Chapitre 19 : Crise

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(tw : mutilation, crise de panique, déréalisation)

Pdv du cauchemar

Au tout début, l'encre ne vient pas.

La plume trace ses lignes et grave, dessine, écrit, mais le trait est invisible. Son œuvre d'art n'apparaît pas immédiatement, il y a juste une sensation aiguë, brûlante.

Puis, petit à petit, l'encre arrive. Il remplit les creux de façons inégale, perlant parfois à grosses gouttes et dégoulinant sur la toile. Il faut essuyer ce qui coule, pour éviter de tâcher le reste de ses instruments. Les sillons sont remplis d'encre, et l'œuvre d'art peut enfin se dessiner. C'est satisfaisant de la voir apparaître ainsi, plus vive qu'elle ne le sera plus jamais par la suite. D'une couleur chaude, douloureuse, avec le cauchemar comme plume.

***

La journée avait commencé comme une journée habituelle ; Brûlante, affligeante, pénible et inutile.

A peine sorti du sommeil, ma génitrice était venue brailler à la porte de la salle de bain comme quoi je prenais, encore une fois, trop de temps. Trop occupé à bander maladroitement mes œuvres d'arts disgracieuses, je n'avais pas répondu, et elle s'était énervée un peu plus. Lorsque j'ai enfin ouvert la porte, une gifle et une mère furieuse d'avoir attendu m'accueillirent. Je n'avais étrangement pas répondu et ma mère avait alors lancé :

« Tu as de sérieux problèmes dans ta tête toi. Fais des efforts, merde ! »

Je n'avais rien pu faire d'autre que de plaquer mes mains sur mes oreilles en fuyant lâchement, voulant juste courir le plus loin possible, quelque part où personne ne me trouverait. C'était sans compter sur la bête du cauchemar omnisciente qui percerait n'importe quelle cachette où je pourrais me trouver.

Nathan avait bien vu que je ne voulais pas parler aujourd'hui. Il n'avait pas cherché à me forcer, ou quoi que ce soit. Il me parlait simplement, me récitant parfois quelques vers de ses nouveaux poèmes, et je ne l'écoutais pas vraiment, il le savait. Pourtant il continuait comme si tout allait bien. C'est pour ça que j'ai besoin de lui. Pour me sentir normal. Une normalité que je n'avais pas, ce que le monde s'évertuait à me faire comprendre.

Je n'avais pas vu Lynn. Elle était sans doute dans des cours différents des miens, ou alors elle était là mais je n'avais pas fait attention. Après tout, aujourd'hui n'était qu'une mauvaise journée. Une très mauvaise journée où le poison se collait à moi, léchait ma peau et s'infiltrait par les blessures de mon corps pour venir renforcer celles de mon esprit.

Je crois que les professeurs commencent à se rendre compte que quelque chose ne va pas chez moi. Ils ne me réveillent plus lorsque je m'endors en cours. Ils se contentent de me jeter des regards en biais. Peut-être que je leur fais juste peur.

De toute façon je n'allais pas tarder à avoir ma réponse. Laure, notre chère déléguée de la première L était venue me voir pour me faire comprendre que la suite de la journée n'allait pas s'améliorer.

« Ethan, je suis chargée de te faire passer un message, m'interpella-t-elle entre deux cours de je-ne-sais-quoi. Tu es convoqué en conseil de discipline de treize à quatorze heures,

-Ô joie, répliquais-je sans lui laisser le temps de continuer. »

Elle leva les yeux au ciel avant de soupirer et de continuer, me tendant un papier du lycée précisant en quelle salle et le motif. Motif qui était « mauvais comportement ». Quelle surprise.

« Ne le sèche pas, me conseilla-t-elle, ça vaut vraiment mieux pour toi. Et je te dis sérieusement ça en tant qu'amie.

-Amie de quoi ? Tu ne me connais même pas Laure.

Le rêve et le cauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant