Premier été.
Ils étaient retournés dans le repère numéro 2 de Minho. Cette fois-ci, pas de figurines de lianes, mais des marionnettes. Jisung avait attaché quelques branches de saule pleureur ensemble à la manière d'un rideau et, placé au centre de cette scène improvisée, s'était adonné à créer un spectacle de marionnettes à l'aide des figurines créées la fois précédentes et négligemment laissées là - ou ce qu'il en restait.Jisung alternait les voix graves, aiguës, enjouées, fatiguées, son cerveau filait à mille à l'heure pour alimenter le dialogue en direct.
Assi par terre, en appui sur ses bras, Minho observait le spectacle avec son éternel sourire attendri. De temps à autre, il répliquait, répondant aux personnages, obligeant Jisung à redoubler d'efforts pour trouver une réplique convenable. Ce petit manège dura un certain temps et leur valu un certain nombre de fous rires. Lorsque, n'en pouvant plus, Jisung annonça la fin, Minho l'applaudit allègrement et son sourire, plus grand que d'habitude, fut la meilleure des récompenses pour le plus jeune - aussi niais que cela puisse paraître.
Jisung vient prendre place aux côtés de son aîné, et ils restèrent là, à discuter un moment, en dessinant dans la terre sèche autour d'eux. C'était sans doute la première fois qu'ils restaient ainsi à discuter sans rien faire de spécial. Le spectacle de marionnettes avait loué un dialogue rare que Jisung voulait s'efforcer de préserver. Les sourires de Minho avaient beau être magnifiques, il suffisait qu'il aligne quelques jolies phrases pour que Jisung soit complètement fasciné - il y avait quelque chose dans les mots de Minho, ou dans sa manière de prononcer, qui donnait envie de s'allonger face aux étoiles et de l'écouter parler toute la nuit.
Mais, à l'image de ceux dont la jauge de sociabilité s'épuise, les phrases se raccourcirent au fur et à mesure, ne laissant plus que les mots de Jisung s'évader sporadiquement dans l'air. Le silence reprit ses droits, un dégradé doré se fit un chemin entre les feuilles tandis que le soleil disparaissait. Une énième journée s'achevait, un énième coucher de soleil pour les deux inséparables. Ils avaient beau en avoir vécu d'innombrables, ces moments étaient sans doute les plus beaux pour Jisung. Il se rappelait sans difficulté de chacun d'entre eux, et ce, depuis le tout premier.
*****
Troisième été.
Ce soir-là, le coucher de soleil n'avait pas suffi. Assis au milieu d'un champ dépourvu d'arbres, la voûte céleste était immense au-dessus d'eux, offrant presque un 180°. L'occasion était trop belle. Ils sentaient le temps passer, glisser sur leurs paupières, mais pour rien au monde ils n'auraient écourté l'instant. Rester assis là, prendre le temps de respirer, de parler, d'observer, ce temps qu'on prend si rarement.
Alors ils ont laissé le soleil s'enfuir, les étoiles pointer le bout de leur nez. Le ciel est passé par toutes les teintes possibles avant de se teinter d'un bleu nuit définitif, comme une métaphore du passage du temps en accéléré.
Ils sont restés là, le regard plongé dans les étoiles, à essayer de discerner des constellations malgré leurs faibles connaissances. La voie lactée était comme de la poussière de fée qui leur tombait dessus, rendant la scène un peu plus irréelle. Surtout lorsque, tournant malencontreusement la tête, Jisung apercevait le visage de Minho, éclairé par le clair de lune, avec les étoiles qui se reflétaient presque dans des pupilles. Jisung aurait voulu explorer ses cils si fins, ses lèvres si douces, ses cheveux si soyeux, comme quand il le faisait au début. Mais voilà, ils n'étaient plus au début. Maintenant, ils devaient se contenter de contempler. Ne pas approcher l'autre de trop près, sauf pour quelques étreintes occasionnelles et presque fortuites. Mais jamais trop longtemps. De peur de tomber dans les bras de l'autre et de ne plus pouvoir s'en séparer.
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la gloire au cœur ᵐᶦⁿˢᵘⁿᵍ
Teen FictionJisung a une vie palpitante. Du moins, c'est ce dont il essaye de se persuader : sa vie est un roman dont il est le héros. Nouvel été. Nouveau chapitre. Au détour d'un olivier, les premières lignes se forment. Elles se répèteront, mais jamais à l'id...