La voix vient de derrière nous. Nous nous retournons aussitôt.
Une très belle jeune femme se tient désormais fièrement devant nous. Sa chevelure ressemble un peu à une barbe à papa blanche qui flotte au-dessus de sa tête et qui se déforme au gré des vents.
Sa peau est aussi blanche que le lait frais de même que ses yeux. Elle est vêtue d'une robe longue, orange pastelle, très légère et fluide. Ce qui met un peu de couleur dans cette atmosphère majoritairement blanchâtre. Elle dégage, comment dire, quelque chose de fantomatique. Oui, c'est bien ça, de fantomatique.
C'est alors que je la reconnais. Elle fait partie du petit groupe des sept personnes présentes lors de la cérémonie de ma renaissance. Il s'agit de Zéphira, si je ne me trompe pas.
-Les sylphides, vos amies ? lance mon bourreau personnel choqué par cette affirmation. Comment peut-on considérer ces petits rats volants comme des amis et à plus forte raison comme des individus à part entière ? Elles sont aussi malicieuses que les gnomes sauf qu'elles, en plus, elles peuvent se rendre invisibles. Franchement, Zéphira, je ne vous comprends pas.
Juste après la tirade de madame Axianie, je vois les lèvres de la mystérieuse jeune femme remuer et former le mot silence.
Une puissante rafale de vent s'abat avec fureur sur ma tortionnaire particulière. Cette masse d'air est si puissante qu'elle réussit à l'emporter avant qu'elle n'atterrisse, sur ses fesses, trois mètres plus loin.
Axianie ne répond pas à l'attaque brutale dont elle vient d'être la cible. Elle se contente de se relever, silencieusement la tête baissée et de défroisser sa longue robe en tulle noire avec ses mains.
Je comprends dès lors que nous sommes sur le territoire de cette femme aux allures spectrales et qu'elle, seule, déterminera de la suite des événements.
-Axianie, je ne vous retiens pas. Vous connaissez le chemin.
-Très bien, je vous laisse. Mais je dois vous prévenir. Cette petite insolente ne contrôle absolument pas ses pouvoirs.
-N'ayez crainte, je ferais attention, lui répond Zéphira.
Sans dire un mot de plus, Axianie, humiliée, quitte ce monde sans même m'adresser un regard.
-Allez, viens petite. Nous avons du pain sur la planche.
Zoé et moi, nous nous regardons, tout en nous demandant la raison de notre présence dans cette mer de brume, et surtout ce qui nous y attend.
Néanmoins, je suis la maîtresse des lieux, sans poser de questions. C'est ainsi que nous nous retrouvons dans une étrange petite clairière. Les branches sans vie des arbres morts qui nous encerclent, protégent le petit cercle sacré sur lequel nous venons de pénétrer. Même la brume n'ose pas s'y aventurer.
Une énorme vasque en pierre trône au beau milieu de ce lieu pour le moins curieux. Elle est si haute que seule ma tête ainsi que mon coup la dépasse. Elle est décorée par de nombreuses gravures qui représentent des colombes aux ailes déployées qui volent au-dessus d'un ciel nuageux.
Dès que nous pénétrons dans le cercle mystique, Zéphira prend mes mains dans les siennes. Le contact de sa peau contre la mienne est vraiment étrange. Et pour cause, je ne ressens absolument rien : ni chaleur, ni contact, rien. C'est comme si son corps ne possédait aucune réalité matérielle ou physique. Je ne peux, tout simplement, plus bouger.
Une quatrième personne ne tarde pas à nous rejoindre. Une personne que je reconnais d'emblée.
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L'élue maudite de Métrilonia. Tome 2 [bonne version]
FantastiqueAprès que la mère de Séléna Irwin et son meilleur ami Lucien soient enlevés par les quatre Morribonds, madame Axianie, la très chère conseillère d'éducation principale de l'adolescente, décide de l'emmener de force, au Palais de jade. Qui est le se...