Victoria Falls (T2 de Thistly Heart)

Chapitre 25

NDA : relisez peut-être le chapitre précédent pour vous remémorer le cours des événements, car ça fait longtemps que j'ai posté. Bonne lecture !

Vendredi, 15 septembre 2017.

La bulle d'air éclate. Tout implose en moi. C'est autant le chaos dans ma tête que dans ma poitrine. Mon cœur bat à un rythme frénétique alors que mes oreilles bourdonnent.

Les expressions surprises. Les yeux arrondis. Les bouches entrouvertes. La somme d'un tout suivi d'un murmure que je ne perçois pas, mais que je devine. Même si je suis devenue sourde, je les vois à travers mes larmes. Ma mère. Finley. Les clients. Et Ainsley.

Tout le café a assisté au retour fracassant de l'ancienne Jo. La bagarreuse. L'orpheline colérique. 

En ce moment même, les clients du matin doivent être en train de me juger, de casser du sucre sur mon dos. Ils s'apprêtent sûrement à diffuser la rumeur dans Gleann Comhann. Celle qui justifiera mon acte violent.

« La petite Winsley... Oui, Jo Winsley ! Elle a balancé son poing dans la figure d'un homme... Qui ? Sûrement un ancien amoureux... Pourquoi ? Personne ne sait. En tout cas, le pauvre, il a morflé. Cette gamine a toujours eu un problème. Encore heureux qu'elle n'a pas rappliqué de la capitale en cloque ! »

Il faut croire que la petite Winsley qui se laissait consumer par sa colère n'a pas complètement disparu. Elle ne se trouvait pas bien loin. La version adulte, « améliorée », sonnait fausse. La teigne n'était en fin de compte qu'endormie.

À l'étage, Amour roupille sur le divan, en boule. Il ne se doute pas un instant de la scène qui s'est jouée au rez-de-chaussée. Que le papa de son ancien meilleur copain a, de nouveau, fait irruption dans ma vie.

Ses ronronnements, généralement reposants et mignons à souhait, ne m'apaisent pas. Ils me dérangent. Comment arrive-t-il à somnoler si paisiblement à n'importe quelle heure de la journée ? Je l'envie. Oui, je suis jalouse d'un putain de chat.

Je m'agenouille pour le regarder. Son dos se gonfle au rythme de sa respiration reposée, alors que la mienne trahit la panique qui me submerge. J'ai beau inspirer et expirer, le sentiment d'étouffer ne s'estompe pas. Une boule obstrue ma gorge. Elle grossit à mesure que le trop-plein d'émotions déborde. Je craque. Un gémissement s'échappe d'entre mes lèvres, pendant que les larmes coulent.

Enfin, Amour émerge de sa sieste. Ses iris verts me dévisagent d'un air las. Même lui a pitié de moi. Il me renvoie un regard qui en dit long, dans le genre « Les humains sont ridicules à souffrir d'une peine de cœur. Nous, au moins, ne nous n'entichons pas du premier avocat venu. Pas de sentiments, juste du sexe, that's the secret ! ». 

Je le compresse contre ma poitrine, même si son miaulement aigu essaie de m'en décourager. Il ne se réjouit pas à l'idée d'être câliné, mais il se ravise une fois que mon index et mon majeur se glissent derrière son oreille. Rien ne vaut une caresse bien placée.

Appuyée contre le coin du canapé, je pleure en silence. Amour, dans mes bras, me maudit de l'étreindre comme une boule antistress.

Comment Chris a-t-il eu le culot de se pointer chez moi dans la maison de mon enfance, après que je l'ai supplié de m'accorder du temps ? 

Il n'avait pas le droit de me confronter devant les personnes que j'aime. Ni le privilège de briser mon havre de paix.

Sa venue inattendue me rappelle tout ce que je m'étais efforcée d'oublier durant cet été. Elle bouscule le réconfort que j'avais trouvé ici. Et elle me force aussi à réfléchir au nœud du problème que j'ai tant voulu ignorer.