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romeo

Me revoir en face du président des élèves semblait être un véritable songe tant j'avais brigué cette place ces dernières semaines; pouvoir à nouveau partager ce bureau, jeter une brève œillade vers sa personne, sentir sa fragrance boisé épicé se fondre dans l'épaisse et singulière odeur du café qui flottait dans l'air. Parfois, entre deux longues inspirations, je parvenais à humer l'arôme hespéridé au cœur plus piquant de son parfum, et l'impétueuse envie de noyer mon nez dans son col électrisait ma chair. Et ce n'était que par le travail —une plume entre les doigts dansant sur le papier dans un ballet assidu, que je réprimais ce désir qui ne m'était pas inconnu.

Le sondage qui m'était assigné aujourd'hui avait pour titre: « Que pensez-vous des repas de la cantine?».

Je souris. C'était le sujet principal des conversations des étudiants à midi. Et le dégoût, qui se lisait sur leurs visages dès qu'ils voyaient leurs plateaux, se retrouvait entre les lignes de ce questionnaire. Pas un élève ne faisait l'éloge de la cuisine de monsieur Seo, pourtant nul d'entre eux n'osait honnêtement lui dire que c'était immangeable; il était bien trop gentil pour faire face à leurs critiques. À leurs « Horrible, je préfère manger la merde de mon chien que sa bouffe.» «Homme très souriant, agréable mais est-il vraiment un cuisiner? Est-il vraiment payé pour nous servir ses pâtes crues?» « J'ai perdu 5kilos à force de rien manger, même le dessert est dégueulasse! ». Je pouffai. Décidément, cette enquête allait être facile à terminer; la conclusion se créait d'elle-même.

— Elle est clairement infect sa nourriture, mais je les trouve sévère sur le dessert. C'est la seule chose qu'il sait bien faire.

Je levai mon regard pour rencontrer celui cuivré de mon vis-à-vis le temps d'un bref échange. Son attention se portait sur l'intitulé de ma pile, et je remarquai que la sienne concernait un autre sujet: « Que pensez-vous de l'organisation du Festival? ». Mon sourcil gauche se haussa légèrement par la curiosité quand mes yeux se posèrent sur son rapport encore vierge. N'avait-il pas déjà entamé celui-ci?

Que faisait-il donc depuis tout ce temps?

— C'est surtout la seule chose qui ne goûte pas le plastique, plaisantais-je. Est-ce qu'il va se faire virer?

— Probablement. Le directeur prend nos rapports très au sérieux.

À l'entente de ces mots, je ne pus empêcher une vague de désolation me saisir à l'estomac. Bien que cet homme ne soit qu'un piètre cuisinier, savoir qu'il se ferait licencier sous l'encre de mes pages rendait l'ambiance sitôt moins joviale.

— Mais..., continua Jaemin, remarquant probablement mon inertie soudaine. Si tu ne veux pas culpabiliser, tu peux toujours inventer quelque chose comme: Il a un potentiel pour être éducateur. Après tout, les élèves l'apprécient, et il y a des places vacantes parmi les éducateurs.

Un soupir de soulagement quitta l'entre de mes lèvres tandis que mon attention se reposa pleinement sur mon vis-à-vis. Son léger sourire ourlant le coin de ses lippes me réconfortait dans l'idée que ce garçon était l'allégorie de l'excellence. Tandis que j'étais sur le point de laisser mes émotions sombrer dans le désarroi et l'hésitation d'ajouter ne serait-ce qu'une lettre sur ma feuille, lui avait déjà pensé à une solution toute faite qui pourrait convenir à tout le monde.

— Décidément, tu n'es pas le président des élèves pour rien.

Il rit.

Et je lui souris.

— Tu me surestimes, regarde je n'ai toujours rien fait de mon côté.

— Est-ce que tu as eu pleins de réponses différentes?

Ineffable [NOMIN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant