Avant...

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Lundi 10 novembre 2014
Cher journal,
Aujourd'hui encore, Lucas, Tom et sa bande m'ont frappée et m'ont bousculée dans les escaliers. J'ai de plus en plus de bleus sur les jambes, de bosses sur la tête. J'ai beau dire à mes parents que je me fais ça à l'AS rugby, ils ne me croient pas. Ils me connaissent trop. Je suis en danger. Je ne peux rien dire à personne, les garçons vont me tuer. Les filles vont me dégueniller. Je ne serais plus rien. À moins que je ne sois déjà plus rien. Vois-tu, ils m'ont enlevée. Ils ont enlevé ma gentillesse, mon entrain, ma joie de vivre. Je ne ris plus aux blagues, je n'ai plus envie de gagner au rugby, ne serait-ce que pour mon équipe. Je suis devenue un robot, un zombie. Ils m'ont gâchée, et je n'ai vécu encore que 14 ans. J'aurais aimé être moi, pouvoir devenir vétérinaire, continuer sur ma voie... Mais depuis 2 ans maintenant, ma vie n'est que coups, chutes et allers-retours complètement dénués de sens. Il y a déjà deux ans que je ne m'appelle plus Ambre, la jolie fille blonde aux yeux rieurs et au sourire aux lèvres. Deux ans que mon nom est Liv. Liv comme "I don't live". 
Je t'embrasse,
Liv qui sans toi serait perdue.

Mardi 11 novembre 2014
Cher journal,
Je ne sais pas quoi te dire si ce n'est la même chose que tous les autres jours. On m'a poussée dans les escaliers, on a raconté des trucs sur moi... Tout le blabla habituel. Peut-être que je peux te dire que j'ai réfléchi à comment m'en sortir? Oui, c'est intéressant. J'ai pensé à fuguer, mais sans me disputer avec mes parents, je voudrais pas qu'ils soient pris de remords. Je ne sais pas où j'irais, mais je pense que ça n'a pas d'importance du moment que je m'en vais et que j'ai le nécessaire avec moi. Finalement, ma vie n'est peut-être pas trop nulle! Et puis je pourrais rencontrer des personnes! Enfin me faire des amis! Que c'est excitant! Mais bon, il faut que j'élabore un peu ça, sinon ça va partir en sucette. Vaudrait mieux qu'une des meilleures parties de ma vie qui est programmée ne sois pas foirée comme tout le reste. D'ailleurs, la meilleure partie de ma vie, c'est de 6 à 7 ans. J'avais un chat errant avec qui je passais tout mon temps, et je n'avais pas d'ennuis. Mais il est parti quand j'avais 7 ans, et une des plus mauvaises partie de ma vie a suivi. La plus mauvaise reste celle que je vis depuis 2 ans.
Je t'embrasse,
Liv qui commence à revivre.

Mercredi 12 novembre 2014
Cher journal,
Tu ne devineras jamais ce qu'ils m'ont fait aujourd'hui. C'est totalement inédit. Ils m'ont découpé et déchire mes vêtements, m'ont collé des tattoos partout et m'ont jeté face contre terre, sur l'asphalte. Les adultes sont tellement naïfs qu'ils ont cru que je voulais faire ma rebelle, résultat : une très grosse punition. J'ai appelé mes parents, ils ne m'ont pas fâchée, n'ont pas cherché à me parler. Je crois qu'ils s'y habituent. J'ai un peu réfléchi à la fugue, je pense que je devrais chercher une arrivée, un objectif. Que mon voyage ne soit pas vain. Je veux une vraie fugue. Organisée. Pas une fugue qui vous conduit chez les voisins d'en face. Non, celle qui vous conduit à l'autre bout du pays.
Pour l'instant, je supporte. Au lieu de craquer, quand la coupe sera pleine, je m'en irais. J'ai pesé le pour et le contre, et de toute manière il y a deux points de vue différents : celui qui pense que cela est de la lâcheté et de la fuite, et celui qui pense que cela demande du courage et une grande maîtrise. Peu importe, de toute façon je serais seule. Enfin pratiquement. 
D'ailleurs j'aimerais te parler de ma lettre précédente. De ma drôle d'euphorie. Il y a deux ans je n'y aurais pas pensé et je n'en aurais pas sauté de joie. C'est vraiment n'importe quoi. En ce moment je vois tout noir, et comme par magie je vois un point clair? Ce que je peux être bête parfois... Non, je le suis tout le temps. Pfff...

Je t'embrasse,
Ta Liv qui a réussi du premier coup sa lettre.

Jeudi 13 novembre 2014
Cher journal,
Aujourd'hui je n'ai même pas pris la peine d'aller à l'AS. Je devais jouer avec Tom, et même si je suis dans son équipe, il ne se gênera pas pour me bousculer et se prendre des cartons. De toute manière, je n'ai plus la force, plus l'envie d'y aller. Je suis un fantôme. Demain c'est mon anniversaire, mais je m'en fiche complètement. Plus de joie, plus d'impatience. Un grand vide.
J'en ai donc profité pour organiser ma "libération". Je sais où je vais aller. Je vais suivre ma grand-mère. Je vais aller jusque dans sa maison qui est à 500 km d'ici. En me débrouillant. Et je vais faire comme elle. Un pèlerinage vers la fin de l'enfer. Véritablement, c'est exactement ça dans tous les sens du terme. Et peut importe que je sois seule ou avec quelqu'un, j'irais qu'au bout. Sans fin, une histoire n'en est pas une. 
De toute manière, c'est la seule issue possible et convenable. Ça sera agréable, ça ne durera pas longtemps et ça fera mon bonheur. Je préfère ça à une dépression.

Jusqu'au BoutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant