J’hallucine, cela ne peut être que ça ! Que fait Ludis là devant moi habiller comme un… comme un prince ! Seigneur non ! C’est impossible… Le sort ne peut pas être aussi cruel, il y a surement une explication, je veux une explication ! Soudain, la voix du roi Viklai me ramène dans la pièce que je semblais avoir quitté.
-Princesse Ella, voici mon fils le prince Ludis ! J’imagine que vous vous êtes déjà croisé, ajoute t-il avec un sourire ironique. Je pense que je vais vous laisser vous entretenir en privé.
Sur ces mots il se retire et nous nous retrouvons seuls, Ludis et moi… dans l’immense salle du trône qui me semble étrangement étroite, trop étroite en sa présence. Je suffoque, je ne me suis jamais sentie aussi trahie, aussi utilisée, si salie ! Comment ai-je pu tomber amoureuse du traitre à mon propre royaume, de cet espion ! Dilène l’avait sans doute pressenti, j’aurais dû tenir compte de ses avertissements. J’ai été si aveugle ! Au moment on des larmes, plus de fureur que de peine, perlent au coin de mes yeux, il s’avance vers moi pour me parler ; comment ose t-il s’adresser à moi.
-J’imagine ce que tu te dis Ella mais laisse moi t’expliquer…
-Tais-toi…, fis-je dans un souffle. Ma voix est à peine audible. J’ai l’impression d’avoir entendu quelqu’un d’autre parler.
-Pardon ?
- TAIS-TOI !
Toute ma colère, toute ma déception, toute ma tristesse se sont accumulées dans ses sept lettres. Je ne supporte plus de le voir, d’entendre sa voix, de sentir son odeur qui s’est immiscé mainte fois dans mes rêves. Je veux l’effacer de ma mémoire, je veux qu’il se taise, à jamais…
- Pardon ?
- Tu m’as bien entendu Ludis ! Je veux que tu te taises, que tu disparaisses. Si la terre pouvait s’ouvrir à l’instant sous nos pieds, je prierai pour qu’elle m’engloutisse moi tellement ta présence et la mienne en ces lieux m’est insupportable ! Tu m’as utilisée, tu n’es qu’un sale traitre !
- Ecoutes moi Ella. Je t’en supplie…
Tout d’un coup, je me mets à rire, un fou rire incontrôlable, sans aucune once de joie. Je n’arrive pas à m’arrêter. J’en ai mal aux côtes.
- Tu vas bien Ella ? Qu’y a-t-il donc de drôle à cette situation, fit-il surpris et visiblement agacé ?
- Ce qu’il y a de drôle ? Non, ce qu’il y a d’ironique tu veux dire ! Si tu savais que tu allais m’obliger à t’épouser pourquoi t’avoir donné tant de peine à me séduire !
En une fraction de seconde, il réduit à néant la distance qui nous sépare, m’empoigne par les bras et me colle à lui. Lorsqu’il reprend la parole, je sens son souffle chaud sur mon visage. J’ai du mal à me rappeler pourquoi je lui en veux tout d’un coup… Ah oui, c’est un traitre !
-Maintenant tu vas m’écouter Ella, dit-il en me fixant dans les yeux. Premièrement, je ne veux pas me marier avec toi de force, je n’étais au courant de rien, je l’ai appris peu de temps avant toi. Deuxièmement, je ne t’ai pas séduit ; c’est toi qui m’a embrassé tu te rappelles.
Je me demande ce qui fait le plus mal, qu’il soit un traitre ou qu’il dise ne pas vouloir se marier avec moi. Je sais que c’est stupide, je ne voudrais pas me marier avec lui non plus étant donné les circonstances mais pourquoi donc est-ce si blessant ? En plus comme s’il ne m’avait pas assez humilié, il me rappelle la manière si désespérée avec laquelle je m’étais jetée sur lui. Mes joues s’empourprent et je sens un frisson me parcourir le dos. Est-ce parce que je n’ai jamais été aussi honteuse ou parce que je perds pied face à la profondeur des yeux si bleus et que son odeur me rend ivre. Il faut que je me ressaisisse ! Je rassemble tout le courage qui me reste, l’autre partie m’ayant désastreusement abandonnée, et je me dégage de ses bras. Avec tout le mépris dont je me sens capable, je le toise et me précipite hors de la salle. Il ne me poursuit même pas ! Dehors je retrouve le gentilhomme et ses deux gardes et il m’escorte à nouveau vers ma chambre, ma prison doré. Je m’effondre sur le lit et ce fut comme un signal de départ pour toutes les larmes que j’avais contenu jusque là.