Carte Postale

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— C'est... Quoi ces trucs ?

L'entrée de la ville côtière de Balkhash est marquée par deux larges sculptures en forme de poisson. Leurs bouches sont entrouvertes et leurs gros yeux globuleux semblent suivre le passage de l'Audi. Selon Yuri, elles sont toutes aussi laides et incroyables que le poulpe de bronze face à YuuTopia à Hasetsu, alors elles méritent une place sur sa page Instagram. Il baisse la vitre, arrive à prendre un cliché passable malgré le mouvement de la voiture. Quelques mètres plus loin, c'est un monument représentant un avion qui attire son attention. Sympa. Ça laisse supposer que la ville n'est connue que pour deux choses : sa plage et son aéroport.

— C'est autre chose que Saint-Pétersbourg, hein ? le taquine Otabek.

Ses soupçons sont vite confirmés lorsqu'ils traversent Balkhash. Comme toutes les villes ayant connu leur gloire durant la période de l'union soviétique, elle peine à garder la tête hors de l'eau suite à l'indépendance du Kazakhstan. Yuri note la présence d'écoles, des facultés et de nouvelles zones résidentielles, mais dans les quartiers les plus vieux, le revêtement des immeubles se décolle en gros morceaux et la rouille dévore les balcons métalliques. C'est dans l'une de ces rues qu'ils stationnent l'Audi, en dessous d'un arbre assoiffé par la chaleur dont les maigres branches s'étendent péniblement vers le ciel.

Otabek coupe le moteur, néanmoins, il ne descend pas directement. Il triture ses lunettes de soleil, jetant plusieurs coups d'œil dans le rétroviseur. C'est rare qu'il soit inquiet à propos de son apparence. Ses cheveux sont emmêlés par le vent, sa peau maculée de sueur, ses lèvres un peu sèches, mais ça n'empêche pas Yuri de vouloir l'embrasser. Il ne sait pas pourquoi son partenaire s'inquiète autant.

— Relax, Altin. Ta tante ne va pas te manger.

— Je ne l'ai pas vue depuis longtemps...

— Tant que ça ?

— Depuis l'enterrement de Papa.

Finalement, Otabek relève ses lunettes sur le haut de son crâne pour tenter de garder ses légères boucles en place. Il n'a toujours pas l'air satisfait. Yuri plante la pointe de son doigt entre ses sourcils froncés.

Gonflant ses joues dans une moue boudeuse, Yuri affirme :

— Elle t'adore toujours, idiot.

— Mh.

— Il faudrait être crétin pour que ce ne soit pas le cas ! insiste-t-il.

Un haussement d'épaules répond à son compliment, mais il peut distinguer le sourire naissant au coin des lèvres de son petit-ami. Yuri serre son genou en un geste rassurant, presse un baiser bruyant sur sa joue, puis s'extirpe de l'habitacle d'un geste décidé. Ils ne peuvent pas être deux à se laisser avoir par leurs nerfs.

Les couleurs ocres des immeubles sont pâles face à l'intensité du soleil, Yuri doit plisser les yeux pour en distinguer les détails. La peinture se détache en de gros morceaux, comme une orange qu'on aurait commencé à peler, mais qui serait déjà pourrie à l'intérieur. Rien à voir avec l'espèce de manoir que le père d'Otabek a légué à sa femme.

En écho à la portière de la voiture, la porte de l'immeuble s'ouvre avec fracas, et une femme d'un peu plus de quarante ans s'approche d'eux d'un pas énergétique. Son visage joufflu est plus proche de celui d'un enfant que d'un adulte, deux fossettes encadrent son sourire bienveillant. Ses vêtements sont secoués par la légère brise du bord du lac, ils attirent l'œil de leurs multiples motifs superposés et leurs couleurs bariolées. La tante d'Otabek ne semble pas négligée pour autant. Elle est à peine plus petite que son neveu, ils peuvent se regarder droit dans les yeux sans aucun mal, et lorsqu'elle se plante devant lui, ils s'observent quelques secondes sans savoir quoi dire.

Buzzcut Season - Yuri on Ice (1/2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant