Chapitre 7

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Ils étaient cuits. Ils avaient signé leur arrêt de mort en étant aussi en retard. Jackie leur ferait vivre les pires horreurs en contrepartie de l'angoisse qu'elle avait vécu en attendant leur retour. Ben fonça vers Dolores et lui saisissa le bras vigoureusement. Elle lâcha un cri de surprise qui fit se retourner Kenza et Nina.

-On doit y aller, ta mère va nous tuer.
-Tu m'as fait mal Ben.
-Vite!

Il fit un signe de main à tout le monde et traîna Dolores à l'extérieur. Elle se dégagea de son emprise.

-Donne moi les clés.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, lui montrant qu'elle était déterminée.

-Je te demande pardon?
-Tu as bien compris. Tu a bu, il est hors de question que tu conduise.
-Je n'ai bu que deux bières. Je tiens bien l'alcool, ce n'est pas ça qui...
-Les clés.

Elle tendit la main, signe que la discussion était close. Il soupira, mécontent de recevoir un ordre aussi stupide venant d'elle. Il sortit de sa poche ses clés et les posa dans sa main. Les doigts de la jeune fille se fermèrent sur les siens. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce contact physique leur procura à tous deux un tourbillon de sensations, accélérant leurs rythmes cardiaques et libérant en eux un torrent de frissons. Elle se recula la première, baissant les yeux.

-Allons-y Dolores.

Elle releva la tête et la hocha. Ils montèrent en voiture rapidement, déjà bien en retard. Elle mit le contact sous le regard de Ben. Il comprit facilement qu'elle n'avait pas l'habitude de conduire, il douta même qu'elle savait conduire. Elle s'engagea sur la route. L'attention qu'elle mettait dans sa conduite la rendait captivante, son corps légèrement penchait en avant, ses doigts crispés sur le volant, ses yeux plissés.

-Tu sais que tu peux rouler plus vite?
-Je préfère arriver en retard et en vie que ne pas rentrer tout court.
-On a deux heures de retard. Ta mère est rentrée depuis bien longtemps.

Elle se tourna vers lui, paniquée.

-Qu'est-ce que l'on va lui dire?
-La route Dolores!

Il l'obligea à fixer devant elle. Il n'était pas sûr de rentrer en vie avec elle non plus.

-Elle va nous demander où on était. On ne peut pas lui dire la vérité, je sais que tu n'as pas le droit de faire ce qu'on a fait aujourd'hui.
-Comment le sais-tu?
-J'ai... écouté une conversation. Entre Lili et ma mère. Je ne sais pas pourquoi tu n'as pas le droit de voir ces personnes, mais c'était mal.
-Mes amis ne sont pas des gens fréquentables.
-On peut mentir...
-Tu veux mentir à ta mère pour moi?

Arrêtée au feu rouge, elle put se tourner vers lui.

-Je ne suis pas sans coeur. Et puis je me suis plutôt bien amusée.
-On avisera sur place.
-Tu n'aura cas dire que c'est de ma faute, je prendrais toutes les responsabilités.

Il regarda le tableau de bord pour savoir à combien elle roulait. Trente kilomètres par heures...

-Pour qu'on puisse mettre en place un scénario, il faudrait peut-être déjà qu'on arrive chez toi.
-Je fais comme je peux! La pédale est dure et je suis trop petite.
-Dis plutôt que tu n'as pas ton permis.
-Je l'ai!
-Laisse-moi faire.

Il se détacha et se pencha pour atteindre les pédales. Il appuya sur celle de l'accélérateur, sentant aussitôt la différence.

-Qu'est-ce que tu fais? paniqua Dolores.
-Je nous aide à rentrer plus vite. Guide moi pour que je sache quand accélérer.

Dolores ne sut quoi répondre tant elle était embarrassée. Il était là, penché sur elle, le corps collé à ses jambes. Elle n'avait pas besoin de se regarder dans le rétroviseur pour savoir qu'elle était rouge écarlate.
Une quinzaine de minutes plus tard, la voiture se gara à côté de celle de Jackie. Dolores soupira, heureuse que tout soit finit. Ben se redressa sans manquer de frôler ses jambes avec son bras, ce qui la fit frissonner. Son visage était tout proche de celui de la jeune fille. Ils échangèrent un long regard qui les coupa de tout ce qui les entourait. Mais cet instant fut stoppé par un violent coup porté sur le capot de la voiture. Jackie les regardait, des revolvers à la place des yeux, le poing fermé sur le capot.

-Rentrez immédiatement!

Elle tourna les talons et ils la suivirent avec une rapidité déconcertante. D'un pied ferme elle les attendait au salon, en compagnie de Lili. Ben déposa un regard en biais à Dolores qui marchait tête baissée. Pourquoi semblait-elle s'en vouloir alors que c'était lui le responsable et qu'il allait lui seul en payer les pots cassés?

-Où étiez-vous? Je me suis fait un sang d'encre! s'emporta Jackie. Partir sans me prévenir! Qu'aviez-vous dans la tête? Dolores regarde moi! Pourquoi vous ne m'avez pas laissé un mot? Un seul!

Ben culpabilisait que la jeune fille se fasse réprimander à sa place. Il était le seul responsable.

-Et toi Ben, intervint Lili, qu'avais-tu en tête? Tu sais pourquoi tu es ici aujourd'hui, tu sais quel comportement tu dois avoir après les erreurs que tu as commis et tu...
-Ce n'est pas lui, la coupa Dolores.

Il tourna brusquement la tête vers elle, touché et surpris qu'elle prenne sa défense. Pourquoi faisait-elle cela?

-Ma chérie...
-Je voulais aller à la bibliothèque, je voulais me documenter sur une planète et je lui ai demandé de m'y emmener. Je suis désolée, j'aurais du te laisser un message, mais j'étais si impatiente que je n'ai rien pris en partant.
-Ben? Est-ce que c'est vrai?

Dolores le suppliait du regard de suivre sa version, il devait lui faire confiance, elle savait comment prendre par les sentiments sa mère, et elle était certaine que lui s'en sortirait blanc comme neige. Pour une fois, il devait accepter qu'elle prenne les commandes.

-Oui, souffla-t-il. Nous n'avons pas vu le temps passer.

Jackie et Lili expirèrent en même temps. Elles devaient faire confiance à Ben. Dolores pouvait le canaliser.

-Bien. Vous serez privés de portable pendant une semaine. Mais c'est bien parce que vous étiez à la bibliothèque.
-On ne recommencera plus Jackie, je vous le promets.
-Montez maintenant.

Les deux adolescents s'empressèrent de regagner l'étage. Si elle avait su comment finirait cette journée, jamais elle n'aurait accepté la proposition de Ben. Elle ouvrit la porte de sa chambre prête à y entrer, mais elle fut retenue en arrière. D'un geste brusque elle se dégagea de la prise du jeune homme.

-Dolores...

Rapidement elle se retourna pour lui faire face.

-Ce n'est pas parce que je t'ai couvert que j'ai accepté ton comportement cet après-midi. Si ma mère se rend compte que tu as bu, je ne donne pas cher de ta peau.
-Pourquoi mon comportement ne t'a pas plu?
-Parce que tu semblait dans ton élément parmi ses malfrats, et ça me tue de te voir boire et fumer comme ça!
-Ça ne regarde que moi.
-Pas quand tu m'oblige à être témoin de cette mascarade.
-Tu m'as dit que tu t'étais amusée.
-Oui, avec Kenza et Nina. Je ne les connaissais pas et pourtant j'étais même heureuse de savoir qu'elles étaient ensemble.
-C'est quoi le problème alors?
-Le problème c'est que tu as passé ton après-midi à boire avec tes amis qui ne faisaient que lancer des blagues salaces.
-Ce qui te dérange vraiment c'est la façon dont ils te regardaient.
-Oh oui! Ça m'a dérangeait d'être reluquée durant des heures. Tu diras à tes amis que la prochaine fois ils...
-La prochaine fois? Tu veux donc y retourner, souria Ben.

Elle grogna, hors d'elle. Pour se calmer, Dolores le laissa seul dans le couloir, prenant bien soin de fermer la porte de sa chambre à double tour cette fois-ci. Il avait eu un comportement inqualifiable, car oui, rien ne lui avait échappée, et il jouait encore sur chaque mot qu'elle prononçait, alors qu'en plus elle lui avait servi de couverture! Quel imbécile! Quel arrogant!

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