CHAPITRE 37 - Peine perdue

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- « Léonard, je te le demande comme une faveur! »

Nous sommes jeudi. Avant dernière journée qui m’éloigne du crash qui s’annonce terrible, en ce samedi midi, entre un poulet au marsala et une mère déjantée prête à détruire mon semblant de fierté retrouvé incognito.

Moi et mes yeux doux, nous tentons désespérément de forcer la main à ce semblant d’ami, qui ne daigne pas quitter les pages de son livre.

- « n’y pense même pas »

La bibliothécaire me fusille à nouveau du regard, pointant son index sur sa lèvre d’un air menaçant. 

Arrivée comme un cheveux sur la soupe en pleine séance de révision pour une majorité d’étudiants studieux, je m’appuie d’autant plus sur la table où Léonard semble manger du regard son énorme manuscrit.

- « s’iiiiiillll-teeeeee-pllllllaaaaiiiiiiit… »

Son soupire m’offre une petit brin d’espoir, vite engouffré par son coup d’oeil éteint.

Ses cernes violacées me font aussitôt reculer, prenant appui sur le siège face à lui pour plus de stabilité et surtout me remettre de cet affront effrayant.

Il est mal en point, complètement décharné mais ne semble pas réellement s’en rendre compte, se perdant à nouveau dans la lecture scrupuleuse de ce bouquin poussiéreux.

- « ce sera non quoi que je dise, pas vrai? »

- « je ne jouerai pas le rôle de ton petit ami et encore moins si je dois m’appeler Austin. Trouve quelqu’un d’autre »

Je fais la moue, angoissée autant par les perspectives de mon weekend que la dégaine amaigri de Léonard. 

- « les mecs ne risquent pas de se bousculer au portillon… » 

Il relève son visage vers moi, agacé. Un signe de pardon en direction de la bibliothécaire plus tard, il referme son énorme livret.

- « J’invite Alyson, ce weekend »

La chaise me retient d’une chute spectaculaire, captant son air redoutable sans réellement l’encourager d’un signe de tête engageant. 

- « elle a dit oui? » 

- « si je ramène de la nourriture, un film décent et une paire gauche de Louboutin »

Je glousse, vite rattrapée par les élans de « chut » envahissant la pièce, interférant dans notre discussion.

Je me relève, en proie à trouver un individu sain d’esprit pouvant accessoirement porter le doux prénom d’Austin pour deux jours, mimer l’amour fou et potentiellement clouer le bec à ma mère.

- « Pas obligé, pour les Louboutin… »

L’ébauche d’un sourire percute ses traits tirés, me réchauffant le coeur.

- « Je tiens mes engagements. De ton côté, cherches chez les sportifs… »

Je lui souris, hésitant entre le traiter de givré ou lui sauter au cou, au risque de lui broyer un os.

Parce que j’ai mon idée.

D’un coup d’un seul, j’ai presque la certitude d’avoir un weekend vivable.

  

*

L’odeur de transpiration est irrespirable, coincée entre t-shirts trompés et sifflements typiquement masculins. Un gros dur raille en apercevant mon air dégouté, lançant son slip en ma direction. J’accélère le pas, décidée à trouver mon sauveur coûte que coûte dans ce repère grouillant d’étudiants blindés de testostérone et qui, après l’effort, semblent aussi ragaillardis que je ne suis apeurée. La première pièce renferme une dizaine de types, reconnaissables pour la majorité, même en tenue d’Adam. Dans l’encadrement me guidant jusqu’à ce qui me semble être un second vestiaire, je suis soulagée.

IMPERFECTIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant