chapitre 5.1 ⚘ roman pour ados

83 14 2
                                    

Deuxième été


Ce jour-là, ils avaient décidé de se lever un peu plus tôt pour pouvoir faire une vraie excursion dans les montagnes. Ils avaient marché une ou deux heures, jusqu'à arriver à un petit village - le plus proche de leurs habitations respectivement isolées.

C'était le genre de petit village magnifique et un peu perdu, qui attirait les touristes par vagues. Les locaux étaient mêlés entre la fierté presque chauvine de leur patrimoine, et le ras-le-bol vis à vis de ces envahisseurs temporaires, n'hésitant pas à abuser de leur curiosité en élevant les prix ou en commérant sur la diversité de faune humaine qui se trouvait là.

Pourtant, malgré leurs habits plutôt citadins, personne ne prêta attention à ces deux garçons, qui prenaient le temps d'observer chaque détail, chaque plante, chaque chat, chaque pierre. Le village respirait une vie incroyable ; chaque pavé semblait imprégné de son vécu. Il était comme bloqué dans une boucle temporelle, si bien qu'on se serait cru 50 ans plus tôt, quand ces mœurs rurales aujourd'hui presque archaïques étaient encore la norme.

Les deux garçons se prêtaient au jeu. Jisung s'imaginait que, comme le héros qu'il était, il avait trouvé une machine à remonter le temps qui l'avait déposé ici dans un but certainement défini, comme l'illustre Cabane magique. Les voilà donc partis à la recherche de ce chien qui avait jadis marché dans le ciment frais, laissant la marque de son passage pour des générations. Retrouver les traces devenait un jeu de pistes, grâce auquel Jisung en profitait pour découvrir tout plein de plantes, dont Minho lui indiquait gracieusement le nom, tel l'elfe expert de la nature qu'il était.

Leur quête devint plus compliquée lorsque Jisung, attiré par une plante hors norme aux fleurs gigantesques, s'aventura dans le jardin d'une maison. Minho, qui malgré son manque de vie humaine autour de lui au quotidien, semblait en savoir plus sur les convenances que son cadet, essaya bien de le retenir, mais c'était trop tard. Le propriétaire de la maison sortit, ébahit de voir ces deux adolescents sortis de nulle part au milieu de son jardin. Il n'eut rien le temps de dire que Jisung partait déjà en courant, une fleur à la main pour les besoins de la science.

Minho, un peu paniqué, s'empressa de s'excuser auprès du propriétaire et suivit son cadet dans sa course folle, un sourire naissant sur les lèvres.

Derrière eux, l'homme abandonna l'idée de les poursuivre. Il les observa simplement disparaître dans les rues sinueuses du village, avec ces sourires immenses et complices sur les lèvres, et le "sales gosses" qu'il s'apprêtait à leur lancer mourut sur ses lèvres. Certains inconnus transpirent parfois si fort la vie qu'on a pas le cœur à stopper cet élan, cette rupture des normes sociales. Parce que finalement, quelques fleurs qui poussent de travers, de temps en temps, ça rafraîchit un peu les vieilles plantes rabougries, et ça ne fait pas de mal.

Les deux garçons finirent par s'arrêter dans un petit parc au fond du village, dans un recoin entre deux maisons, à l'abri des regards mais face à l'immensité de la vallée pleine de lavande et de vigne. Minho, le plus rapide, arrivé en premier, s'effondra par terre, et Jisung vint se greffer sur lui quelques secondes plus tard, l'enserrant de ses bras comme si sa vie en dépendait. Parce que Minho l'avait suivi dans sa bêtise, comme il le faisait de plus en plus souvent dernièrement. Leur complicité se renforçait à vue d'œil, c'était assez puissant, suffisamment pour que Jisung ai besoin d'extérioriser cette vague d'attachement soudain par des gestes un peu plus forts.

Minho se crispa dans un premier temps. Les marques d'affection de son cadet le prenaient toujours au dépourvu et nécessitaient un temps d'adaptation, pour lui qui était peu habitué à en recevoir. Il devait se faire violence pour calmer l'instinct de rejet qui se manifestait à chaque fois que Jisung approchait d'un peu plus près ; ce n'était pas volontaire. Il ne voulait pas rejeter Jisung comme il l'aurait fait avec n'importe qui, il voulait lui laisser sa chance. C'était parfois un peu lourd à porter - notamment parce que Jisung semblait ne pas se rendre compte qu'il brusquait son aîné - mais Minho endurait. Il voulait changer. Il voulait croire qu'il pouvait faire confiance sans se blesser. Une part de lui persistait à croire qu'il prenait un risque inutile, mais il déployait tous les efforts du monde pour éloigner ces pensées néfastes. Le temps du changement était venu, se persuadait-il.

la gloire au cœur ᵐᶦⁿˢᵘⁿᵍOù les histoires vivent. Découvrez maintenant