CHAPITRE 29 - Retour

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POINT DE VUE ALYSON

  

Eléonore dépose fébrilement ma valise, triste rappel de mon séjour au pays de la réalité. Ma mère, quant à elle, tient ma main, broyant délibérément mes phalanges de son stress envahissant. Je l’accuse de vouloir me priver d’un nouveau membre, jetant un rapide coup d’oeil en direction de son nez retroussé.

Elle a dû perdre un os, durant cette semaine éprouvante, accentuant ses pommettes trop saillantes et l’air maladif que lui confère son poids bien trop léger. Je ne fais aucun commentaire, n’étant pas en bonne posture pour m’inquiéter de quoi que ce soit.

Je pose un nouveau regard sur ce cocon qui me cache de cette situation affligeante.

Des ampoules au creux des mains, je poursuis tout de même mon avancée en béquille, visant le canapé avec envie et frustration, lorsque ma mère me retient de force, un reniflement en guise de conditionnement au dialogue qui s’ensuit.

- « je vous laisse » 

Ma petite brune de meilleure amie s’enfonce dans le couloir, disparaissant dans sa chambre, sentant à plein nez la suite des hostilités entre ma famille et moi.

Je suis vache, je le sais.

Mon comportement est indécent et lamentable, mais j’ai mal.

Mal de me considérer telle une moins que rien, avec un pied en moins.

- « Chérie, je persiste à dire qu’il serait plus judicieux de rentrer à la maison »

les béquilles tremblotent en guise de réponse, retenant judicieusement un vague de colère qui me mange de l’intérieur.

- « ma vie est ici, point final »

- « nous savons ce qui est bon pour toi, Alyson »

Mon père apparaît aussitôt, déambulant lentement dans le séjour, découvrant pour la première fois notre nid douillet (ou presque) à Léo et moi.

Il émet un hochement de tête désabusé et pose ses yeux clairs en direction de mes jambes.

- « Sois cohérente, je t’en supplie... »

Le coup des yeux larmoyants n’agit plus, me laissant de marbre, à quelque pas de ce sofa terriblement aguicheur. 

- « Je ne changerai pas d’avis, Léo s’est portée volontaire en cas de.. »

- « Bon dieu Alyson, nous sommes ta famille! »

La grosse voix paternelle me fait sursauter, manquant de trébucher entre mes trois jambes flageolantes. 

Je retiens de justesse un juron avant de m’appuyer plus fermement sur mes appoints précaires.

- « Vous n’auriez pas dû venir »

Maman hoquète violemment et mon père me fusille du regard.

Chouette.

Je tire sur l’étreinte maternelle qui manque de me faire hurler de rage, décidant de m’éloigner jusqu’au réfrigérateur, tombant sur quelques aliments peut appétissants.

- « Papa, une bière? » ma béquille gauche contre le meuble, une main droite lourdement vacillante sur mon autre soutient, je tire sur la première canette qui vient, attendant toujours une réponse de la part de mon voisin.

IMPERFECTIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant