Reykjavik était un peu stressée lorsqu'elle était entrée dans la banque : et si quelqu'un se rendait compte malgré l'équipement qu'elle n'était pas vraiment celle qu'elle prétendait être ? Et si par malchance elle recevait vraiment une balle ? Et si elle se retrouvait à l'écart du groupe avant de se trouver au bon endroit ? Et si Matías ne parvenait pas à lancer la grenade au bon endroit ? Beaucoup de choses auraient pu mal se passer et mener Reykjavík en prison ou en enfer, pourtant, ça n'était rien à côté de ce qui se préparait. Elle n'allait pas se contenter de suivre le mouvement d'une unité en finissant par feindre une blessure à la manière d'un footballeur doué pour le théâtre. Elle allait devoir échanger verbalement avec des gens qui étaient ses ennemis, des gens qu'elle devait convaincre du contraire, il fallait leur faire croire qu'elle était de leur côté tout en œuvrant silencieusement pour les empêcher d'atteindre leur objectif, le tout sans montrer le moindre signe d'hésitation. Elle savait bien mentir, mais la mission qui était la sienne restait infiniment complexe et risquée. Elle allait tirer à balles réelles sur ses amis, suffisamment précisément pour faire un agent des forces spéciales crédible, suffisamment imprécisément pour ne pas blesser les braqueurs. À côté de ça, une longue partie de Loups-Garous passée à convaincre les villageois que vous êtes l'un des leurs alors que vous passez vos nuits à les décimer, c'est du gâteau. Et pourtant, ce plan se nommait bien « Plan Loup-Garou », dérogeant à la règle des noms de villes.
« J'ai baptisé ce plan... le Plan Loup-Garou, avait un jour annoncé le Professeur avec un discret sourire fier.
— Parce que je serai un loup-garou qui se fait passer pour un villageois innocent qui veut buter les loups-garous ? avait répondu Reykjavík en haussant les sourcils alors que ses lèvres s'étiraient en un rictus amusé.
— Exact ! J'ai eu l'idée quand je vous ai vus jouer à ce jeu alors que vous étiez censés vous entraîner. »
Aucun membre du groupe n'avait semblé éprouver de remords à l'entente de cette gentille remontrance, et ils échangèrent tous des rires et des sourires légers.
« J'aime beaucoup, annonça Reykjavík avant de reprendre une gorgée de punch.
— Ouais c'est cool ! avait renchéri Denver. Mais les villageois c'est des faibles, Reykjavík elle sera une putain de grenade qui va faire du dégât ! Ça correspond plus à la carte du chasseur ça, non ?
— Sauf que le chasseur il ne peut tuer qu'en mourant, c'est un bouffon, l'avait contredit Nairobi. Alors que les villageois, tous ensemble, ils tuent une personne par jour ! Du coup ils sont pas faibles, ils sont censés être bien intentionnés et ils travaillent en groupe pour libérer leur village. Et en opération militaire si tu te la joues perso, tu manges la poussière avant d'avoir eu le temps de savoir sur qui tirer.
— Un point pour Nairobi ! s'était exclamé Tokyo en levant haut son verre alors que des hochements de tête confirmaient les dires de Nairobi.
— Hmm... ouais, avait concédé Denver avec un air songeur.
— Et si on est les villageois et eux les loups-garous ? avait proposé Stockholm, assise sur l'accoudoir d'un fauteuil. Dans ce cas, Reykjavík peut être la petite fille.
— Non, avait rétorqué Reykjavík du tac au tac tandis que son visage se fronçait dans une expression préoccupée. C'est trop naze, la petite fille elle peut pas vraiment cafeter, sinon elle se fait tuer la nuit d'après, et si elle ouvre les yeux trop grands c'est pareil, en plus ces enculés de villageois savent pas qu'elle connaît la vérité, et personne la croit. C'est nul comme carte.
— Il faut qu'on crée une nouvelle carte ! »
Le visage de Denver s'était soudainement éclairé, et ses yeux brillaient tellement il était content d'avoir trouvé une solution à leur problème. Chacun l'avait alors regardé avec curiosité, impatient de savoir quelle idée avait ainsi illuminé ses traits.
« On crée la carte du super chasseur ! Il a le droit de tuer une personne par jour, et il fait accuser quelqu'un d'autre à sa place à chaque fois !
— Ouais mais la carte du chasseur à la base c'est un allié des villageois, ça fait bizarre de le changer de camp en plus de lui donner des nouveaux pouvoirs, avait répondu Tokyo en reprenant quelques chips.
— J'vois ce que tu veux dire... Et si c'est un loup-garou qui tue le chasseur et qui lui pique son arme ? avait proposé Denver.
— C'est déjà mieux, mais pourquoi tu fais une fixette sur le chasseur ? lui avait demandé Reykjavík en s'asseyant en tailleur sur un épais coussin posé au sol près de la table basse. Ils sont bien les loups-garous, non ? Ils peuvent bien avoir choisi d'envoyer l'un des leurs espionner les villageois et foutre le bazar dans le bourg du bled.
— Est-ce que... est-ce que cette histoire de carte est vraiment si importante ? les avait interrompus le Professeur d'une voix un peu nerveuse. Je veux dire... on a tous compris le rapport du plan avec son nom : Reykjavík va leur faire croire qu'elle est de leur côté alors qu'elle est avec nous, le tout pour réduire les risques de pertes chez nous. J'ai encore plein de choses à vous expliquer avant qu'on dîne, alors si on pouvait continuer...
— Mais oui c'est important, Professeur ! Comment Reykjavík va faire pour appliquer le plan si elle ne sait pas précisément à quelle carte elle peut s'identifier ? »
Denver avait semblé vraiment sincère et préoccupé par cette question, si bien que le Professeur abandonna en poussant un faible soupir.
« Bon, Professeur, appelle-moi quand la récré sera terminée, avait lâché Palerme en prenant la direction de la sortie avec son verre. Je vais prendre de l'avance sur mes devoirs.
— Pfff, fayot va. Je voterai pas pour toi à l'élection du délégué de classe.
— Reykjavík, bien que cela me peine énormément, je vais renoncer à ta voix. En espérant que cette terrible perte ne ternira pas mon existence tout entière, s'était faussement affligé Palerme, une main sur le cœur, avant de repartir vers la sortie du salon.
— Ma voix et moi, on t'emmerde, et on t'annonce qu'on ne fera plus de punch pour toi. »
Palerme s'était alors arrêté, ce qui avait arraché un ricanement à Reykjavík. Lentement, il s'était retourné pour faire face à la blonde aux yeux gris qui souriait grandement.
« OK, OK. Reykjavík, je m'excuse.
— Parfait !
— Et si Reykjavík avait trois cartes ? avait repris Denver avec enthousiasme. Loup-garou, chasseur et petite fille ?
— Wow, ça commence à faire beaucoup de cartes, j'ai pas intérêt à en faire tomber une par terre...
— Vous savez que ça m'est déjà arrivé un truc comme ça ? avait dit Nairobi en se redressant dans le canapé. Je venais de faire un super speech pour me défendre face aux villageois, et là... boooom ! Un courant d'air, ma carte se retourne et tout le monde voit que je suis un loup-garou. J'vous jure, j'ai eu envie de tuer l'instituteur qui avait ouvert la fenêtre.
— Rah tu m'étonnes ! Mais fallait pas me raconter ça, tu commences à me faire flipper !
— Mais non, t'en fais pas Reyki ! Tous ensemble on va travailler pour que tu ne fasses pas tomber ta ou tes cartes par terre !
— Ouf ! Et je lève mon verre au dieu du vent, pour qu'il ne retourne pas ma ou mes cartes ! »
Alors chacun avait levé son verre, même le professeur.
« Au dieu du vent ! »
Et les éclats de rire et les sourires avaient tinté, comme un joyeux écho des verres remplis.
Ce souvenir ne déconcentra pas Reykjavík, il lui donna juste un peu plus de confiance, et un sourire étira ses lèvres alors qu'elle se détendait quelque peu.
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Une Partie de Loups-garous dans la banque d'Espagne - La Casa de Papel
FanfictionChiara s'apprêtait à entrer dans la Banque d'Espagne avec une unité des forces spéciales. Leur mission ? Déloger les braqueurs qui mettaient à rude épreuve les nerfs de la police de tout le pays. Elle se remémorait les consignes les plus importantes...