Sacrifice

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Notes : Merci pour vos lectures et vos partages du premier chapitre de cette histoire ! Je vous laisse en compagnie du second... Au programme, du patinage (incroyable, je sais), les mystérieux amis de Beka, et un peu de backstory ;-)

Note² : Je me suis rendu compte que les séparations entre les scènes avaient sauté dans le premier chapitre, j'ai modifié ça. Mes excuses pour la gêne de lecture que ça a entraîné !


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La patinoire où ils s'entraînent à Almaty n'a rien à voir avec celle que Yuri fréquente à Saint-Pétersbourg. La piste est flanquée de quatre murs de béton constellés de vieilles publicités ternies, et, plutôt que d'être baignée de lumière naturelle, elle est marquée par les ombres dramatiques projetées par des spots jaunâtres.

Le silence est disgracié par l'écho de sauts avortés trop tôt. En l'absence de bruit, ils détonnent bruyamment et éclatent, encore, encore et encore. Yuri a l'impression que c'est le son du battement erratique de son cœur, comme si l'organe vital tentait de s'échapper de son torse dans une explosion sanguinolente, et de lui sauter à la tronche pour lui rappeler son échec.

L'échec, c'est un mot qu'il a rayé de son vocabulaire dès la fin de son enfance, lorsqu'il a tout plaqué pour venir s'entraîner sous le joug inflexible de Yakov. Et pourtant... Il merde, putain, Plisetsky, tu merdes.

Par réflexe, le regard de Yuri cherche le paysage réconfortant des rues saint-pétersbourgeoises, puis se pose sur les petites LEDs en panne sur l'horloge analogique au mur. Il sait qu'il a besoin d'une pause, parce qu'il entend la voix de son vieux fou de coach résonner dans son esprit.

Dans son calme olympien, Otabek répète son programme libre, et Yuri s'accorde quelques minutes de répit pour l'observer. Adossé à la rambarde, sa gourde en main, Yuri se laisse porter par le bruissement régulier de lames se rapprochant et s'éloignant de lui.

Son meilleur ami ne lui ressemble en rien lorsqu'il patine. Si Yuri se rapproche de l'animal sauvage se nourrissant de hargne, Otabek possède la force tranquille d'un prédateur. Son corps ne se plie pas jusqu'à manquer de se briser, mais ses gestes sont d'une justesse qui tient de la dissection. Chacun de ses muscles est tendu, prêt à se rompre dans l'effort. C'est leur puissance qui porte Otabek, plutôt que la légèreté. Face à lui, Yuri se sent comme un chaton aux articulations élastiques, pas comme un tigre.

Il y a néanmoins une chose qu'ils ont en commun : même si ce n'est qu'un entraînement, ils patinent comme si c'était une compétition, et ne laissent aucune erreur passer.

Quand le rythme adopté par Otabek se calme brièvement, Yuri le hèle :

- Du coup, c'est quoi la musique de ton programme ?

Solennel, Otabek annonce :

- Le Sacre du Printemps.

- Stravinsky ?

Classique, mais indémodable. Otabek hoche la tête et reprend sa position initiale.

Le choix ne surprend pas vraiment Yuri - la férocité du morceau lui correspond bien. Yuri n'a pas besoin de se remémorer la musique pour se laisser porter par la cadence d'Otabek, marquée par les à-coups striant la glace. Comme dans le ballet original, chaque mouvement est imprévisible, brutal, et acharné. Les séquences de pas sont piétinées, les sauts sont frénétiques.

Ils en ont discuté l'autre jour, alors Yuri sait qu'Otabek essaye de placer un autre quadruple dans ce programme. Il n'a aucun doute sur le fait que son ami va y parvenir, et que ça n'arrange en rien ses problèmes, mais il ne parvient pas à détourner les yeux pour autant. La façon dont Otabek patine est hypnotisante, Yuri sent son pouls s'agiter un peu plus à chaque minute qui passe. Ce n'est pas seulement l'angoisse de ne pas être à la hauteur de son ami. C'est un sentiment qui rampe désagréablement sous sa peau dès qu'il le regarde un peu trop longtemps, et qu'il aimerait pouvoir gratter jusqu'à s'en débarrasser.

Buzzcut Season - Yuri on Ice (1/2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant