VIII - Repas sur le pouce

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-Gally-

A peine sorti du réfectoire je commençais à croquer dans mon sandwich alors que nous nous dirigions vers l'orée de la forêt. La réunion avait été vraiment trop longue mais j'étais satisfait du résultat. Superviser, coordonner, diriger. Ouais, ça ça me connait. Et puis surtout, le faire aux côtés de cette sublime et dangereuse créature, c'était excitant.

- Tu comptes vraiment changer ces tocards en soldat et débarquer dans le Labyrinthe en chargeant avec ta petite armée d'adolescents ? lançais-je sur le ton de la conversation. Tu sais, ça nous parait pas franchement réaliste. Je veux dire, pour le peu qu'on s'en souvienne, on a passé notre vie au Bloc. Te voir débarquer et chambouler les règles, ok c'est sympa, mais j'ai peur que tout le monde n'ait pas les couilles d'entrer là-dedans, dis-je en donnant un coup de menton en direction du Labyrinthe, et de suivre les ordres de la nouvelle aveuglément.

- Tu te dégonfles Gally ? souffla-t-elle sur un air de défi tout en s'asseyant dans un coin ombragé.

- Bien-sûr que non, j'irais de suite si ça m'assurait de sortir d'ici. Je te dis juste que j'ai peur que tout le monde ne nous suive pas.

- Déjà, là-dedans comme tu dis, c'est pas moi qu'il faudra suivre mais les coureurs. Ce sont eux qui connaissent le chemin des différentes sections. Je ne serai là que pour guetter et faire face au danger, quel qu'il soit. Je serais en avant, sûrement avec Minho. Quand les Griffeurs se pointeront, je les abattrais. Si j'entraine des gamins là-bas, il faut que je les mène à la sortie, vivants.

Cette dernière phrase résonna dans mon esprit et me rappela quelque chose. Je posais mon sandwich dans l'herbe à côté du sien et attrapais son avant-bras pour y lire à voix basse les mots gravés à l'encre. « Entraîne-les comme tu l'as été. Arme-les. Sors-les de là. » L'entrainement n'avait même pas commencé. Les armes ? Mis à part les outils de jardinage, les couteaux de cuisine et les lames que portaient Calyx en permanence, nous n'avions rien. Il faudrait aussi se pencher là-dessus. Je fis courir mes doigts sur les lignes tracées avant de me rendre compte que cela faisait frissonner sa peau. « Sors-les de là. » Putain. Cette nana s'était vraiment levée un matin et avait décidé de risquer sa vie pour nous ? Je remontais jusqu'au creux de son coude. Le contact avec sa peau était une sensation nouvelle, surprenante et très agréable. Mais surtout, ça déclenchait en moi tellement de sensations que c'en était presque insoutenable. Je plantais mon regard dans le sien tout en continuant mon chemin sur sa peau jusqu'à sa clavicule. Sur son visage, je ne lisais rien d'autre que du doute. Des questions semblaient danser dans sa tête, mais je me fichais bien des réponses. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Nous étions là, assis dans le bosquet comme deux blocards en plein repas. Mais la proximité de nos corps me percuta de plein fouet. J'avais envie d'explorer chaque parcelle de la peau de celle qui m'avait planté un couteau dans le ventre le jour de notre rencontre. La tension était telle que je finis par y céder. Je me penchai vers sa bouche puis l'attira vers moi, mes deux mains sur sa nuque. J'imprimais dans mon cerveau chaque sensation, de l'humidité sur ses lèvres à son odeur, en passant par l'électricité qui semblait percer le bout de mes doigts. Alors que je m'efforçais de m'imprégner de ces sensations délirantes, ce que je craignais arriva tel un coup de massue. Elle me repoussa d'un mouvement ferme tout en attrapant mon t-shirt de ses deux poings pour me garder en face d'elle.

- Ne refais jamais ça.

Elle avait détaché chaque syllabe d'un ton tranchant, de manière à m'ouvrir le ventre avec bien plus de violence qu'elle ne l'avait fait avec sa lame. Je ne réagis même pas, j'en étais incapable, encore bouleversé par le contraste violent entre ces deux expériences. Elle sembla quand même s'adoucir un peu et me lâcha, avant de se relever.

- T'es qu'un gamin, je peux pas faire ça. Si ça se trouve j'ai plus de vingt piges, je peux pas me permettre de toucher un adolescent. Ne refais jamais ça.

Je me levais aussitôt, reprenant mes esprits, la surplombant d'une bonne tête. Cela sembla suffire à la retenir, juste le temps de me laisser fouiller ma poche à la recherche d'un artefact qu'il était temps de dévoiler. Je le trouvais enfin, et l'agitais sous nez. Une carte dont l'une des faces, plastifiée, était lisible contrairement à l'autre, cartonnée, dont la couleur avait totalement dégorgé. Sur le recto on pouvait lire : « Secteur Alpha. Calyx : 19 ans – stérilisée – niveau 8 – sous surveillance pour PF »

- Je te l'ai pris quand on t'a sortie de la Boite. Alby a cru que je voulais te voler une dague mais j'avais surtout repéré ça. Et me regarde pas comme ça, il y a aucun indice là-dessus. Il y a rien ici qui s'apparente de près ou de loin à un secteur Alpha, à différents niveaux ou à... PF ? De toute façon je comptais te le filer lors de ta soirée, avant que tu me plantes, et crois le ou non après ça j'y ai simplement jamais repensé. Alors repousse moi parce que t'as pas la tête à ça, parce que tu penses à quelqu'un d'autre ou parce que je te dégoute j'en ai rien à foutre. Mais pas à cause de mon âge. On a deux ans d'écarts grand max, je suis pas sous emprise ou je sais pas quelle connerie.

Tout en parlant je m'étais rapproché, sentant que le combat mental qui se déroulait sous mes yeux pourrait bien finir par tourner à mon avantage. 

Le glas du Labyrinthe - Sors-les de làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant