Andéos.
Toujours dégoûté, j'erre dans le palais, me demandant ce que je vais bien pouvoir faire. Ressassant l'altercation avec Yiorgos et, les tests venant tout juste de se terminer, n'ont pas été un succès total.
Lorsque le contremaître me rejoint, les mains pleines de parchemins.
— Votre Majesté ? J'ai ce que vous m'avez demandé ! m'informe-t-il en me tendant avec fierté son précieux butin.
Je m'en empare, le remercie d'un signe de tête, puis décide de m'isoler sur le toit, afin de ne pas être dérangé.
Assis, le dos calé contre le rebord, je survole du regard l'entête de chacun d'eux, désirant en trouver un en particulier.
Évidemment, il a fallu que ce Sylphe les classe dans l'ordre et que celui que je désire soit le dernier !
Quatre noms sont inscrits dans une écriture cursive.
Hélios : 23 ans. Herboriste de métier. Réservé pour cultiver les champs de domières. 1m60, 79kg, brun, yeux bleus.
Sain de corps et d'esprit.
Ce n'est pas lui…
Galias : 25 ans. Agriculteur de métier. Réservé pour récolter nos champs de fruits et légumes. 1m67, 56kg, roux, yeux verts.
Sain de corps et d'esprit.
Toujours pas…
Calios : 23 ans. Instituteur de métier. Réservé pour nettoyer les sols des cuisines du palais. 1m71, 67kg, blond, yeux marrons.
Sain de corps et d'esprit.
Ce ne peut être que le dernier !
Elros : 22 ans. Aucun métier, si ce n'est soutenir son père dans l'éducation de sa petite sœur.
N'avait-il pas de mère pour s'en charger à sa place ?
1m70, 58kg, blond, yeux verts.
Yeux verts me paraît fade comme description d'une telle couleur !
Je relis encore une fois son nom, afin de le mémoriser.
— Elros…
Pourquoi m'intrigues-tu autant ? Tu n'es pourtant qu'un Elfe, un esclave. Peut-être parce que ça m'arrangerait d'assouvir mes pulsions sur toi ?
En partie rassuré par ma réflexion, je reprends l'essentiel. Trouver le frère du môme. À présent, je mets la main, sans difficulté, sur l'avant-dernier parchemin. Je scrute attentivement les noms, cherchant celui de Perlias, mais comme je m'en doutais, il n'apparaît pas. Il ne me reste plus qu'à faire le tour de tous les noms que j'ai en main, en chair et en os, afin de découvrir s'il a pu s'en sortir.
Sans aucune motivation, je redescends, sachant à présent où dénicher les concernés. Je rejoins les cuisines. Deux d'entre eux sont assignés au nettoyage complet du sol au plafond.
— Maître.
Tous les esclaves présents s'abaissent en signe de révérence, puis gardent les yeux au sol.
— Bévias !
Le nommé se redresse légèrement, à la fois incrédule et craintif.
— Nidéos !
Le second, plus effrayé que l'autre, tremble de tous ses membres.
— Venez devant moi ! Les autres, reprenez votre tâche !
Tout le monde obtempère dans la seconde, me donnant l'impression d'être déjà le maître du monde.
— Lorsque vous étiez derrière le royaume des Sylphes, il y avait un Elfe du nom de Perlias. Savez-vous où il se trouve ?
L'un d'eux recule d'un pas en secouant la tête sans oser me regarder.
— Non, maître. C'était l'affolement là-bas et nous ignorons ce que sont devenus beaucoup d'entre nous.
Je me détourne pour partir, quand une voix bien plus faible se fait entendre.
— Peut-être devriez-vous interroger Wémías…
Du regard, je jauge le second, alors qu'il conserve ses yeux sur le sol.
— Ils étaient toujours ensemble avec son petit frère, croit-il bon d'ajouter.
À juste titre.
— Très bien. Vous pouvez vous y remettre.
Je quitte l'endroit et examine la liste une nouvelle fois pour savoir à quel poste a été assigné cet Elfe.
La buanderie.
Changeant de direction, je reviens sur mes pas, faisant frissonner les Elfes croisés un peu plus tôt et me rends dans l’arrière-salle.
Celui qui m'intéresse est en train de plier le linge si consciencieusement qu'il ne m'a pas entendu entrer. Je me racle la gorge pour annoncer ma présence, déclenchant chez lui une réaction en chaîne. Le vêtement se retrouve au sol, tandis qu'il se met presque à genoux pour me saluer.
— Majes… Maître. Puis-je me rendre utile ?
— Où est Perlias ?
Pendant un instant, l'esclave sous mes yeux relève son visage pour plonger ses prunelles noisette dans les miennes. Ses yeux se mettant à briller me laissent de marbre.
— Il… il est mort, maître…
— En es-tu certain ? insisté-je durement.
Je vois déjà ma chance de refiler le gamin à son frère s'envoler.
— On ne peut plus sûr, maître. J'ai vu son corps se recouvrir de magma…
Une larme lui échappe au moment où je décide de partir.
J'ai besoin de me tirer d'ici et vite ! Je dois parler à Yiorgos, même si celui-ci n'a toujours pas digéré ma façon de m'adresser à Élias.
Marchant à une allure express, je mets rapidement un pied dans mon hall, grimpe quatre à quatre les marches menant à l'étage et frappe à la porte du bureau de mon bras droit.
Aucune réponse…
Où peut-il bien être allé avec le gosse ?
Je rebrousse chemin, tentant de le trouver dans ses appartements, mais là encore, il n'y est pas !
La pression augmente au fur et à mesure de mes vaines recherches. L'information que je détiens me rend malade, à tel point que je sens le côté droit de mon visage se mettre à chauffer.
Merde Yiorgos ! Où es-tu ? pensé-je complètement désespéré.
Ma frustration augmente, me rendant de plus en plus incontrôlable.
Je fuis à toutes jambes espérant m'enfermer dans mes appartements privés, avant de m'en prendre encore à quelqu'un d'autre. Je ne peux plus supporter l'état dans lequel je m'enfonce, un peu plus à chaque fois.
Poussant le battant brutalement, je m'élance sur mon lit, écœuré de ma faiblesse. Quand la porte se rouvre sur un Elfe déjà vu auparavant, peut-être même utilisé à des fins perverses !
Il referme derrière lui, avant de se tourner face à moi.
— Maître… Je… j'ai vu que vous n'étiez pas bien, vous pouvez vous servir comme la dernière fois…
Lentement, lui donnant une chance de se rétracter, je me redresse, puis quitte le matelas moelleux.
— Tu devrais t'en aller ! murmuré-je en me rapprochant.
D'un pas, il vient plus près.
— J'en ai envie, maître… défoulez-vous sur moi…
À peine termine-t-il ses mots que je m'élance, le plaque contre le mur et m'empare de ses lèvres. Je les suce, les lèche, les mordille, partagé entre plaisir et dégoût. De mes mouvements de hanches, je frotte contre son ventre, mon sexe tendu, prêt à exploser. Ma bouche toujours sur la sienne atténue le son de ses gémissements obscènes. De mes deux mains, je saisis ses fesses, les malaxe, imaginant déjà le plaisir qu'elles vont me donner, quand un boucan retentit non loin.
Toujours pris entre ma conscience et mon désir, j'aperçois le blond aux yeux verts, écarquillés, dans l'encadrement, une timbale d'eau renversée à ses pieds.
Ma colère empire. Mes émotions se mélangent. Je repousse l'esclave écrasé contre le mur et l'envoie valser vers la sortie.
— Dégage ! craché-je sans réellement réfléchir.
Le dénommé Elros prend autant mon injonction pour lui et commence à battre en retraite.
— Toi ! Reste-là !
Il ne m'écoute pas et recule encore.
— Elros ! Tu viens ! Quant à toi, débuté-je en observant celui se relevant à peine. Tu dégages !
Le regard empli de déception, il obéit, prenant garde à bien refermer derrière lui.
Réduisant la distance entre le blond et moi, je le choppe par la nuque et la serre à lui faire mal.
Je ne suis plus maître de moi-même…
L'esclave tremble sous mes doigts tandis que ses iris se figent tant de surprise que de terreur. Plaquant ma bouche sur la sienne, je ne lui laisse pas le choix que d'accepter ce que je lui donne. Ses mains se posent sur mon torse dans une ridicule tentative de me repousser.
Sans succès…
J'entame une exploration de son corps, lorsque je sens une morsure sur ma lèvre. Ma marque se met violemment à pulser m'obligeant à libérer ma proie, me mettant à genoux, ma tête dans les mains. Un cri s'extirpe du fin fond de ma gorge, me brûlant les poumons.
J'ai l'impression que ma fin est proche et que je vais me consumer !
Un hurlement éclate dans mes tympans, suivi d'un autre, puis un nouveau. Ils se succèdent sans que je ne puisse les associer, reconnaître à qui ils appartiennent.
Mais au fond de moi, je sais…
Ce sont mes victimes, mes erreurs, mon devoir accompli par la force de mon père.
D'un geste doux, comme une caresse, je sens des doigts dans mes cheveux, essayant d'apaiser la souffrance qui me domine. Mon visage est toujours aussi douloureux, alors j'attends.
J'attends de ne plus avoir mal. J'attends de ne plus rien entendre. J'attends de ne plus ressentir…
Toutes sortes de sentiments me percutent de plein fouet. La rage d'être aussi vulnérable, car dans cet état, aux yeux de tous, je ne vaux plus rien. Le manque de mon paternel, qui même s'il était dur, était présent chaque jour de ma vie. La culpabilité des horreurs que j'ai commises. Les regrets de mes actes, peu importe combien il m'est impossible de les changer ou comment je ne pourrais jamais évoluer, mon peuple attendant trop de son roi, je resterai identique à celui que j'ai été, suis et serai…
La pression s'accentue sur le dessus de ma tête, me poussant à la redresser. Si je pensais tomber sur une expression teintée de mépris, de satisfaction ou de moquerie, il n'en est rien. Le jeune Elfe paraît, au contraire, inquiet. Je ne comprends même pas pourquoi il n'a pas profité de mon état pour s'échapper loin des outrages, des actes atroces, que j'allais lui faire subir.
Sa compassion éveille d'autres sensations enfouies. De la gratitude, sincère, tout ce qu'il y a de plus réel. Mais l'irritation prend plus d'ampleur, il va croire que sans lui, je n'aurais pas pu gérer !
— Tire-toi !
Son bras s'abaisse, me privant de son contact, dont je n'ai absolument aucune envie de me passer. Il se détourne, et s'apprête à partir, lorsque je sens un changement se produire en lui.
Ses yeux perçants se posent sur moi une fraction de seconde, avant de virer vers mon renfoncement. J'assimile à cet instant ce qu'il doit voir.
Le squelette de Pythos !
— Comment avez-vous pu !?
Son intonation larmoyante ne me laisse pas de glace. Puisant dans mes dernières forces, je me relève pour le foutre dehors avant de subir une scène, mais prestement, il s'écarte, rejoignant ce que je considère comme le tombeau de mon premier dragon.
— Pourquoi ? demande-t-il cette fois les joues baignées de larmes.
Je n'ai aucune raison à lui apporter. Rien ne me semble valable et pour la énième fois, je me sens minable.
Ma paume étalée sur ma peau encore chaude, couvrant mon œil droit et malgré le sang pulsant violemment dans mes tempes, je me dirige jusqu'à lui. Elros. Ses doigts tentent de se poser avec désolation sur l'un des vestiges de mon passé, ayant construit mon futur, alors je le repousse sans ménagement.
— Pourquoi… répète-t-il si bas, que je n'en suis pas sûr.
— Tu ne pourrais pas comprendre… tu n'es pas né ici, en tant que prince !
Son expression se durcit quelque peu.
— C'est vrai que ce doit être difficile ! Vous ne devez pas vous séparer de ceux que vous aimez ! Vous ne craignez pas de finir dans un royaume où l'on risque de vous torturer ! Vous avez tous les jours à manger sur votre table, à boire ! Il est certain que votre vie doit être des plus compliquées !
Cette longue tirade, que je n'ai pas souhaité interrompre, afin de voir s'il irait jusqu'au bout, me remet les idées en place.
Le serrant par la gorge, instaurant de la panique sur ses traits, je le conduis ainsi jusqu'à la porte de mes appartements privés.
— Tu ne sais de quoi tu parles ! Je serais toi, je resterais à ma place, sinon il pourrait bien t'arriver malheur et tu ne reverrais plus cette famille à laquelle tu parais tant tenir !
Ensuite, je le jette dehors, le regardant s'étaler de tout son long, puis referme. Il est nécessaire que je retrouve un semblant de sérénité avant de quitter cette pièce !
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La Prophétie - Tome 1 - Les Quatres Royaumes
FantasyAndéos, roi des Sylphes, est assoiffé de pouvoir. S'il obtient l'œuf du Lycanwing, il pourra devenir le maître de tous les royaumes. Seulement, il ne s'attend pas à tomber pour un Elfe... Chassés par les Sylphes, certains Elfes préfèrent fuir. Elro...