Chapitre 13

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Le lendemain matin, aux alentours de neuf heures, le quartier résidentiel dormait encore. La semaine avait été longue pour tous. Mais Dolores et Ben n'avaient pas le droit au repos. Jackie les avait bien prévenu qu'ils devaient aller courir tous les dimanches, malgré une semaine difficile et une météo instable. Dolores attendait dans l'entrée Ben qui finissait de se préparer. Sa mère n'avait donné aucun signe de vie depuis la veille au soir, quand elle était sortie avec des "amis". Dolores ne savait pas qui étaient ces personnes, ni si sa mère était rentrée, mais tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle perdait du temps de sommeil avec ce stupide footing matinal!
Ben arriva enfin, en tenue de sport, capuche sur le crâne, masquant une partie de son visage. Lui non plus n'était pas d'humeur. Sans un échange, ils quittèrent la maison. C'est ainsi qu'ils allèrent jusqu'au mur en briques et qu'ils s'échaufférent, sans bruits, sans paroles, sans murmures. Cette fois-ci, ce n'était pas de la colère que Ben voulait évacuer, mais une tension plus intime encore, mais tout de même moins honteuse pour lui. Il était sexuellement frustré depuis quelques jours. En fait, depuis qu'il avait avidement massé Dolores. Toucher sa peau, voir l'effet qu'il avait sur elle, lui susurrer à l'oreille, tout ça avait réveillé la bête sauvage qui s'était endormie, ces derniers temps, en lui. Il la voulait, et cette pulsion ne pouvait être assouvie. Elle le rendait fou, complètement. Chaque mouvement ou mot qu'elle prononçait éveillés en lui un appétit féroce de la faire sienne. Et ce qu'il le mettait hors de lui c'était les autres hommes avec elle. Il ne voulait pas qu'on l'approche. D'ailleurs, il avait eut du mal à se contrôler la veille, quand elle avait parlé avec ce garçon qui la dévorait du regard. Ils commencèrent à courir, fouettaient par le vent qui leur arrivait en pleine face et qui les ralentissait. S'il prenait le même chemin que la fois dernière, ils passeraient devant un petit parc boisé d'ici quelques minutes. Ben ne pouvait se détacher du corps de Dolores. Ses formes gourmandes étaient mises en valeurs dans ce legging moulant, mais ce qui le rendait encore plus fou c'était son visage. Pour ses yeux, mystérieux et intenses, ses pommettes devenues roses par la fraîcheur et l'effort. Ses cheveux caressaient à merveille les contours de son visage. Dolores se sentait observée, ce qui la gênait énormément. Avec Pitt qui la regardait constamment, elle savait ce que c'était que de se sentir épié; mais Ben ne la regardait pour les mêmes raisons que Pitt. Il brillait dans les yeux de ce garçon torturé quelque chose de différent qu'elle ne saurait expliquer ni définir. Ils entrèrent dans le petit parc, croisant quelques joggeurs. Il y avait aussi des enfants qui suppliaient leurs parents de les laisser jouer. Ils passèrent dans un recoin plus calme où personne ne passait. C'est alors que Dolores sentit son corps être emmené sur le côté, et sans y comprendre grand chose, son dos se retrouva plaquer contre quelque chose de solide. Elle fit glisser ses doigts derrière elle, puis comprit qu'il s'agissait d'un arbre, au vu de l'écorce rêche. Finalement, elle leva son regard émeraude vers Ben qui avait une main au-dessus de sa tête et l'autre sur sa hanche. Si proche l'un de l'autre, le coeur de la jeune fille accéléra. Elle s'humecta les lèvres, soudainement déshydratée. Ainsi penché au-dessus d'elle, Ben la tenait en otage. Son sourire en coin montrait bien à quel point il adorait ça. Les oiseaux chantaient, le vent soufflait, les branches grinçaient; mais entre eux, tout était plus chaotique. Une tension inexplicable les entourait. Quelque chose de bien complexe. Étrange mélange d'animosité et de désirs inassouvies. Dolores prit seulement quelques secondes pour se l'avouer à elle-même: elle voulait qu'il l'embrasse. Elle le fixa tandis qu'il se penchait, l'air sérieux. Puis, il posa ses lèvres sur son front en soupirant. Un soupire de frustration, plus précisément. Il ne pouvait pas. Son comportement aurait des répercutions, il le savait. Si Jackie apprenait qu'il désirait ardemment sa fille, elle le renverrait de chez elle un coup de pied aux fesses.

-J'aimerai que tu garde le secret Dolores.

La jeune fille frissonna lorsqu'il baissa la tête pour plonger son regard ténébreux dans le sien. La lueur de désir qui y dansait lui coupa le souffle. Avait-elle ce pouvoir sur lui? La voulait-il vraiment? Que devait elle penser de tout ça? Et comment devait-elle réagir?

-Que-quel secret?
-Sur tout ce que tu sais de moi, de...
-Tu parle de la domination?
-Ne me coupe pas la parole princesse.
-Pardon...
-Je parle de cela, oui. Mais de tout ce qui va venir ensuite. J'apprécie ta mère, elle est touchante, et je ne veux pas faire d'histoire cette fois-ci.
-Qu'est-ce qui pourrait bien faire des histoires?

Il réfléchissa un instant. Comment lui expliquer? Il la vit se mordre la lèvre inférieure, et ce petit geste anodin eut le pouvoir de briser ses dernières limites. Il se rua sur ses lèvres qu'il dévora avec tant de violence et de besoin que Dolores lâcha quelques cris de surprises vite étouffés par la possessivité de Ben. Étrangement, ses mains se balladaient sagement sur le corps de la jeune fille, sans aller là où il souhaitait pourtant la découvrir. Il se détacha lentement d'elle, alors qu'elle s'accrochait encore à ce baiser. Elle osa à peine le regarder.

-Ceci pourrait me coûter cher. Et la suite aussi.
-Si c'est si dangereux pour toi, pourquoi le fais-tu?
-Parce que c'est toi que je veux, que je désire. Tu me rends complètement fou, souria Ben.
-Je ne sais pas si j'en suis capable Ben...
-Je ne te demande rien. J'ai seulement assouvi une pulsion. Seulement, il y en a d'autres et d'autres encore arriveront. Je ne pourrais pas me retenir indéfiniment.
-Je peux accepter cette pulsion. J'accepte que tu m'embrasse quand tu ne peux t'en retenir.
-C'est déjà beaucoup, crois-moi.
-Et... est-ce que moi je peux t'embrasser? demanda Dolores, gênée.
-Non.
-Pour-pourquoi? s'indigna la jeune fille.
-C'est une des choses que je t'expliquerai plus tard. Cette discussion ne peut se finir ici.

Dolores jeta un coup d'oeil autour d'eux. Même s'il commençait à pleuvoir, d'autres coureurs comme eux étaient là, et plus la matinée s'éloignait, plus le parc se remplissait des habitués qui promenaient leurs chiens.

-Je suis d'accord.
-Allez, viens, nous allons nous mettre à l'abri avant de rentrer, sinon nous serons trempés.

Ben lui attrapa le poignet et l'obligea à le suivre. Ils sortirent du parc et traversèrent la rue sous une pluie torrentielle pour entrer dans un petit café. À peine à l'intérieure qu'une délicieuse odeur de café et de viennoiseries leur titilla les narines. Dolores se sentit instinctivement bien, paisible et sereine. Ben salua le serveur, lui indiqua une commande choisie à la volet, puis il amena Dolores s'installer sur une table au fond du café, à l'écart de tout. À l'aide d'une serviette, il lui essuya tendrement le front dégoulinant d'eau de pluie. Elle souria. Elle avait l'impression d'être importante à ses yeux. Il l'avait embrassé et maintenant il s'occupait d'elle, son coeur était gonflé de bonheur. Mais le regard absent et les sourcils froncés de Ben la firent redescendre sur Terre. Elle comprit qu'ils allaient tout mettre au clair d'ici quelques instants à peine.

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