Chapitre 14

87 7 0
                                    

Le serveur que Ben avait interpellé lorsqu'ils étaient entrés dans le café arriva, un plateau en main. Il déposa devant Dolores un thé chaud et un muffin, et devant Ben un café corsé. Il les salua et répartit. Frigorifiée par la pluie qui l'avait trempée, Dolores posa ses mains sur le contour de sa tasse fumante afin de les réchauffer. Ce petit geste pourtant si anodin fit sourire Ben. Elle semblait si naïve et innocente qu'il avait peur de la briser, de briser son coeur qu'elle protégeait tant. Il gardait toujours en tête qu'elle cachait quelque chose, et qu'il finirait bien par tout découvrir. En attendant, il avait autre chose en tête. Lentement, la jeune fille releva les yeux vers lui, sentant son regard appuyé. Ils se regardèrent dans le blanc des yeux quelques instants, comme si rien n'existait autour. Ben brisa finalement ce moment de plénitude en se raclant la gorge.

-Je pense que nous pouvons avoir une discussion ici sans être dérangés, commença-t-il.
-Sur... ce que tu m'as dit tout à l'heure?
-Oui. Tu ne pense pas?
-Je trouve l'endroit peu... comment dire... intime.
-Il n'y a personne ici mise à part nous deux.
-C'est vrai mais...
-Tu as peur.
-Un peu, souffla Dolores.
-Cette discussion est justement ce qu'il faut. J'ai besoin de savoir d'abord ce qui se passe dans ta petite tête. Pour toi, qu'est-ce que la domination?

La jeune fille ouvrit de grands yeux, surprise de tant de faculté à évoquer ce sujet si tabou dans un lieu public. Lui, souriait en coin, comme s'il se délectait de cet instant.

-Eh bien... tu veux vraiment que je te le dise?
-Oui. Je veux que tu me dise tout ce que tu pense savoir sur le sujet.

Comme pour appuyer ses propos, Ben se pencha en avant, sans la lâcher du regard.

-Pour moi, c'est un homme qui oblige une femme à faire tout ce qu'il veut, qu'importe sa fierté et la bienséance.
-Et?
-Il a des pratiques sexuelles... je peux dire ça?
-Oui, ricana Ben.
-Eh bien ses pratiques sont violentes et dégradantes pour la femme. C'est tout ce que je sais.
-Mais qui t'a donc apprit toutes ces conneries?
-C'est ce que j'entendais au collège et au lycée parfois. Des amies regardaient des films pornographiques et...
-C'est bien la dernière chose qu'il faut regarder pour comprendre la domination.
-Alors apprends moi la vérité.

Il se recula lentement dans sa chaise, la surplombant de son regard féroce. Lui faire un cours sur la domination l'excitaté plus qu'il ne l'aurait cru. Dans le passé, il avait déjà expliqué comment tout ceci marchait, mais cela l'avait plus qu'ennuyé. Avec Dolores, tout était différent.

-Je vais être très synthétique, tu m'excuseras. D'abord, avant tout, il faut que tu sache ce que c'est que le BDSM.
-Le BD quoi?
-Je vais tout t'expliquer ma belle, et ce sera la seule fois où tu aura le droit de me couper la parole si tu ne comprends pas une chose, c'est clair? Tu n'hésite pas.
-Oui, oui.
-Ça signifie bondage discipline ou domination sado-masochisme.
-Et concrètement?
-Ce sont des relations sexuelles encadrées par un contrat qui officialise la relation de pouvoir. Le bondage seul est une pratique qui consiste à attacher son partenaire sexuel.
-Je crois... comprendre. Il y a des règles à respecter.
-Exactement.
-Et le sado machin chose?
-Le sado-masochisme? souria-t-il. Il y a deux niveaux, le hard ou le soft. C'est très schématique.
-Quelle est la différence?
-Hard équivaut à des douleurs physiques, comme fouetter. Soft à des douleurs plus psychologiques, comme des insultes.
-Physiques?
-Oui.
-Et c'est censé faire quoi?
-Procurer du plaisir aux deux personnes.
-Comment peut-on aimer se faire frapper?
-On ne frappe pas. Ce sont des punitions.
-Et c'est ce que tu pratique?
-Je vagabonde entre le dominant et le maître.
-Qu'est-ce que... je ne comprend pas!

Il lui souria. Lui non plus n'avait pas comprit au début, puis il avait finit par devenir même adepte à ce genre de choses.

-Il ne faut pas confondre dominant et soumise avec maître et esclave.
-Ça semble si dégradant...
-Ça ne l'est pas. Jamais la soumise, ou l'esclave, fera une chose qu'elle ne veut pas faire.
-Et qu'elle est la différence entre les deux?
-Le dominant domine seulement la soumise lors des relations sexuelles, il y a un mot de secours et jamais il ne poussera la soumise plus loin que les limites qu'elle impose.
-Et le maître?
-Il contrôle la vie entière de l'esclave, avec des limites qu'elle lui impose aussi et l'esclave a un collier d'appartenance. Le dominant a un pouvoir total sur elle et leurs relations sexuelles. Et ses pulsions sont incontrôlables.
-Dans tous les cas la femme subit.
-Absolument pas.
-Bien sûr que si. Elle est sous le joug du dominant ou du maître.
-Parce qu'elle en ressent du plaisir et de l'envie. La règle d'or est le respect. Jamais un maître ou un dominant n'obligera sa partenaire à faire ce qu'elle ne veut pas.

Elle ne répondit rien. Tout ce qu'elle venait d'apprendre la remplissait d'adrénaline et pourtant elle était réticente. Ce monde du BDSM lui semblait obscure mais Ben le vendait comme un univers paradisiaque où seul le plaisir était le maître mot. Lentement, elle se redressa sur sa chaise, fixant son regard dans les yeux de celui qui était actuellement son professeur.

-Et toi dans tout ça? Où es-tu?
-Je suis un dominant avec quelques penchants de maître.
-Explique moi.
-Eh bien je contrôle mes relations et il y a toujours un mot de secours. Je n'oblige jamais ma partenaire à quoi que ce soit. Et surtout, j'arrive dans la majeure partie du temps à contrôler mes pulsions. Je te l'ai dit, je suis un dominant sur ce point de vu ci.
-Mais?
-Mais je contrôle aussi sa vie, je fais en sorte qu'elle sache, et que l'on sache, qu'elle m'appartient avec un objet plus discret que le collier original.
-Comme?
-Je ne sais pas... pour la dernière il s'agissait d'un bracelet de cheville. C'est elle qui avait choisi.
-Est-ce-que tu fréquente tes anciennes soumises? C'est bien comme ça que tu les appelle?
-Oui, ce sont des soumises. Et ensuite non, je ne les fréquente plus.

Dolores hocha la tête. Les idées faisaient leur cheminement dans son esprit, et il lui fallait un temps de réflexion avant de continuer cette conversation. Elle était perdue, et en plus de cela, une migraine carabinée avait fait irruption. Elle n'arrivait ni à savoir si c'était bien, ni à comprendre où cela les menait. Comment un simple baiser pouvait-il amener à tant de choses? Et pourquoi fallait-il que ce garçon soit si compliqué?

-Et moi dans tout ça? demanda-t-elle de but en blanc.
-Je te l'ai dit. Je te désire, je te veux.
-Tu veux que je sois ta soumise?
-Oui.
-Et ça impliquerait tout ça?
-Évidemment. Je te prends comme tu es et tu me prends comme je suis.
-Je ne sais pas... je pensais tout à l'heure que ce ne serait que des baisers ou une relation platonique d'adolescents.
-J'ai dépassé ce stade depuis mes quinze ans.
-Quinze!? Mon dieu!

Ben souria. La naïveté de la jeune fille dans ce domaine l'excitait ou l'attendrissait à la fois.

-Tu sais quoi, je vais te laisser du temps pour réfléchir. Je me doute que ce doit être éprouvant, surtout pour toi. Je serais là pour répondre à la moindre question.
-Oui, s'il te plaît. J'ai besoin d'y réfléchir à tête reposée.
-Ne t'en fais pas.
-Et si ma réponse est positive?
-Alors on parlera des règles.
-Y aura-t-il un contrat à signer? ricana Dolores.
-Pas avec moi. J'ai eu l'erreur de le faire une fois, et ça s'est retournée contre moi, répondit Ben, sérieux.
-Alors on se base sur la confiance. C'est-à-dire que ce que je te dis n'est pas inscrit et que je te fais confiance pour ne rien déformer.
-Tu peux le voir comme ça.
-J'y réfléchirai alors.

Et Ben n'en doutait pas une seule seconde. D'ailleurs, il était certain qu'elle y réfléchissait déjà. Qui ne serait pas entièrement perturbé et perdu face à de telles révélations et une telle demande? Ce n'était pas rien pour lui non plus. Il lui faisait confiance et il s'offrait à elle, sans retenue, sans peur, sans appréhension. Au fond de lui-même, Ben était persuadé de ne pas se tromper. Il avait confiance.

Jeux interdisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant