Chapitre 21

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Samedi, 9 septembre 2017 (suite)

Aye. Betty a peut-être fait l'impasse sur certaines traditions grotesques, mais celle du lancer de bouquet est malheureusement au planning. Et devinez qui y est forcée...

Exaspérée, je souffle bruyamment m'attirant les regards mauvais des meilleures copines de ma tante. Celles-ci sont beaucoup trop excitées à l'idée de rattraper le bouquet qui décrétera si elles se marieront avec l'élu de leur cœur. Foutaise ! Comme si des fleurs pouvaient déterminer votre avenir...

Au sein du groupe de femmes, je fais tâche en tirant une tête de dix pieds de long, ce dont se moque effrontément Ainsley. Derrière son poing, il se bidonne à en avoir les larmes aux yeux. Pareillement, ma mère se gausse depuis sa chaise tandis que je fulmine sur place. Laissez-moi regagner le buffet ! Je m'en fous de le rattraper ce bouquet de malheur.

D'une voix forte et enjouée, ma tante entame le décompte jusqu'au lancer, ce qui a le don d'attiser l'excitation des femmes qui m'entourent. Elles caquettent à ne plus s'entendre et paraissent sur le point de bondir dans les airs. Sont-elles désespérées à ce point ?

— Trois...

Opprimée par leur corps qui se rapproche à l'unisson et qui n'a qu'une hâte : rattraper la balle au vol dans l'unique but de se passer la corde au cou, je décrète que je ne peux plus endurer ce calvaire et que de dos, la mariée est incapable d'apercevoir ma fuite. Doucement, je me faufile entre les robes colorées et surprends encore des œillades énervées posées sur ma personne. Bon dieu ! C'est qu'elles le veulent !

— Deux...

Toutefois, au moment où j'aperçois par chance la lumière au bout du tunnel, j'ai le temps de lever les yeux et d'entrevoir les roses volées au-dessus des têtes qui me devancent et foncer droit sur moi. Cette vision est rapidement coupée lorsque je sens un coup me projeter violemment sur le côté. Bouchon (=  Au rugby, ce terme désigne le plaquage au sol sur un adversaire.) réalisé dans les règles ! La joueuse plaquée au sol déclare forfait !

Sonnée par ma chute, il me faut quelques secondes pour comprendre que la femme, qui me regarde interloquée et qui tient dans une poigne ferme le bouquet de la mariée, est la même force extraordinaire qui m'a propulsée. Depuis quel étrange décret le mariage est-il devenu un terrain de sport de contact ?!

Dire que je n'étais déjà pas très stable sur mes talons aiguilles est véridique, mais de là à atterrir le visage le premier dans les hautes herbes... dépasse de loin mes espérances ! Le regard toujours rivé sur mon agresseuse, je la foudroie alors que celle-ci beaucoup trop heureuse d'avoir récolté le fruit de ses efforts ne démord pas de son sourire qu'elle accompagne d'un air faiblement désolé.

— Winsley ! Ça va ? m'interroge une voix amusée.

Difficilement, je me redresse sur mes sandales avec l'aide de mains salvatrices dont le propriétaire s'empêche d'éclater de rires. Néanmoins, sa moustache réhaussée trahit son rictus. Bien sûr que oui ! Mais me permettrais-tu de renvoyer la pareille à l'Anglaise et de lui piquer les roses qui, soudainement, retiennent tout mon intérêt ?!

Ses doigts écartent tendrement les mèches brunes qui, dans le chaos, se sont décoiffées pour se placer dans mon champ de vision avant d'effleurer ma pommette douloureuse qui a amorti ma culbute. Je grimace sous la caresse. Les battements cardiaques doublés d'une chaleur désagréable qui me martèlent la joue me révèlent que ma cascade digne d'un film d'action ne sera pas sans conséquences !

À nous deux, nous devons arborer la face triomphante de valeureux vainqueur ! Son œil au beurre noir, offert par les soins attentionnés de Marc, qui n'a pas encore eu le temps de disparaître est encore perceptible. Aux yeux de beaucoup ou plutôt de nombreuses, il passe pour le beau brun ténébreux dont les hématomes traduisent un côté très mystérieux et mauvais garçon qui fait fantasmer. Cependant, mesdames... il est chasse gardée !

Victoria Falls (T2 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant