Quatrième été
Minho et Jisung ont finalement réussi à descendre de l’arbre, le même que celui sur lequel ils avaient l’habitude de se percher les étés d’avant, au moment où le soleil s’en va. Ils sont rentrés dans la semi-obscurité, au crépuscule. Ils étaient si bien, à marcher avec leurs bras qui s’effleuraient, que Minho a même ramené Jisung chez Papi. C’était drôlement romantique, cette soirée, pensait Jisung.
Le souci, c’est que Jisung trouve beaucoup de choses romantiques. Les oliviers. Les collines. Les couchers de soleil. La lavande. Les mains qui s’accrochent. Les chemises larges de Minho. Minho tout court.
C’est ça, son plus gros problème. Depuis qu’il a rencontré Minho, sa vie passe progressivement du statut « roman d’aventure » à celui de « romans pour ados pleins d’hormones ».
Ce qu’il s’est passé, c’est que Jisung est entré au lycée. Deux années à écouter les autres parler, à évoluer inconsciemment avec eux.
Maintenant, il n’envisage plus les gens de la même façon. Il n’envisage plus Minho de la même façon. Minho ressemble de moins en moins à un elfe, de plus en plus au mec parfait que Jisung a vu dans les films. Et ça, ça l’embête un peu, parce que Jisung, lui, a de moins en moins l’impression d’être le héros du film. Il se sent plus comme le personnage secondaire, le meilleur ami du héros qui fait l’idiot dans l’ombre. Il fait semblant pour la forme, parce que c’est presque devenu une habitude, de se prendre pour le héros. Mais le cœur n’y est pas, et même Minho s’en rend compte.
Jisung s’agace lui-même. Quand il voit Minho, il ne peut s’empêcher de voir ce héros du « roman pour ados plein d’hormones ». Sans doute parce qu’il est lui-même plein d’hormones, et ça l’embête drôlement ça, parce que la vie était plus drôle quand on était au stade de roman d’aventure.
Maintenant, il ne rêvasse plus aux aventures qu’il va pouvoir affronter avec l’elfe, il pense juste à l’elfe. Souvent, trop souvent. Il ne pense presque qu’à lui. Et un peu aux champs de lavande, aux criquets, à l’odeur de terre chaude, comme autant d’éléments qui font le décor de son roman, la toile de fond du tableau « Minho ». Le pire dans tout ça ? Il n’arrive même pas à être déçu de cette enfance perdue, parce que rêver de Minho est devenu l’activité à laquelle il s’adonne avec le plus de joie. Il a beaucoup pensé à lui pendant l’année scolaire, surtout en cours de maths, parce qu’il s’ennuyait, et que depuis la classe, on pouvait apercevoir un bouquet de lavande parmi les pauvres parterres de fleurs qui ornaient la cour.
Maintenant, l’été est revenu, et avec les stages, les boulots, Jisung a dû faire des pieds et des mains pour quand même pouvoir avoir son mois de vacances chez papi. Maintenant, l’été est revenu, et Jisung compte bien en profiter.
*****
Papi sait pourquoi Jisung vient toujours le voir. Papi en est passé par là avant lui. Même s’il sait que Jisung ne vient pas pour lui, Papi est heureux de voir son petit-fils ainsi, avec ce sourire béat face à la vie.
Papi se souviendra toujours du jour où Jisung a passé le pas de la maison avec ces drôles d’étincelles dans les yeux.Celles qui disent, « ça y est, j’suis amoureux ».
C’était l’été d’avant avant, le deuxième été depuis que Jisung avait rencontré « l’elfe ». Un soir, Jisung était rentré, puis, pris d’une soudaine inspiration artistique, avait commencé à graver un lilas dans une pièce de bois. C’était un travail long, minutieux, mais il était sûr de lui, Papi lui avait montré comment faire. Il n’avait même pas pris de modèle, il faisait tout de tête.
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la gloire au cœur ᵐᶦⁿˢᵘⁿᵍ
Novela JuvenilJisung a une vie palpitante. Du moins, c'est ce dont il essaye de se persuader : sa vie est un roman dont il est le héros. Nouvel été. Nouveau chapitre. Au détour d'un olivier, les premières lignes se forment. Elles se répèteront, mais jamais à l'id...