Chapitre 3

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Lundi, 10 juillet 2017

Le calme. Toujours le calme. Je laisse mes yeux s'acclimater à la clarté de la pièce et m'étire de tout mon sou, éprouvant un bien fou à mes muscles se contractant avant de ressentir une vive douleur dans le bas du dos. Mon visage se tord en une grimace tandis que je serre les dents après avoir effleuré l'endroit douloureux du bout des doigts. Je me redresse difficilement. Le nerf sciatique. Il ne manquait plus que cela ! À dormir tous les soirs dans le divan, pas étonnant que je me tape un lumbago... Alarmée de n'entendre aucun bruit autour de moi, je ne m'attarde pas plus longtemps sur ma souffrance et ose jeter un œil sur mon téléphone posé sur la table basse. Je manque de m'étrangler en constatant qu'il est presque neuf heures du matin, l'heure à laquelle ouvre le pub. Cependant, je n'entends aucun bruit provenant du rez de chaussée et je ne sens aucune odeur de cuisson. Une porte qui s'ouvre m'arrête dans mes ruminements. La porte de la salle de bain. Ma mère sort de la pièce habillée et coiffée de son foulard. À sa tête, je dirais qu'elle est surprise de me voir éveillée alors qu'elle ne s'y attendait pas.

— Tu devrais arrêter de te lever au beau milieu de la nuit pour la finir dans le divan, je vais finir par croire que le canapé est plus confortable que ton lit, rigole-t-elle en venant m'embrasser.

Si elle savait... Je profite du contact de ses lèvres sur ma joue, les yeux fermés avant de sentir son contact s'évanouir mais je la retiens par le bras. Son avant-bras paraît si petit entre mes doigts.

— Pourquoi le pub est-il encore fermé à cette heure-ci ? lui pose-je innocemment avec un petit sourire même si je suis soulagée à l'idée d'avoir un peu de repos.

— Jour de chimiothérapie, me déclare-t-elle l'air fier alors que toute la joie que je m'étais construite autour de l'idée de passer une matinée tranquille avec elle s'estompe en une seconde.

Je tente de garder bonne figure devant elle mais le son du moteur d'une voiture que je reconnais parvient jusqu'à mes oreilles. Mes yeux s'écarquillent et se remplissent de questions silencieuses à l'encontre de ma maternelle qui m'offre un sourire crispé. Elle n'a pas le temps de me retenir que je dégringole les escaliers. Je l'entends m'appeler par mon prénom mais ma curiosité est piquée à vif. Mon corps est progressivement mangé par l'angoisse et la colère. Je sens mon sang bouillir dans mes veines et mes pieds nus me portent rapidement jusqu'à la cour. Après avoir passé la porte de service, j'ignore la douleur des gravillons qui s'enfoncent dans la plante de mes pieds. Dites-moi que ce n'est pas ce con de Dougal ! Je me promets de ne plus me retenir et de lui casser une bonne fois pour toutes sa grande gueule d'arrogant afin de le voir ramper jusqu'à chez lui, la peur au ventre. Mais il s'avère que le grand chauve, que je n'ai toujours pas vu depuis mon retour et qui est le seul à avoir conduit la voiture avec ma mère et moi-même, ne se trouve pas là. J'aperçois une chevelure auburn dont les mèches rebiquent en boucles. La dite personne à la chevelure contourne la voiture de ma mère dont je croyais qu'elle ne roulait plus. Le moteur fait en effet un drôle de bruit mais il continue à ronronner sans s'interrompre.

— Si tu essayais de la voler, c'est raté... elle fait un boucan d'enfer ! émis-je les bras couverts de chair de poule croisés sur ma poitrine, l'index pointé en direction de la vieille carcasse.

— Bonjour à toi aussi, wee bruadarach !

Mes sourcils se froncent face à son sourire éminent qui lui dévore les lèvres, faisant remonter sa moustache.

— Seule, ma mère m'appelle ainsi, éructe-je avec venin.

— Je sais. Madame, s'est levée-t-elle du pied gauche ? s'amuse-t-il en se rapprochant en deux, trois enjambées.

Victoria Falls (T2 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant