J’ignore combien de temps je me suis assoupie dans les bras de Ludis mais cela ne m’a semblé être que quelques secondes, le temps d’un battement de cil. Ils ont quelque chose de réconfortant, d’apaisant, il en émane une douce chaleur, si bien qu’on n’y passerait bien l’éternité. Sauf, que je ne peux pas passer l’éternité encore moins ma vie sur cette planète, ni avec lui. Le jour pointe à l’horizon et les dernières nuées d’obscurité emportent avec elle notre trêve, mon cœur et le rêve éveillé que j’ai vécu hier. Ce retour à la réalité me fait me redresser, il se redresse à son tour. J’entends ses membres craqués et j’en déduis qu’il a dû rester dans cette position inconfortable pendant longtemps… de peur de me réveiller. Je chasse vite cette image attendrissante de ma tête et me lève pour de bon, essayant de mettre le plus de distance possible entre nous. Après avoir rangé toutes les affaires, nous nous mettons en route sans un mot. Le paysage qui défile par la vitre est l’unique témoin des larmes qui ruissèlent sur mon visage. Plus nous nous éloignons de ce paradis plus ma tristesse prend des proportions dangereuses. Tout le château est encore assoupi à l’exception des gardes, nous y pénétrons sans bruit et il me raccompagne jusque devant ma porte. J’appréhende le moment où il va briser ce lourd silence qui nous a accompagnés depuis notre réveil, peu être ne devrait-il rien dire ce sera plus facile pour nous deux.
-Ella, je…
Il laisse sa phrase en suspens. Je lui fais signe de continuer mais les mots peinent à se frayer un chemin jusqu’à ses lèvres. C’est inutile, rien de ce qu’il pourra dire ne m’empêchera d’aller déverser toutes les larmes de mon corps sur mon oreiller. Je me détourne alors et ouvre la porte ; il me retient par le bras.
-Ella, tout ceci n’est pas ma faute, je ne supporte plus ton indifférence.
-Comment ça, ce n’est pas de ta faute Ludis… ?
-Je ne devrais pas te dire ça. Mon père me tuerait de ses propres mains s’il l’apprenait.
-Soit, bonne journée Ludis !
S’il pense que je vais le plaindre et tout rejeter sur son père, il se trompe. Je n’ai plus confiance en lui, il ne me manipulera pas aussi facilement. Il n’a même pas le courage d’assumer ses propres actes. Je pénètre dans mes appartements et avant d’avoir pu refermer la porte, il entre à ma suite. Avant que je ne puisse réagir, il prend la parole.
-Je n’ai jamais trahi Gaia, je ne t’ai jamais trahi Ella. Je n’étais pas au courant de mes origines avant d’avoir été transporté de force ici, tout comme toi. A la fin du monde précédent tout comme tes parents t’ont envoyé sur une autre planète pour te protéger, j’ai été envoyé sur Pluride. Mais en chemin, le vaisseau s’est crashé sur Gaia et mes protecteurs n’ont pas survécu. Mes parents adoptifs, conseillers de ton royaume m’ont pris chez eu et personne n’était au courant jusqu’à ce que mon père ne retrouve ma trace. Ma mère avait succombé à son chagrin en apprenant ma disparition. Dès que j’ai su que tu étais là aussi captive, j’ai voulu tout te dire mais mon père me l’a défendu. Il pense que cela ne concerne que le royaume, que personne ne devrait en être informé ; et que ce serait un signe de faiblesse de ma part de devoir me justifier devant toi…
J’en reste bouche bée. Toute cette déclaration me prend de haut. J’avais pensé qu’il voulait se trouver un alibi ou encore me convaincre pour le mariage… Il ne m’a donc pas menti, il ne savait pas qu’il était héritier de Silion avant d’avoir été transporté au château. Je me rappelle l’avoir vu dans une des bulles qui m’a transporté ici moi aussi. Et, il ne m’a rien dit parce que son père l’en a empêché. Mais inutile de justifier tous ses actes ; s’il m’aimait vraiment, il m’aurait quand même informé.