❧ Chapitre 28 ❧

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« Le passé nous fournit des regrets, le présent des chagrins, et l'avenir des craintes. »

- Marquise de Lambert


Marie-Anne rassemble les cendres de mon double dans le drap sur lequel elle a disparue. Nous sommes nés cendres et nous retournerons à l'état de cendres, l'adage me saisit à cet instant. J'attends avec peur la douleur qui va venir en tentant de me rappeler toute la souffrance que j'ai ressentie précédemment bien que je tente de l'alléger. Tu as déjà vécu ça une première fois Elie, la deuxième ne pourra pas te faire plus mal, essayé-je de me convaincre. Quand la porte s'ouvre à la volée sur Aydan et Henry juste derrière lui, leurs yeux trouvent d'eux-même le lit vide avant de se poser sur moi trônant mollement au milieu de la pièce. Mes prunelles s'attachent à celles du brun et puis la douleur arrive... Ses paupières s'écarquillent lorsque ma tête se jète en arrière sous le coup invisible qui percute mon nez. Je n'ai que le temps de le voir se précipiter vers moi tandis que je m'effondre sur le sol dur de la chambre, mon corps tordu par le déferlement de coups.

C'est comme si tout mon monde s'était évanoui : je n'entends plus rien, je ne distingue plus rien, je ne ressens que des blessures qui atteignent mon corps toutes en même temps.... Je retire ce que j'ai dit : le supplice est pire encore. Lorsque j'ai l'impression qu'un corps entier s'appui sur mes poumons, je ne peux pas empêcher mon corps de se cambrer en inspirant fort, la bouche grande ouverte. Mon visage...je ne le sens plus que par vagues d'élancements. Des cris inhumains émergent de mes poumons comprimés. Ma peau est en feu, mes muscles sont comme enfoncés, meurtris, mes os se brisent... À travers mes larmes, une ombre se dresse au-dessus de moi :

— Elie, restes avec moi...Restes avec moi...

Un picotement léger parcourt ma joue. Je n'ai plus la force de bouger, je suis comme paralysée, mon regard est vide alors que mon visage se tuméfie. De l'eau fraiche coule sur mes joues brûlantes, je prie silencieusement pour que mon supplice cesse. Un filet de voix m'échappe mais reste inintelligible. Je suis soulevée de terre par deux bras avant de sentir un matériau mou sous moi.

— Il doit forcément y avoir un moyen ! crie une voix lointaine recouverte par le sifflement de ma respiration.

Le visage tourné vers la scène, je vois une fine silhouette s'affairer et une autre, plus plantureuse, s'approcher d'une troisième vêtue d'une chemise blanche. Quelque chose effleure ma main encore valide et s'y insère doucement. Je crois que je vais m'évanouir...

— Elie, ne t'endors pas, me supplie une voix familière, celle d'Aydan, alors que son visage d'ange se cale dans mon champ de vision. Faites quelque chose Monique, s'il-vous-plait, implore-t-il en se retournant vers la sorcière derrière lui.

Ma vision s'améliore quelque peu, je distingue plus nettement ce qui m'entoure en chassant mes larmes. Henry tient ma main, agenouillé près du lit et Aydan me parle, son visage proche du mien. Ses lèvres bougent rapidement tandis que ses yeux me font comprendre le sens de ce qu'il dit mais que je n'entend pas, assourdie par ma douleur et mon souffle saccadé. Je sais qu'il est -qu'ils sont tous là- pour moi.

— Je vais mourir... murmuré-je.

— Non Elie tu ne vas pas mourir, entends-je enfin le Passeur objecter en agitant la tête, fermement convaincu.

— Si, articulé-je malgré ma voix brisée.

Je hoche la tête doucement et ses yeux s'embuent instantanément. Des larmes menacent de quitter ses yeux alors que son visage se fronce. Il tente de rester fort, je le vois. Mais c'est peine perdue, il le sait. Ses mains enserrent mon visage de sorte qu'il est la seule chose que je vois. Soudain, un sursaut fait jaillir du sang d'entre mes lèvres, qui s'écoule lentement sur mes joues. Lui et Henry m'installe sur le côté tandis que Monique place un linge pour recueillir les gouttes vermeilles. Mon corps me fait souffrir, aussi je ne peux pas bouger de moi-même. Il ne me reste plus que ma voix et mes yeux. Je n'ai pas eu l'occasion de dire au revoir à mes proches la dernière fois, mais, j'ai cette chance aujourd'hui...

Contre le temps : 20'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant