L'élue maudite de Métrilonia. Tome 2 [bonne version]

Préparation au premier cours d'élémentariste

Comme l'a ordonné madame Axianie, Lilliana nous lève, moi ainsi que Zoé, à sept heures très précise. En tant que gouvernante avisée, elle a pris le soin de préparer avant notre réveil, des tenues identiques, composées d'un chemisier blanc en satin, d'une jupe lavande qui arrive en bas des genoux, la veste et le foulard assortis, ainsi qu'une paire de ballerines noires et une paire de collants opaques et blancs.

Dès que nous sommes habillées et lavées, Zoé et moi-même, nous nous asseyons autour de la table de la salle à manger pour prendre notre petite déjeuner. C'est alors que la voix de Lilliana se fait entendre :

– Puisque c'est votre première journée de cours avec Axianie, j'ai pensé qu'il serait bon de vous préparer un petit-déjeuner copieux. Croyez-moi. Axianie ne fait pas dans la dentelle quand il s'agit d'enseigner, prononce-t-elle dans un soupir exaspéré. 

Apparemment, Lilliana et moi partageons le même avis sur le côté autoritaire et sévère de celle qui sera pour les jours avenirs mon enseignante. Ce qui n'est pas pour me rassurer. Je me souviens encore de la fois, où elle a retourné mes propres pouvoir contre moi, me faisant ainsi goûter à ma propre force. Je me demande ce qu'elle a bien pu prévoir aujourd'hui. Rien que de penser à ce qui m'attend, j'en ai le ventre noué.

Et c'est donc la boule au ventre que je prends place au bout de la table en forme d'ovale décorée d'une nappe luisante d'une jolie couleur dorée. Quant à Zoé, elle prend place à l'autre bout.

L'esprit animalier qui s'occupe de cet endroit, a disposé au milieu du meuble qui sert à prendre nos repas, un bouquet de fleurs qui ressemblent curieusement aux fleurs des fraisiers, mais d'une jolie couleur rose orangée. Son parfum sucré parvient jusqu'à mes narines. Il me fait penser, un peu, à celui des barbes à papa. 

– Ces sont des Essuries, m'éclaire Lilliana, comme si elle a su lire dans mes pensées. J'ai demandé à madame Serpentie de me les apporter. Elles ont la propriété d'ouvrir l'appétit. Inutile de dire que lorsque j'ai passé cette commande, je n'ai pas pensé une seule seconde à Zoé. Je sais bien que rien ne peut empêcher cette petite gloutonne de se jeter sur la nourriture, prononce-t-elle avec un petit sourire dans la voix. 

– Lilliana être méchante avec Zoé ! Zoé pas être une gloutonne. Zoé être en pleine croissance et donc Zoé avoir besoin d'énergie pour sauver petite princesse, se justifie-t-elle avec sa petite moue boudeuse qui me fait littéralement craquer, avant de tirer la langue à ma chère gouvernante.

Elle n'aurait jamais dû dire cela. Après son petit discours, apparaît devant son visage de gamine aux yeux améthyste, un sèche-cheveux. Celui-ci s'allume subitement et décoiffe de son air chaud les cheveux argentés de la petite fille aux oreilles blanches de lapines.

– Les petites filles ne doivent pas tirer la langue. C'est très mal élevé comme comportement ! Déclare Lilliana à ma petite Zoé une fois que le sèche-cheveux a disparu.

Cette petite dispute matinale chasse pendant quelques instants mes tourments. Elle me fait même sourire. 

Sacrée Zoé. Lilliana n'y va pas de main morte quand il s'agit de l'étiquette. La pauvre ! Elle boude encore. Je me lève et la rejoins avant de la prendre sur mes genoux pour la réconforter.

Après cette petite leçon sur les bonnes manières, la maîtresse des lieux continue son explication sur la présence de ces fleurs étranges :

– Comme je le disais avant d'avoir été aussi grossièrement coupée. Je me doutais que vous, petite princesse, vous auriez probablement le ventre noué ce matin. D'où la présence de ces fleurs. Vous devez prendre des forces. Alors je vous retiendrai jusqu'à ce que vos plats soient vides. C'est bien compris ?

– Oui, Lilliana, confirmé-je sans grand enthousiasme.

– Et interdiction de donner votre à part à Zoé. Je vous surveille, rajoute-t-elle sur un ton très autoritaire.

– Ne t'en fais pas, Lilliana. Je ne partirai pas d'ici l'estomac vide, la rassuré-je.

– Je suis contente de vous l'entendre dire. Il ne me reste plus qu'une seule chose à dire Bonne appétit ! annonce-t-elle en ayant retrouvé sa gaîté habituelle.

Sur ces mots, les innombrables plats apparaissent sur la table. Elle s'est surpassée ! Nous avons le droit, ce matin-là, à des piles de crêpes avec un torrent de chocolat fondu et du sirop d'érable. Ainsi qu'un œuf à la coque et des toasts parfaitement dorés avec du beurre et de la confiture. Face à temps de délice, je ne peux résister et dévore tous les mets délicieux que notre hôtesse a cuisinés pour nous. Les fleurs semblent avoir fait leur petit effet.

Nous venons tout juste finir de nous restaurer lorsque la représentation en pierre de ma gouvernante glisse sur la droite, laissant apparaître un miroir d'où sort Axianie. Elle s'avance à grand pas vers nous. Puis elle déclare de sa voix forte et autoritaire :

– Il est l'heure. J'espère que vous êtes prêtes ?

– Bonjour, Axianie. Moi aussi, je suis heureuse de vous revoir, fait remarquer la maîtresse des lieux sur le même ton qu'elle utilise lorsqu'elle réprimande Zoé.

Madame Axianie se racle la gorge. Puis elle prononce avec un air particulièrement agacé :

– Bonjour Lilliana.

Apparemment même Axianie doit se plier aux règles de bienséance imposées par notre hôtesse.

– C'est mieux ainsi. Elles sont toute à vous, répond-elle sur son ton joviale habituel.

– Allez mes demoiselles, l'heure de la première leçon a sonné. Pour commencer, Mademoiselle Irwin. Faites nous sortir d'ici.

Sans dire quoi que ce soit, j'obéis. Je connaît la première étape. Je dois  poser la paume de ma main sur celle de la statue de Lilliana. C'est alors que la statue de femme à la tête de chat glisse une nouvelle fois vers la droite et qu'un trou noir, aux paillettes argentées, apparaît dans le mur. Après j'avoue être un peu perdue. Je regarde Axianie en espérant qu'elle me donne très vite le reste de la marche à suivre. 

– Très bien, me complimente-t-elle. Et, maintenant, dîtes : « par la volonté de la divinité qui veille sur le premier univers, transporte-moi devant la classe de madame Axianie ». Ensuite, apparaîtra un miroir que vous n'aurez plus qu'à traverser.

Là encore, je ne me fais pas prier, et exécute scrupuleusement les indications que m'a données mon nouveau professeur. Le miroir apparaît comme elle me l'a annoncé. Il est magnifique. Son encadrement représente différentes ronces aux grosses épines qui s'entrelacent. Elles sont sculptées dans de l'onyx. Je prends une grande respiration et le traverse. Comme d'habitude, je ne sens qu'un léger courant d'air qui fait voler mes cheveux dans tous les sens avant de me retrouver dans une salle de classe.