CHAPITRE 35 - Revanche

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POINT DE VUE ALYSON

Léo, 

On a le téléphone, ce qui est sacrément stupide de te laisser ce genre de lettre en sachant que tu t’en moqueras dès la première ligne (fais gaffe, j’ai chargé Alyson de te mettre des coups et les béquilles, c’est douloureux…).

Au moment où ton adorable colocataire (heureuse, Aly?) te refile mon bout de papier chiffonné, je suis en train de me taper un merveilleux club sandwich sur la route, coincé entre mon joyeux bordel et mon envie de revenir sur mes pas, te forcer la main et me marier, quitte à user du bord coupant de nos alliances pour t’y obliger. 

(Alyson, c’est le moment pour toi de refermer le papier, d’accord?)

Maintenant que je vais être à une distance descente de Boston, je mesure les répercussions de ce changement d’air. J’en ai besoin, même si j’ai peur de te laisser seule. Parce que persister à t’aimer est m’enfoncer un peu plus dans mes sentiments sans pouvoir les extérioriser. S’éloigner est un bon compromis pour nous deux, clore ce passage douloureux qui nous laisse dans un impasse et nous sépare.

Je termine mes études à Berkeley si tout va bien, me trouve une déesse digne des pages de magazine tendance, et te narguerai de ma situation idéale.

Maman me fait la gueule, papa quant à lui, trouve l’idée sympa, surtout les filles en bikinis afin de venir me retrouver plus souvent pour les vacances.

Moi, j’ai peur. Peur de perdre la fille de ma vie, peur que tu t’épanouisses, et c’est à la fois paradoxale, parce que je te fuis pour ça. 

Je termine mon pavé par une promesse. 

Celle de ne plus jamais t’ennuyer avec mes imbécilités.

Alors autant en profiter, pour l’ultime regain d’amour qui dégouline de la plume de mon stylo.

Je t’aime, Jenkins. J’aime ton petit sourire mutin lorsque je joue avec ta mèche de cheveux, devant un Reynolds hors de contrôle. J’aime ton grain de beauté sur le nombril, qui forme un coeur qui me rend dingue. J’aime le roulement de tes "R" lorsque tu persistes à parler en français, toi et ton accent ridicule. J’aime tes doigts, tes pieds minuscules, et ton rire de cochon obèse.

 (Alyson, tu crois que je ne te connais pas?…)

Prends soin de toi, de ta sale chieuse de colocataire irrespectueuse, et bordel, une minuscule pensée pour moi, minuscule.

Ted.

Je referme le papier en silence, les yeux embués. L’enveloppe traine sur la table basse, terrible preuve de ma curiosité maladive. Après tout, en tant que première spectatrice de ce gâchis, j’estime avoir un droit de regard sur ce que ces deux abrutis loupent. C’est terrible, d’être à ce point aveugle. 

Ca me tue, de savoir quelque chose d’aussi sincère, remis en cause par le peu de jugeote dont fait preuve ma meilleure amie. Elle m’énerve, parce que personne ne m’aimera jamais autant, surtout avec cet accoutrement que je me traine par obligation. 

J’ai bien tenté de retarder la bombe qu’il avait en tête. Son idée de partir n’était pas récente, tout comme cette menace de détruire une symbiose parfaite. Eléonore se frotte à un partenaire hors d’atteinte, un mec complètement détaché de tout sentiment, à la limite de la décence. Cette fille est.. comme moi. Parce que le danger semble plus aphrodisiaque qu’un meilleur ami acquis, dingue et vous et prêt à vous décrocher la lune rien pour vos jolis yeux. 

IMPERFECTIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant