Chapitre 4

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Andéos.

Après notre discussion, Yiorgos ne m'a pas retenu, comprenant parfaitement mes désirs, que seul un groupe de personnes peut assouvir. Il m'a simplement souhaité de « bien en profiter », pour reprendre ses mots, a-t-il plaisanté, souhaitant détendre l'atmosphère.
Lui vouant une confiance sans faille, dû au fait que nous ayons grandi ensemble, personne d'autre que lui n'est au courant de mes penchants, hormis les principaux concernés. Cela pourrait nuire à ma réputation, comme à celle de ma légitime épouse. Si pour ma part, je me fous de ce que pense mon peuple, ce n'est pas le cas de la reine. Je n'ai donc pas le droit de le lui imposer.
Traversant à la hâte les cuisines, trop concentré sur mon besoin personnel et les retombées qui en découlent, je m'arrête devant des esclaves en train d'accomplir consciencieusement leurs tâches. L'un d'eux, à quatre pattes, sur le sol dallé de rouge et d'argent, frotte avec énergie chaque carreau.
J'en connais un qui va passer un sale quart d'heure… Je le sais à cause de mes muscles hypertendus, de mon visage brûlant et de la sueur se formant dans mon dos.
Je n’ai plus le temps…
Sans prendre la peine de le laisser terminer, le prévenir ou même lui demander son avis, je saisis ce blond, trop pâle à mon goût et le tire hors de la pièce. Si j'avais le choix, j'agirais autrement. Cependant, je ne l'ai pas, alors pourquoi l'aurait-il lui ?
L'expression du jeune Elfe, d'une vingtaine d'années, se charge d'effroi. Il n'a pas encore eu le droit au « traitement spécial », mais le retour de certains, dans un état lamentable, après une rencontre particulière avec le roi, semble le terroriser.
En même temps, je n'ai pas pour habitude de faire dans la dentelle dorée, portée et adulée par notre peuple féminin. Je suis un homme d'action, allant droit au but.
La réserve, vide de toute âme, me donne le prochain lieu de ma débauche…
Par manque de maîtrise, je pousse brusquement ma prochaine victime, le faisant tomber au sol et referme la porte brutalement, afin de le mettre dans l'ambiance.
— Votre Majesté… tente-t-il de me raisonner, en mettant désespérément une certaine distance entre nous.
Le raclement de ses talons sur les rainures de la faïence, autant que sa respiration rapide, me font monter le sang directement au cerveau.
J'aime asseoir ma puissance sur les autres. Les dominer. Leur prouver qui est le plus fort et que, peu importe combien ils le souhaitent, ils ne peuvent m'échapper. Néanmoins, pas dans un tel contexte…
Coupé dans mes réflexions par ma fièvre atteignant un niveau élevé et mes pulsations cardiaques proches de l'explosion.
— Retire tes haillons !
Mon ordre claque. La petite chose, non loin de moi, se met à trembler, augmentant ainsi, autant mon excitation que mon mépris. S'il pense m'amadouer avec son air de dragon battu, il est à côté de la plaque !
— S'il vous plaît, Votre Majesté. Je vous supplie de ne point faire cela…
L'esclave se pose à genoux, les mains jointes, avant de s'accrocher au bas de mon pantalon, de lin bleu nuit, parsemé par endroit, de reflets violet foncé
— Dépêche-toi ! commandé-je de plus en plus agacé.
Ce qu'il ignore, c'est que plus il me fait attendre, plus ce sera terrible.
Pour nous deux…
Malgré l'intonation ne souffrant aucune discussion dans ma voix, il reste paralysé d'angoisse à mes pieds. Prenant le Ragnor d'air par les cornes, j'attrape la tignasse blonde entre mes doigts et soulève la faible créature d'une seule main, lui arrachant des cris de surprises et de douleurs. Ses vêtements volent dans la pièce, déchirés, inutilisables.
Je ne suis pas le coupable, il était prévenu !
Son torse, violemment plaqué contre une étagère, qui lui laissera un rappel de ce moment pour plusieurs jours, voire semaines, me soulage quelque peu. Toutefois, ce n'est pas suffisant pour apaiser cette soif incontrôlable, qu'il me faut assouvir au plus vite, avant de reproduire les mêmes gestes, avec un autre plus tard.
Mon souffle sur sa nuque, je m'apprête à lui faire vivre la pire expérience de sa vie…

Remontant mon bas sur mes hanches, je jette un coup d'œil à la petite chose, pleurant à chaudes larmes et les membres resserrés autour de son corps. Ses sanglots soulèvent ses omoplates, me donnant un haut-le-cœur, que je refrène, non sans mal. Je devrais sûrement me détester pour mes actes, mais j'ai appris à m'y faire, m'y accoutumer, y trouvant même une certaine délivrance.
— En aucun cas tu ne raconteras ce qu'il vient de se passer, sinon ta famille paiera le prix fort, le menacé-je sans hausser le ton.
Comme les autres, il emportera ce secret dans sa tombe.
Après un subtil hochement de tête de sa part, je l'abandonne ainsi, décidant de ne plus me préoccuper de son sort. Mes pulsions sont contentées et ma soif de sexe, étanchée. Même si, comme d'habitude, ça ne durera que peu de temps, je peux enfin vaquer à mes occupations…

Empli d'une nouvelle énergie, je rejoins mon bras droit dans la salle d'armes, car bien que je vienne de rentrer, il me faut déjà repartir. Bronweg n'a pas tort, il est nécessaire d'accélérer le mouvement. Ainsi, je deviendrai le maître du monde et plus personne ne pourra ouvrir sa grande gueule et grâce à cet accomplissement, je serai peut-être débarrassé de ma tare…
— Ça va mieux ? me lance Yiorgos en m'examinant attentivement.
J'ignore sa question, haïssant l'attention qu'il me porte et enchaîne avec notre prochaine mission en étudiant sérieusement la carte. Mes doigts volent au-dessus du royaume des Cyrails, le contournent, pour démontrer les chemins où nous devons nous rendre.
— Ici, et là, annoncé-je en passant près du volcan interdit. Ce sont les dires du lieutenant Íasonas.
Déroulant le parchemin, ayant voyagé lié à la patte de son Ragnor d'eau, je relis chaque mot à voix haute.
Votre Majesté.
Le chef des Cyrails m'a informé que tout l'arrière de son royaume grouillait d'Elfes rebelles. Nous n'en avons encore trouvé aucun, mais nous sommes trop peu nombreux pour couvrir une telle surface. Cependant, nous poursuivons, pour votre gloire.
À présent, nous sommes près du volcan interdit, du côté où résonne le vent s'engouffrant dans la faille et les murmures de la lave stagnante.
Votre dévoué Íasonas.
— Ils ont besoin d'aide, continué-je. Ce n'est pas une patrouille, d'une dizaine de Sylphes, qui peut couvrir autant de kilomètres.
— En effet, approuve Yiorgos. Tu prends Aptéas ?
— Oui. Ordonne à la moitié de nos hommes d'être dans la cour, avec leur monture, dans un quart d'heure.
À peine énoncé, qu'il est déjà en train de refermer la porte sur lui, me laissant seul avec mes pensées. Bien que je tente de les refouler, celles-ci envahissent mon esprit par milliers, reproduisant chaque souffrance, que j'ai causée, depuis ce fameux jour.
Je bascule à genoux, sans avoir la moindre chance de rejoindre mon antre. Mes doigts massent mes tempes, dans l'espoir vain de chasser la douleur. Les cris, de toutes mes victimes, rebondissent contre les parois de mon crâne.
Dans ces moments, je dois juste subir. Patienter jusqu'à ce que la torture s'apaise. Car ce n'est rien d'autre qu'une torture pour tous les sévices que j'inflige autour de moi.
J'ai également appris à vivre avec, du moins, je le croyais, car plus le temps passe et plus elles deviennent insupportables. J'en suis, régulièrement, proche de la perte de connaissance, mais celle-ci ne m'est jamais accordée.
Ce serait un châtiment bien trop doux…
Mon dos s'arque en arrière, dans une courbe quasi impossible à réaliser de son plein gré. Un cri, rauque et bas, sort de ma gorge. Le seul que je ne peux retenir, avant que tout ne revienne à la normale, me laissant endolori, comme courbaturé et perclus de sensations désagréables.
M'agrippant fermement au premier meuble à proximité, je tente de me redresser. La table bascule, me faisant ainsi échouer, puis renverse tous les objets se trouvant dessus. Je sens la colère et la désolation montée en moi, mais je respire lentement afin de me calmer pour passer au second essai.
Depuis toutes ces années, j'ai pu assimiler l'élément déclencheur. Ou devrais-je dire, les éléments déclencheurs. La rage et la frustration. Chacun d'eux peut me faire agir de manière inqualifiable, mais le mélange des deux est un cocktail détonant.
Secouant la tête, afin de chasser les dernières lamentations, revenues me hanter, je me cale sur mes deux pieds et m'assure par la grande porte-fenêtre, du temps écoulé. Les rayons du soleil m'indiquent qu'une fois de plus, je suis en retard. Alors, sans perdre une minute, je prends mon arc, dont le tube est en argent blanc, exactement comme la pointe de mes flèches, mon carquois de cuir et quitte ce lieu.

Les mains serrant la lanière autour du cou de nos Ragnors, mon armée et moi-même planons au-dessus de la zone mentionnée par l'un de mes lieutenants.
S'il fut une époque où j'appréciais d'avoir le vent sur mon visage, où je me réjouissais de survoler les plaines, lacs et montagnes, aujourd'hui, je n'y accorde plus réellement d'importance et n'y vois plus qu'un moyen de transport plutôt rapide.
Il nous faut moins de deux jours, avec halte, pour rejoindre les lieux et nous poser sur les différentes couches de roches volcaniques. Les immenses dômes déversant leur lave en fusion assez régulièrement, il est assez urgent d'agir.
D'ailleurs, comment un peuple, aussi faible, peut trouver refuge dans un endroit aussi dangereux ?
Faut-il qu'ils soient à ce point désespérés ?
— On se sépare ? m'interroge Yiorgos, me ramenant les pieds sur terre.
— Oui, en deux groupes, nous couvrirons plus de terrain.
Il pivote, afin de récupérer une partie des gardes, quand je le rappelle.
— Gardez les Ragnors près de vous. On ne sait jamais…
Après avoir hoché la tête en signe d'accord, Yiorgos divise la troupe en deux, sachant pertinemment lesquels me laisser.
Pour être sûr d'être parfaitement entendu, je grimpe sur une roche, plus imposante que les autres.
— Notre but est de retrouver les fuyards ! débuté-je, haut et fort. Si vous en croisez un, tirez ! Ne lui octroyez aucune seconde, car si vous en perdez ne serait-ce qu'un…
Je patiente quelques secondes, afin que mes mots les imprègnent.
— Vous connaissez la sentence ! terminé-je avant de sauter de mon « piédestal ».
Lorsque Thélos était le souverain, il avait instauré une punition ultime pour ceux qui ne remplissaient pas leur rôle ou ceux qui échouaient. Mon père était plus barbare que je ne le suis, cependant, il doit continuer à marquer les esprits, pour les pousser à réussir. L'échec n'est pas toléré chez les Sylphes adultes et à peine permis chez les enfants. Plusieurs des leurs ont déjà perdu un membre sur la place centrale, pendant que d'autres obligeaient des dragons à les avaler.
Ces derniers n'étant pas du tout carnivores, puisque durant cette méthode, seuls des Ragnors de terre et d'eau étaient concernés. Ceux de feu et d'air n'avaient pas encore trouvé leur place dans notre contrée.
Le supplice était donc partagé entre le maître et son esclave.

Les recherches commencent dans les alentours, segmentées en plusieurs troupes et canalisées de façon tactique. Puis, chacun se disperse en cercle, s'étalant sur le secteur.
Plus nous avançons, plus nous nous rapprochons du volcan interdit, plus les murmures provenant de la faille se font entendre, couvrant le son de nos talons martelant le sol. Si je ne m'y trompe pas, une éruption ne devrait plus trop tarder. Il vaut mieux avoir décollé avant que cela ne se produise !
— Magnez-vous ! crié-je pour couvrir le bruit.
Mes hommes s'activent davantage, au rythme de mes pas.
En tant que roi, je me dois de donner l'exemple et d’être en première ligne, de même, en temps de guerre.
Le sol se met, peu à peu, à trembler.
Nous n'avons plus une minute à perdre !
Les foulées s'allongent, car tous ici, savent ce que ça signifie.
Au détour du volcan interdit, des hurlements stridents retentissent et nous parviennent avec plus de clarté. Les murmures précédents devaient provenir du même endroit. Des mêmes personnes…
Le plus rapidement possible, nous suivons l'écho éclatant plus fort à nos tympans et tombons, quelques minutes plus tard, sur les fameux rebelles.
Certains courent en direction inverse. D'autres sortent leurs armes, prêts à nous affronter. Ce qui me fait doucement rire.
Ils n'ont aucune chance contre nous.
Une douzaine d'Elfes contre la moitié d'une armée de Sylphes, soit environ cent cinquante soldats, c'est du suicide !
— Vous savez ce que vous avez à faire ! rappelé-je aux hommes dans mon dos, tandis que la roche durcit sous nos pieds se fissure.
De la lave, semblable à des traînées de sang, s'extirpe de chaque craquèlement, à l'instant où la même substance s'échappe du cratère pour venir se fondre jusqu'à nos pieds.

La Prophétie - Tome 1 - Les Quatres RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant