Le dix-septième

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— Noé, j'aimerais que l'on parle de ce qu'il s'est passé hier soir.

Je secoue la tête. Non. Je ne dois pas parler de ça.

— J'ai besoin de savoir pourquoi tu as fait ça afin de pouvoir t'aider.

Je gratte mon index. La culpabilité me ronge depuis hier. Je n'avais jamais été aussi violent.

— J'étais en colère. Et triste, aussi.

— Pourquoi ressentais-tu de la colère et de la tristesse ?

J'hésite. Est-ce que je dois vraiment lui dire tout ce que je ressens ? Son air affirmé me fait comprendre que oui.

— Mon père veut me voir et Louise et Marc veulent m'adopter. Tristan voudrait que je me décide. Et Abigaël est parti...

Je souris un peu. Abigaël m'envoie au moins une photo toutes les heures. L'aéroport, la vue de sa chambre d'hôtel, lui devant le miroir, une première de couverture de livre ou simplement un selfie au soleil. Au moins, je sais que lui, ne m'abandonnera pas.

— J'ai conscience que parfois, faire la part des choses devient difficile, reprend mon psychologue. Mais tu as des personnes à qui tu peux en parler. Moi. Louise et Marc. Et ton frère également.

— Pas Tristan. Lui, il m'en veut.

— Tu en es sûr ?

— Il me l'a dit. Enfin non. Mais je sais que c'est ce qu'il pense.

— Pourquoi à ton avis ?

— Notre père, il... Il a été violent. Avec lui. Mais jamais avec moi.

— Je crois que Tristan cherche simplement à te protéger.

— Mais il n'est plus violent. Il se fait aider. Il va voir un psy et va à des séances d'aide pour les alcooliques. Alors mon frère n'a plus besoin de me protéger.

— Tristan aura toujours l'impression de devoir te protéger. Surtout si tu es en présence de ton père. Il a vécu un traumatisme et cherchera par tous les moyens à te le faire éviter.

Je hoche la tête. Mon frère a souffert et je n'ai pas envie de lui faire davantage de mal.

— Je ne veux pas aller voir mon père. Pas pour le moment. Je ne me sens pas prêt.

— Tu as tout à fait le droit de ne pas te sentir prêt à le revoir.

— Je devrais aller m'excuser auprès de Louise et Marc. Et dire à Tristan ce que je ressens.

— C'est une bonne idée, Noé.

Le médecin me sourit et je souris un peu aussi. Parler de ce que j'éprouve me fait du bien. Surtout à quelqu'un de neutre et qui me comprend. La séance continue sur ce que je ressens à l'idée de retourner à l'université sans Abigaël. Je n'ai pas peur. Je ne suis pas stressé. Les cours et les devoirs vont occuper assez de mon temps et nous allons nous parler tous les jours jusqu'à ce qu'il rentre.

Je quitte le bureau, après avoir salué le médecin et tombe sur Ulysse assis dans la salle d'attente, un magazine de décoration dans les mains.

— Bonjour, le salué-je.

— Hum ? Ah. Salut.

Son ton est froid. Je resserre la lanière de mon sac. Ulysse est vraiment quelqu'un de difficile à cerner. Un jour, j'ai l'impression qu'il m'apprécie, et l'autre, qu'il me déteste au plus haut point.

— J'ai appris pour Abi, continue le brun. Il est parti pour combien de temps ?

— Trois mois. Mais comment tu sais pour son départ ?

Le chant du cygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant