Chapitre 9

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La réunion du Conseil prend fin rapidement et tout le monde pars s’atteler à l’instauration des nouvelles règles de sécurité. Je me dirige tout droit vers mon père mais avant que je ne puisse placer un mot il m’interrompt de la main. « Je sais ce que tu vas dire Ella et je suis sincèrement désolé de t’imposer cela mais il n’y a pas d’autres options. Tu es notre seule enfant, l’héritière du trône de Gaia, ta survie est primordiale. Ne t’inquiètes pas, cette situation sera réglée au plus vite. Sois patiente ma fille, sois patiente… ». Sur ce il me laisse là penaude sans un mot à dire, sans un mot d’ailleurs qui me vient à l’esprit. La salle est désormais vide comme pour me céder quelques ultimes minutes d’intimité. Je sens une présence derrière moi, je me retourne et c’est Ludis. Il me serre dans ses bras sans un mot ; les mots seraient bien inutiles, ils ne changeraient rien et l’on sait tous les deux ce que l’autre ressent en se moment : le sentiment d’être piégé. La décision de mon père est irrévocable, ma sécurité passe avant tout. Je serais affublée de deux gardes en permanence à l’intérieur du château et de toute une armée à l’extérieur ! En somme, je n’ai plus aucun degré de liberté, tous mes faits et gestes sont contrôlés et je n’arriverais jamais à me retrouver seule avec Ludis, comme maintenant. Le temps d’un dernier baiser avant que mes nouveaux gardes se présentent et m’escortent jusqu’à mes appartements. Les murs du château semblent se refermer derrière mon passage, je n’ai jamais ressenti un tel sentiment d’emprisonnement, comme si même mes pensées elles-mêmes étaient enchaînées. Nous arrivons enfin après ce qui m’a semblé une éternité. Udes et Dilène m’attendent au salon, à leurs regards je sais qu’eux ils me comprennent ; ils ne m’ont jamais privé de liberté sur Terre. Et au fond ils savent ce que je ressens, ils savent que je ne supporterai pas cette situation à cause de Ludis. Ils font semblant de ne rien savoir mais ils sont au courant et je le sais. En quête de réconfort je me jette dans leurs bras et je pleure, beaucoup, énormément, toutes les larmes que je n’ai pu verser devant mes parents et Ludis. Je commence à réaliser tout ce qui m’arrive, je ne pourrai plus voir Ludis sans nous mettre en danger et avec le temps il m’oubliera peut être. Soudain, je sens que j’étouffe, je suffoque ; n’en pouvant plus je cours m’enfermer dans ma chambre, le seul endroit où les gardes n’ont pas le droit de me suivre ! Mon lit me tend les bras et je m’enfonce dans ses profondeurs en priant qu’il m’aspire et me fasse disparaître. Je n’ai même plus de larmes, ma gorge est desséchée ; je pleure mais rien ne coule plus, je crie mais aucun son ne sort…

                                                 ***

J’ai dû finalement m’endormir car à mon réveil, les rayons du soleil sont perceptibles derrière les rideaux. Je me sens pire qu’après une soirée bien arrosée, à croire qu’il n’y a rien de plus soulant que la peine. Toutes les cellules de mon corps me font souffrir quand je tente de sortir du lit, je me recouche et une unique larme coule sur l’oreiller. Ma tête semble prise dans un étau, je me force donc à me lever et je prends les brillantes pilules jaunes sur ma table de chevet ; elles agissent en une fraction de seconde contre les migraines. L’eau au contact de ma bouche ne m’a jamais semblé aussi bonne, ma gorge se desserre et je bois goulument comme si j’avais connu une sécheresse millénaire. Après une très longue douche, je me dirige vers le salon où comme toujours m’attendent mes précepteurs ; à la seule exception qu’ils ne sont pas seuls cette fois, mes deux gardes rapprochés étant là ! Nous déjeunons, je mange sans grand appétit, les aliments me semblent si fades que j’ai l’impression d’avaler du papier mâché. Il est temps pour moi d’aller en cours même si je n’en ai aucune envie. Si seulement je pouvais rester enfermée dans ma chambre, je préfèrerai cet enfermement à la semi-liberté qu’ils m’accordent. De plus, une journée n’a jamais semblée aussi longue le temps semblent s’écouler au compte-goutte. Partout où je passe, endroit jadis paisible, les habitants du château s’affairent comme des abeilles. Les fenêtres et les balcons sont protégés par une membrane transparente faite d’un fluide bleu ; quand j’essaie de faire passer ma main au travers elle se déforme légèrement et reviens à sa position initiale instantanément. Les gardes se mettent en place un peu partout à l’extérieur et à l’intérieur du château ; je me sens comme si je m’étais endormie devant l’écran et qu’à mon réveil j’étais projetée dans un film de guerre ! Finalement cette journée prend fin à mon grand soulagement mais à mon grand désespoir aussi, je n’ai pas cessé de chercher Ludis qui est resté introuvable. Je regagne ma chambre, triste, abandonnée, portant l’univers sur mes épaules. Je me jette sur mon lit, je n’ai envie de penser à rien, je vide ma tête et m’endors. Je fais un drôle de rêve, une ombre lumineuse essaie de me parler mais je n’entends rien, elle se rapproche de plus en plus mais je n’entends toujours pas. Elle me tend la main et je la saisie ; elle commence à me tirer hors de mon rêve et soudain je me retrouve éveillée. J’ouvre doucement les yeux et elle est là elle flotte dans ma chambre tel un spectre, plus brillante et envoutante que jamais ; ce n’était pas qu’un rêve. Elle ne me fait pas peur, elle a même un côté apaisant. Elle murmure, comme la porte, je ferme donc les yeux et me concentre pour l’entendre. « Bonsoir chère Ella. Tu es encore plus belle que je ne le pensais… ».

L'étrangèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant