Chapitre 9

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C'est à l'entrée que Dolores rejoignit Ben, qui était seul. Elle le regarda, mal à l'aise. Comment allait-elle survivre à ces heures de tortures?

-Allons-y.

Elle suivit Ben qui ouvrit la porte d'entrée et sortit de la maison. Ils marchèrent jusqu'au trottoir où ils prirent le chemin de droite. Le vent soufflait autour d'eux, et le ciel était terriblement couvert. Il allait sûrement pleuvoir, pensa Dolores, heureuse d'avoir prit son anorak. Dix minutes plus tard, ils arrivaient dans un coin de banlieue reculé et calme, parfait pour un footing matinal.
Dans un recoin, contre un mur de briques, Ben se mit à s'échauffer, sentant une énergie insoutenable le tirailler de l'intérieur. Il voulait courir. Il voulait dissiper cette colère en courant sans relâche. Il se tourna vers Dolores qui regardait le ciel, les mains jointes dans le dos. Elle semblait hypnotisée.

-Tu ne t'échauffe pas?

Elle sursauta puis posa son regard émeraude sur lui. Il en eut le souffle court un instant. Son regard était bien plus que merveilleux, il était captivant. Elle secoua négativement la tête.

-Je ne sais pas le faire.
-Tu ne sais pas?
-Non.
-Mais qu'est-ce que tu fais durant les cours d'éducation sportive au lycée?
-Je ne fais pas grand chose. Je ne suis pas sportive.
-Et le prof ne dit rien?
-Il me comprend.
-Fais comme moi, et ça devrait le faire.
-D'accord.

Chaque mouvement que Ben faisait, elle le reproduisait. Ça semblait finalement simple, et pas trop fatiguant. Une fois étirés et échauffés, les deux adolescents se mirent en route en trottinant. Dolores prenait réellement son mal en patience car à peine cent mètres fait qu'elle voulait déjà laissé tomber. Mais elle pouvait voir Ben courir, voir ses muscles se tendrent et se détendrent. Lui, il aimait courir, sentir le vent le ralentir, sentir ses muscles travailler à chacun de ses pas silencieux. Et il s'amusait à voir du coin de l'oeil la jeune fille bouder comme une collégienne.

-Souris Dolores.
-Je déteste courir.
-C'est bon pour ton corps.
-Mon corps se porte très bien.

Il glissa un regard sur ses formes généreuses et sa taille marquée.

-Tu as raison, il est parfait.

Le visage écarlate, elle accéléra. Un mètre derrière elle, Ben avait tout le désir de détailler son corps pour se le remémorer. Oh oui, elle avait un corps fou! Et ce serait mentir de dire qu'elle le laissait de marbre.

-Pourrais-tu arrêter de me reluquer!? s'énerva la jeune fille en se rendant compte de son stratagème.
-Qui te dit que je te reluque?
-Ton regard de pervers!

Il lui envoya un baiser volant et une oeillade espiègle, qu'elle lui renvoya avec un magnifique doigt d'honneur. Elle en avait marre! Elle ne voulait pas être ici, elle avait mal partout, Ben n'aidait en rien avec son comportement de play-boy. Mais elle se forçait, car ils étaient ici à cause d'elle, parce qu'elle avait été curieuse, parce qu'elle l'avait poussé à bout, parce qu'elle était elle, simplement. Il la rattrapa rapidement et ils continuèrent côte à côte. Et à entendre la respiration de Dolores, Ben se préparait à tout moment à devoir la réanimer.

~

Ils couraient depuis une bonne demi-heure lorsqu'elle s'arrêta brusquement, essoufflée. Ben la rejoignit. Il ne voulait pas être accusé de son meurtre alors que c'était un accident!

-Dolores, ça va?
-J'ai... besoin d'air...
-Redresse toi d'abord. Laisse tes bras tomber le long de ton corps. Voilà.

Dans un geste tendre, il lui caressait le dos, lui indiquant qu'il était là. Elle agrippa son avant-bras qu'elle serra avec force. Elle avait de la poigne la petite!

-Je n'y arrive pas!
-Mais si. Inspire, expire. Ne panique pas, tu ne vas pas mourir. On va s'asseoir un peu, d'accord?

Ils firent une centaine de mètres pour trouver un banc public. Elle semblait aller mieux, ce qui le rassura.

-Merci.
-Je t'en prie.
-Je déteste le sport.

Ben posa son regard sur la boutique de livre face à eux. Pittoresque, comme il aimait toutes choses. Une petite fille en sortit, accompagnée par une femme brune. Elle avait un immense sourire plaqué sur le visage, et elle transpirait l'innocence. La fillette ignorait qu'il y avait des hommes comme lui, violent, incontrôlable, médiocre, et qu'il ne fallait pas les approcher. Dolores avait perdu cette ignorance elle aussi à cause de lui.

-Je suis désolé pour hier. J'ai... je n'ai même pas d'excuse, ricana-t-il amèrement.

Il sentit une petite main froide mais pourtant si réconfortante se poser sur son avant-bras nu.

-C'est de ma faute.
-Non. Ne dis pas ça. C'est moi le problème, c'est de moi dont tu as peur et...
-Arrête de te voir comme un monstre.
-Je te fais peur.
-Oui, hier j'ai eu peur. Mais là, ici et maintenant, je n'ai pas peur.
-Ça ne change rien.

Elle se leva pour se mettre face à lui, l'obligeant à la regarder droit dans les yeux.

-J'ai beaucoup de préjugés sur toi Ben. Mais je pense que tu as bon fond. Ma raison me dit de te fuir parce que tu es dangereux.
-Alors pourquoi ne le fais-tu pas? Pourquoi ne fais-tu pas comme les autres?
-Tu veux dire t'abandonner comme tes parents?
-Comme tout le monde.

Elle joignit ses deux mains frigorifiées sur son coeur, lui souriant chaleureusement.

-Mon coeur me hurle de te faire confiance et de te donner la chance que tu mérite.
-Mais pourquoi? demanda-t-il en se levant d'un bond.
-Tu es quelqu'un de bien. Tu aurais pu me laisser mourir d'asphyxie, tu pourrais partir, faire du mal à ma mère, nous faire du mal, mais tu te bats contre le démon qui est en toi pour y arriver.
-Tu ne sais pas.
-Mais je le comprends.
-Il y a encore une heure tu me détestais.
-J'essaie de voir le bon en toi. Ne me fais pas douter Ben.
-Il n'y a rien de bon.
-Ça suffit! Cette conversation est inutile si tu reste bornée. Je me ridicule pour rien qui plus est. Alors accepte de faire des efforts et en contrepartie j'accepte de t'aider.

Elle lui tendit la main, prête à sceller ce pacte avec lui.

-Tu prends ça comme un jeu.
-J'ai gardé mon âme et mon coeur d'enfant, lui souria-t-elle.

Il prit une profonde inspiration puis finalement il lui serra la main. Il l'a relâcha presque aussitôt, détournant le regard vers le ciel sombre.

-Rentrons maintenant, il commence à pleuvoir.

Ils reprirent leur chemin, Ben soulagé et intrigué par la décision et l'idée loufoque de la jeune fille. Et quant à elle, Dolores était heureuse d'avoir pu enfin voir une partie lumineuse dans les ténèbres qui empêchent Ben d'être réellement celui qu'il est au fond lui-même: un être bon et soucieux des autres.

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