Le trente-et-unième

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Notre cours de bureautique et réseaux se termine, mais le professeur nous demande d'attendre avant de sortir, afin qu'il puisse distribuer les résultats des devoirs. Abigaël retourne le sien dans tous les sens. Il semble réellement attristé.

— Huit. J'ai eu huit... Vous avez eu combien ?

Ulysse range son devoir au fond de son sac et je lui montre le mien.

— Quinze ! Comment t'as fait ?

— J'ai révisé.

— Évidemment.

Il me tire la langue et me rend la feuille pour que je puisse la ranger.

— Et toi Lulu ?

Ulysse se retourne vers Abigaël et fronce des sourcils.

— Ne me dis pas que tu m'as appelé de la façon dont j'ai entendu ?

— Si tu as entendu Lulu, oui, s'amuse-t-il. T'as eu combien au devoir ?

Il se lève pour mettre son sac sur son dos et lui sourit.

— J'ai eu seize.

Abigaël fait la grimace et nous nous levons pour sortir en même temps qu'Ulysse. Je resserre ma planche contre moi et attrape de ma main libre celle d'Abigaël. Ulysse s'amuse de nous voir comme ça.

— Vous êtes trop mignons !

— T'es juste jaloux.

Abigaël embrasse mes phalanges et nous nous rendons jusqu'au parking.

Nous avons eu la chance de ne pas avoir croisé Simon de la semaine. Et je pense que c'était le mieux pour tout le monde. Mon petit-ami n'aurait pas hésité une seconde pour le frapper. Ils doivent déposer leurs témoignages contre lui aujourd'hui et je n'ai pas envie qu'ils aient de problèmes en plus.

J'aperçois Tristan sur le parking, adossé contre sa voiture.

Des étudiantes l'observent fumer en souriant. Il répond à leur sourire. C'est un grand charmeur et il ne s'en cache pas. Même si je pensais qu'il voulait arrêter avec les relations amoureuses.

— Putain... C'est qui ? demande Ulysse, plutôt intrigué par le jeune homme qu'il a devant lui.

— Mon frère.

— Ah ouais. Quand même.

Je regarde Ulysse. Il contemple Tristan dans les moindre détails. Je ne sais pas ce qu'il lui passe par la tête, mais Tristan nous voit et éteint sa cigarette avant de la jeter à la poubelle. Il me prend rapidement dans ses bras et salue Abigaël.

— Et toi, tu es Ulysse ?

— Oui. On est dans la même classe, confirme mon ami.

— Ok. Alors je viens avec vous et après Louise et Marc ont insisté pour que vous veniez manger à la maison. J'espère que ça vous va ?

Ulysse rit comme un imbécile, ce qui fait sourire Tristan.

— Tu vas bien ?

Mon ami s'empourpre d'un seul coup.

— Désolé. Ça me va.

— Moi aussi.

— Bon. On y va.

Nous montons dans sa voiture et Tristan presse mon genou avec sa main. Il me rassure du mieux qu'il peut. J'ai confiance en eux et en la suite de l'affaire.

Nous arrivons au commissariat et Abigaël serre ma main dans la sienne.

— On est ensemble.

Ulysse est le premier à être interrogé. Son entretien dure vingt minutes. Vingt minutes, où Tristan enchaîne les cafés et Abigaël joue avec mes doigts. Ils semblent bien plus inquiets que moi.

Ulysse ressort du bureau et les deux agents de police demandent à mon petit-ami de prendre sa place.

Il m'embrasse et rejoint les deux hommes. Mon ami prend son ancienne chaise. Tristan jette son gobelet de café vide et se rapproche de nous.

— Ils ont demandé quoi ? l'interroge mon frère.

— Ce que j'avais exactement vu. Avec des détails. Simon a emmené Noé à l'étage.

— Et il ressemble à quoi, ce Simon ?

— Cheveux noirs ou bruns foncés.

— Comme plein de gens.

— Ils ont déjà la version de Noé et ils vont avoir celle d'Abigaël, ajoute Ulysse. Et il y aura sûrement celle d'autres étudiants. Il y avait du monde.

— J'espère.

Tristan retourne à sa machine à café et Ulysse se frotte les joues avant de me regarder.

— J'ai vraiment eu peur quand je t'ai vu ce soir-là. T'avais l'air complètement ailleurs avec le regard dans le vide.

— Je crois que Simon m'a drogué.

Il se redresse sur son siège et fronce des sourcils.

— Il t'a... L'enflure.

Son regard dévie sur les dalles en lino du sol.

— J'aurai dû lui en coller une, aussi.

Son sourire se veut rassurant. Ils tiennent tous à moi à ce point ?

Plusieurs minutes passent sans que nous n'ayons de nouvelles d'Abigaël.

— Tu crois qu'ils vont arrêter Abi ?

— Non. Notre rouquin est un super-héro.

Ulysse tente de m'apaiser avec un sourire. Il se lève pour prendre à son tour un café à la machine, qui est récalcitrante à lui donner. Tristan l'aide à prendre une boisson. Ils restent près de la machine à café durant le reste du témoignage d'Abigaël. Je ne sais pas de quoi ils parlent, mais ils semblent intéressés par ce que dit l'autre. Ils sourient.

Mon petit-ami finit par en ressortir et je le prends dans mes bras.

— Ça va ?

— Je crois qu'on va entendre encore longtemps parler de cette histoire.

Je recule un peu et il me retient contre lui avec une main sur mon bassin.

— Mais je te l'ai dit, on est tous là pour toi.

Je hoche la tête. Ils sont là avec moi pour affronter la suite des événements. Abigaël m'embrasse et observe mon frère et Ulysse.

— Je crois qu'Ulysse à craquer pour ton frère.

— Quoi ? Mais ils se connaissent à peine, refuté-je.

— Oui, pourtant j'ai l'impression qu'il y a un feeling. Au moins physique.

Cela m'inquiète. Mon frère n'est pas en état de se lancer dans une histoire. Encore moins avec Ulysse. Lui qui doit déjà gérer l'université et son fils, ce qui lui prend énormément de temps. Il n'a pas le temps pour une histoire avec mon frère. Et certainement pas pour une simple histoire de sexe. Il a besoin de quelqu'un qui se consacre à 100% à lui.

Ulysse pose sa main sur le bras de Tristan qui ne cherche pas à l'enlever.

Je n'ai pas envie de penser à ça et à eux. J'ai d'autres choses en tête.

Le chant du cygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant