Chapitre 24 - Bourreau

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Je finis de seller Osiris. Je lui avait rendu visite ces derniers temps, mais on n'avait pas eu le temps de faire une balade tout les deux. Là, ça sera bien plus qu'une simple promenade, mais je sais qu'on arrivera à Kaichi avant le lever du jour.

Je ne sais pas ce qui t'attends là-bas, mais je sais que ça te touche beaucoup. J'espère que tout va bien se passer. Je t'aime. Me dit Lilith en m'embrassant alors que ses frères nous regardent.

Je n'étais pas retournée dans cette maudites ville depuis... depuis plusieurs années. Et c'est tant mieux. Mais là, il ne s'agit pas seulement de moi. Si j'y retourne, c'est pour le royaume entier.

J'arrive effectivement avant que le soleil se lève. Je reconnais la plupart des endroits par lesquels je passe. Ma confiance baisse à chaque mètre parcouru, m'enfonçant toujours plus dans mes souvenirs et faisant ressurgir les fantômes du passé.

Je descend d'Osiris et continue mon chemin à pied. Je suis le même chemin que je prenais il y a plusieurs années. De l'épicerie jusqu'à son immense maison, pour ne pas dire son manoir.

Lui, cet homme qui à contribué à briser ma vie. Où peut-être devrais-je le remercier, puisque ça m'a permis d'arriver où j'en suis.

Quoi qu'il en soit, mes jambes tremblent alors que j'approche du portail du manoir. On peut lire sur le portail "Demeure Sarazi".

Je frissonne puis pousse l'immense grille qui s'ouvre dans un grincement atroce. Ça y est. Je m'étais promis de ne jamais plus retourner ici. Mais m'y revoilà. J'ai bien changé depuis. Me reconnaîtra-t-il ? Est-ce qu'il se souviendra seulement de moi ? De moi et des tant d'autres vies qu'il a brisé ?

Deux ans. J'ai passé deux ans dans ce manoir. Deux ans avec lui, avec d'autres enfants de tout âge, avec plusieurs autres personnes d'ailleurs, qui s'occupaient plus ou moins de nous. Est-ce que c'était avec lui les pires moments? Ou c'était avec ceux d'après? Avec la famille d'après?

Une femme et un homme viennent à ma rencontre alors que je m'apprêtais à frapper à la porte.

On peut vous aider? Demande la femme.

Oui, je viens voir monsieur Sarazi à propos d'une... commande. Répondis-je de façon le plus naturel possible.

Suivez moi. Ajouta-t-elle.

Elle me fit contourner la demeure pour arriver à une porte à l'arrière de la maison. On rentra et j'attendis dans le salon que je connais que trop bien. Il n'y avait pas le moindre bruit, mais je sentais que des dizaines d'enfants étaient dans cette maison. Quand monsieur Sarazi apparu enfin, ma tête tourna et je résistais pour ne pas m'évanouir.

Vous n'êtes pas une de mes clientes. Comment avez vous eu connaissance de mon... activité? Dit-il alors qu'il se plantait devant moi, dans son costume marron avec sa cravate toujours aussi bien nouée, ses chaussures parfaitement cirées et la même canne qu'à l'époque, plus pour le style que pour la nécessité.

Effectivement. Dis-je en me levant du fauteuil pour lui faire face et camoufler mes tremblements. Mais j'aimerais faire parti de vos clients.

Et qui vous a donné mon adresse mademoiselle...

Appelez moi Rose. Et c'est une personne assez haut placée et il serait mal vu que je divulgue son nom aux oreilles des personnes ici présentes.

Je retient ma respiration. Vas-t-il me croire? Il n'a en tout cas pas l'air de me reconnaître, et c'est un bon début.

Très bien mademoiselle, suivez moi pour qu'on puisse discuter plus tranquillement.

Il me guida jusqu'à son bureau, mais je connaissais déjà le chemin. On discuta pendant un très long moment des services que je demandais. J'essayai en même temps, du regard, de trouver des papiers qui pourraient m'être utile.

Restez là un instant, je reviens. Finit-il par dire tout en quittant son bureau.

Je subtilise un carnet qu'il avait dans son tiroir. Il notait toutes les personnes qui lui passait commande ainsi que le lieux où elles habitaient. J'espère qu'il a continué à le faire. Je glisse le carnet sous mon haut alors que j'entendais ses pas revenir.

J'ai discuté avec une amie, elle vous contactera d'ici une semaine. Vous devez simplement nous laisser une adresse pour vous contacter.

Je lui donne donc une adresse qui n'est pas là mienne, mais où je pourrais tout de même aller récupérer le courrier. Je pars ensuite de cette maison et me dirige au plus vite vers le portail.

C'était un plaisir de te revoir Ineba Kolen. Entendis-je dans mon dos.

Je suis pétrifiée et sens la lourde main de monsieur Sarazi se poser sur mon épaule, comme il en avait l'habitude de faire.

Comment m'avez vous reconnu?

Tu n'est pas facile à oublier, Ineba. La plus têtue que j'ai eu la chance d'accueillir. Tu n'as pas non plus beaucoup changé. Répondit-il.

Je me retourne brusquement et met mon épée sous sa gorge.

Oh si j'ai changée. Je suis bien plus forte qu'avant et vous n'avez plus l'emprise que vous aviez sur moi. Dis-je en serrant les dents.

La véritable question que je me pose, c'est pourquoi tu es là. Je n'ai jamais de nouvelles des enfants que j'ai hébergé. Mais tu n'est pas comme eux. Tu as toujours été différente des autres, à enfreindre les règles même si tu savais que tu te ferai sanctionner. Toujours à vouloir protéger les plus faibles.

Je vais vous faire plonger. Vous et tous les autres.

Je le pousse au sol de ma main libre et termine mon chemin jusqu'à la sortie de ce jardin.

Je m'éloigne encore de quelques rues avant de m'éfondrer en pleurs dans l'angle de deux bâtiments. Il l'avait remarqué depuis le début. Alors pourquoi n'avait-il rien dit avant? Il voulait peut-être simplement me faire mal. Il a toujours voulu avoir le contrôle des choses.

Je vais chercher Osiris et repart vers Théol. Sur le chemin je n'arrête pas de penser à lui. Comment pouvait-il m'avoir reconnu? J'avais seulement cinq ans quand je suis arrivée chez lui. Et j'en suis répartie à sept. Il m'avait certainement recroisé à Kaichi lors d'une de mes nombreuses fugues de la maison des Sapila, mais je n'étais même pas adolescente. Mon corps a changé, je suis une femme maintenant, plus une enfant. Et mon caractère aussi. Du moins je l'espère. Je ne veux pas rester cette petite fille effrayée par son ombre.

La vue du château me fait sortit de mes méditations. Je laisse Osiris dans le pré et rentre au château. Je me dirige vers la cuisine pour me préparer à manger, mais quand j'y entre, je vois que mon trio préféré m'attends déjà.

Adrien a insisté pour faire à manger, si c'est inmangable c'est de sa faute. Dit Philippe en rigolant.

On s'installe tous les quatre à table et je me rends compte de la chance que j'ai. Ils parlent de tout et n'importe quoi, comme si ils savaient que je voulais juste oublier cette journée trop forte en émotions. Vers la fin du repas, je décide tout de même de leur montrer le carnet que j'avais volé dans son bureau.

A une époque il notait les noms de ses clients ainsi que leurs adresses. J'espère qu'il a continué. Dis-je en leur tendant le fameux carnet.

Adrien le feuillette et s'arrête sur une page.

Là ! S'écria-t-il.

Philippe saisit le carnet et son visage s'illumina.

Bravo Ineba. Dit-il le visage rayonnant.

Je n'ai heureusement pas fait tout ça pour rien. On va en aider des gens, et on va réussir à faire abdiquer le roi.

Ma princesse charmanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant