Mes pensées passent en sourdine dans ma tête tandis que nous sortons de la pièce pour emprunter un long couloir. L’éclairage est assuré par des boules de lumière émeraude. Je suis mes… ces gens ! Je n’arrive pas à réfléchir, le choc paralyse mes neurones. Ceux que je croyais être mes parents ne le sont pas. On m’a toujours caché que je n’étais pas terrienne. Qu’est ce que je peux découvrir de pire ! Toute mon excitation s’est évaporé et laisse place à la peur. Quels genres de personne peuvent abandonner leur enfant sur une autre planète pendant vingt ans ? Les deux êtres devant moi n’ont pas pipé un mot depuis leur fameuse révélation. Soudain une porte immense encadrée par deux piliers de marbre se dessine devant nous. Comme prévu elle n’a pas de serrure. Cependant elle s’ouvre dès notre approche, comme si nous étions attendus. Nous pénétrons dans une pièce encore plus grande que celle où nous étions. Mais surtout encore plus étonnante. Elle ressemble à une immense salle de surveillance vidéo. Sur les murs toute la vie extérieure de la planète défile. La salle est vide à l’exception de trois trônes qui brillent de mille feux au fond. En se rapprochant, je me rends compte que deux d’entres eux sont occupés. L’un par un homme, l’autre par une femme ; les êtres les plus beaux que j’ai jamais vu. Leurs yeux sont si bleus qu’ils en paressent irréels. Leurs habits respirent le luxe et la puissance dans un bleu-roi captivant. Ils dégagent une aura qui vous met en confiance malgré leurs couronnes imposantes. Nous arrivons au bas des marches qui mènent aux trônes. Les deux êtres qui m’ont accompagnée ici se pétrifient comme des statues. Je commence à paniquer quand l’homme prend parole. « N’aies pas peur, ce ne sont que des corps-hôtes. Ils ne sont pas des êtres vivants mais juste des enveloppes créées pour recevoir l’esprit de n’importe lequel d’entre nous. Les deux officiers qui les pilotaient ne vont pas tarder à nous rejoindre. Du moins après que nous ayons eu un entretien privé avec toi ma chère fille ». Attendez, sont-ce eux mes vrais parents ? Mais on dirait que ce sont le roi et la reine de cette planète ; je serais donc une princesse ? Non c’est impossible. Ils ne laisseraient pas leur seule et unique héritière à des années-lumière du royaume avec pour seule protection deux enveloppes corporelles ! Ils semblent lire dans mes pensées car celle censée être ma mère se lève et s’approche de moi. « Nous sommes tes parents chérie et tu es la princesse Ella, celle a qui revient le troisième trône ici présent. Je m’appelle Ida et voici ton père Xarus. Nous ne t’avons pas abandonné de notre plein gré. A la fin du monde précédent nous t’avons envoyé sur Terre pour te protéger. Heureusement, nous avons survécu ainsi que beaucoup d’entre nous. Tout est revenu dans l’ordre… du moins presque, vu que certaines règles ont changé. Les officiers qui se sont chargé de ton éducation sur Terre seront tes précepteurs désormais. Ils t’apprendront nos coutumes et tout le protocole qui sied à une princesse. » Pourquoi n’avez-vous pas essayé de me ramener ici après vingt ans ? « La vie d’ici n’est pas rose chérie. Si je puis me permettre même elle est bleue. Nous nous sommes dit que tu serais plus heureuse sur Terre même si cela impliquait de vivre aussi loin de toi. Saches que nous avons utilisé plus d’une fois les corps-hôtes pour te voir, te border, t’embrasser, te souhaiter bonne nuit ou bonne chance. Nous avons été là aux moments les plus importants de ta vie, de tes premiers pas à l’obtention de ton diplôme. J’imagine combien tu dois être confuse mais je te prie de bien vouloir nous pardonner Ella. » J’aimerai crier, hurler. J’aimerai leur dire qu’ils n’avaient pas le droit de décider pour moi de mon bonheur, qu’ils ne m’aimaient pas, que jamais moi non plus je ne les aimerai. Mais rien ne sors de ma bouche, je ne leur en veux même pas. Ils me semblent si étrangers mais pourtant si familiers. Ce sont mes parents, mon père et ma mère.
Tout d’un coup, les portes ouvrent et deux officiers se dirigent vers nous, mes faux parents… Arrivés à notre niveau, ils se prosternent. Mon père leur fait signe de se relever. « Vous connaissez mieux que quiconque dans ce royaume la princesse Ella. Vous aurez donc la mission de tout lui apprendre, ainsi que de lui faire visiter Gaia. Ella ma chère fille, veux-tu bien suivre les officiers Udes et Dilène ? Ils te montreront tes appartements. Nous nous retrouverons au diner.» J’acquiesce et m’exécute. Udes et Dilène après s’être encore prosternés me précèdent vers mes « appartements ». Durant le trajet, je décide de leur poser quelques questions, par exemple la cause de la fin du monde précédent. Ils deviennent soudain mal à l’aise.Dilène finit par me répondre en tortillant ces longues mèches brunes. « La fin du monde précédent fut due à un amour trop passionnel qui a tout emporté avec lui, notre monde y compris. Deux êtres, l’un de Gaia, l’autre de Silion la planète ennemie ont voulu mettre fin définitivement au conflit qui opposer depuis toujours leurs mondes. Ce ne fut pas de la meilleure manière qui soit ! Ils décidèrent de détruire chacun leur planète pour qu’aucun être vivant dans l’un d’eux ne connaisse un amour impossible comme le leur. Les conséquences furent désastreuses ! Au-delà des pertes humaines et matérielles, quelque chose a changé depuis, une chose unique : l’amour est interdit ! Nul n’a le droit de s’aimer sous peine de mort dans Gaia à l’exception du roi et de la reine, même pas vous princesse! Les descendants de notre espèce sont conçus in vitro puis se développent dans des caissons-utérus. »
C’est une blague ? Mais la tristesse et le désespoir qui se lisent sur le visage de Dilène ne mentent pas. Mais quel genre de monde interdit quelque chose d’aussi essentiel que l’amour ?