Chapitre 14

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Je ne me suis jamais habillée aussi rapidement de toute ma vie. Je n’ai jamais ressentie non plus un mélange aussi tumultueux de colère, de honte, d’amour, oui car je l’aime et cela m’a mené à ma perte. Dire qu’il y a tout juste quelques heures, j’étais prête à tout oublier pour me marier avec lui. Je secoue la tête comme pour en chasser toutes ses pensées douloureuses et j’ouvre la porte. Je me retrouve nez-à-nez avec cette satanée brune ! Qu’est-ce qu’elle fout encore là ? N’a-t-elle donc pas fini de m’harceler ?

-Je me doutais bien que tu prendrais la bonne décision Ella, me lance t-elle tout sourire. Si tu veux, je te conduis immédiatement à une sortie secrète et tu regagneras tranquillement ta planète sans que personne ne te voie. Je pense que tu as été assez utilisée, à ta place je n’aurai pas fait mieux. Tu sais…

-Trêve de discussion Pirla, je n’ai pas envie de t’entendre. Montre-moi le chemin. Et en silence, je ne supporte pas les sifflements.

Elle ne releva pas ma remarque et nous nous mettons en chemin. A cette heure peu de gens sont dans les couloirs sans doute sont-ils tous à la grande salle en train de déjeuner. Nous nous faufilons sans bruit entre les portes, longeons silencieusement les couloirs et descendons des escaliers en colimaçon qui s’enfonce dans les profondeurs de Silion. Nous débouchons enfin dans une pièce circulaire où trône un drôle d’objet recouvert d’une bâche. D’un geste sec, Pirla l’arrache et apparaît alors sous mes yeux ébahis, un petit vaisseau fuselé.

-Le carrosse de la princesse est prêt, me lance t-elle avec sarcasme.

Sans lui répondre, je me lance dans la contemplation de l’appareil, j’en fais le tour le caressant d’une main distraite. L’architecture est parfaite, il est évident qu’ils sont en avance sur nous au niveau technologique. Mais bon, est-ce vraiment étonnant vu la manière dont il dévore l’essence de leurs prisonniers afin d’augmenter leur intelligence ?

-Au fait Pirla, tu devrais utiliser plus de prisonniers, cela te rendrais moins bête tu ne trouves pas.

Elle accusa assez mal le coup, il faut dire qu’elle ne l’avait pas vu venir. J’en ressens une satisfaction malsaine, l’envie de la blesser ne serait-ce que d’un milliardième de ce qu’elle m’a fait, de ce qu’ils m’ont fait est irrépressible. Elle préfère ignorer ma pique et me tend un rouleau métallique, curieuse j’appuie sur le bouton qui l’orne et il s’ouvre immédiatement. Un parchemin électronique s’étale en une suite incompréhensible de signes et de chiffres.

-C’est le plan du projet de bouclier planétaire utilisé sur Silion, m’explique t-elle. Ainsi, ils ne pourront pas venir de chercher sur ta planète.

Bien qu’elle ait insisté dédaigneusement sur le mot « planète », je la remercie et referme le rouleau. Pirla m’aide ensuite à m’installer dans le vaisseau et à entrer les coordonnées de Gaia, plus précisément du château. Une fois toutes les manœuvres faites, elle enclenche une manette qui fait coulisser un des pans du mur et alors apparaissent des prairies à perte de vue. Comme elle me l’a indiqué, j’appuie sur différentes touches du clavier de navigation et enclenche la manette de départ. Le vaisseau oscille un peu avant de se stabiliser ; il s’engage vers l’extérieur doucement et une fois à découvert il disparait à la vitesse de la lumière vers l’espace. Avant que je n’ai le temps de réfléchir à quoi que ce soit, j’arrive déjà à destination. Mon atterrissage dans les vergers du château n’a été douloureux que pour mon cœur tellement ceux-ci renferment de nombreux souvenirs. Très rapidement le vaisseau est encerclé par les gardes qui redoutent une présence ennemie. L’ouverture du cockpit les étonne autant que cela les rassure. Ils murmurent tous « La princesse… » avant de se prosterner devant moi. Je descends de mon « carrosse » comme dirait Pirla, rien qu’à sa pensée je réprime une grimace de dégoût. Ils m’escortent alors à l’intérieur du château où se succèdent sur chaque visage que l’on croise, surprise et joie. Avant d’atteindre la salle du trône, j’aperçois Udes et Dilène qui se précipitent sur moi les larmes aux yeux. Ils me serrent tellement fort dans leurs bras que j’ai eu peur de me briser en deux. Mais cette étreinte me fait le plus grand bien, je me sens à nouveau en sécurité et la douleur que Ludis m’a causé s’est un peu apaisée. Je ne me doutais pas qu’ils me manqueraient autant ni que je leur manquerais à ce point, mais n’ont-ils pas été mes « parents » depuis ma naissance…

L'étrangèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant