Jeudi, 14 septembre 2017 (suite)
Quel temps monstre met-il sous la douche ! S'il s'éternise un peu plus longtemps dans la salle d'eau, Morphée sera prêt à venir me quérir. Confortablement installée dans le pouf, les minutes défilent, tandis que mes paupières se font davantage lourdes.
Après avoir appelé en vitesse ma mère pour la mettre au jus du vêlage des deux gros bébés et de l'invitation à souper, je me suis sentie complètement vidée. Cette journée s'est montrée à tout niveau éreintante, tant émotionnellement que physiquement. Et elle m'a énormément plu... Ce n'est pas juste la compagnie d'Ainsley qui l'a égayée, mais ce qu'elle a réussi à me prouver. Je suis heureuse. J'aime ma vie, ici. J'apprécie celle que je suis devenue.
En un été, les fêlures, qui ne cicatrisaient pas malgré mes efforts, se sont comblées. Après des crises de larmes, de fou rire et de sourires. Le chemin vers une confiance en soi s'avère encore long et parsemé d'embûches, mais c'est nettement plus sereine que mes pas le parcourent. Le monde ne s'est pas fait en un jour, et Jo Winsley ne se reconstruira pas en deux mois.
***
Une caresse pulpeuse souligne délicatement ma joue et m'arrache un gémissement satisfait. Encore quelques minutes. Ma micro sieste est tellement bénéfique pour mes muscles endoloris. Puis, les images qui se glissaient sur ma rétine ne sont pas pour me déplaire... Des épaules imposantes. Un dos parsemé de taches de rousseur. De la sueur qui brillent, ruisselante sur l'épiderme pâle comme le marbre.
— De la bave te coule sur le menton... me susurre la voix amusée du propriétaire au corps d'Apollon.
Il manie la hache avec dextérité et fend le tronçon de bois se tenant devant lui. L'action de l'outil tranchant sur la bûche s'unit à l'écho de mon cœur qui trésaille. Un coup. Deux coups. Trois. Les battements cardiaques se répercutent, rythmés par le baillet incessant de testostérone.
— Mo wee bruadarach, réveille-toi...
Ma voix lui balance quelque chose qui lui extirpe des esclaffements. Ses yeux rieurs me détaillent alors que, désintéressé de sa tâche, il abandonne son instrument. En quelques enjambées, il se retrouve à me dominer de toute sa hauteur, son torse oscillant dangereusement contre mon buste. Avec une certaine assurance, je les soude en ramenant mes paumes nouées sur sa nuque. Voilà qui est plus avantageux !
— Que signifie ce sourire, Winsley !?
Ses lèvres plongent dans mon cou et me font frissonner de la racine aux orteils, tandis qu'une paume maintient ma tête étourdie. Les pulsations redoublent au fur et à mesure que je fonds sous l'attention sentimentale. Affolé, mon palpitant se contracte et répand ses papillons pour qu'ils assurent leur action en leur lieu de prédilection.
Yeux ouverts. Bouche en cœur. Émotions sens dessus dessous. Les restes de mon songe s'évanouissent et se mélangent à la réalité. Confronté à mon regard interloqué, Ainsley rougit d'être à l'origine de mon réveil. Son pouce effleure ma pommette brûlante.
— Fatiguée ?
Lentement, j'acquiesce. Mes pensées sont encore embrumées. Je n'arrive pas à distinguer réalité et rêve, à savoir si la pression charnue n'est que le souvenir de mon imagination, ou si le réel est intervenu.
Après quelques bâillements à en décrocher des mâchoires solides, nous descendons au rez-de-chaussée pour rejoindre le tronc commun de la maison. La décoration très rustique est fidèle à l'image que j'imaginais. Un foyer dans lequel des bons feux de cheminée doivent grésiller l'hiver. Des spacieux fauteuils en cuir. Une salle à manger dont la très longue table sous-entend des repas conviviaux. Sur un pan de mur en briques, sont accrochées diverses photographies. Toutefois, l'empressement que manifeste Ainsley m'empêche de m'attarder à les contempler un instant.
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Victoria Falls (T2 de Thistly Heart)
RomanceLa lecture du T1 : Victoria Line est vivement recommandée. . "Some falls are means the happier to arise.", W. Shakespeare, Cymbeline (1623) . De retour à Gleann Comhann, Jo Winsley croyait y retrouver un havre de paix mais elle doit faire face...