12. Danse macabre

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« Allez, on entre ! »

Après ces trois simples mots, le groupe de soldats abrités s'était mis en mouvement, se relevant et se dirigeant vers le sellier rendu accessible par l'explosion. Sagasta le traversa en premier, mais il ne fit qu'un pas dans la cuisine avant que des tirs ne le contraignent à reculer pour se protéger dans l'angle de deux murs. Il se tourna alors vers le reste du commando, et il adressa aux combattants quelques signes pour préparer l'offensive. Une poignée de secondes plus tard, il ouvrit le feu en direction de la position tenue par la personne qui l'avait attaqué lors de sa première tentative, et les militaires purent commencer à avancer.

Reykjavík se trouvant à l'arrière du groupe, elle dut attendre que les premiers soldats qui avaient accédé à la cuisine libèrent les abris les plus proches de l'entrée pour pouvoir s'y faufiler à son tour. Elle entra alors à la suite de Gandía et de Canalejas et se dépêcha d'atteindre le meuble massif de cuisine le plus proche. Avant de s'accroupir, elle eut le temps de voir l'imposante silhouette de Canalejas s'effondrer dans un coin, inanimée, mais ce n'était évidemment pas ce qui le préoccupait ; Reykjavík n'était pas sûre d'elle à cause de la poussière en suspension et de la fumée qui grignotaient les formes et les couleurs, mais elle pensait avoir discerné une seule silhouette de l'autre côté de la barricade au fond de la cuisine. Pourquoi Tokyo était-elle toute seule à se défendre ? Était-ce bien du sang que Reykjavík avait aperçu ? Non, non, elle n'avait pas pu voir si précisément en si peu de temps, son cerveau était seulement en train d'imaginer le pire.

Gandía ouvrit le feu pour permettre aux militaires postés sur la gauche de la cuisine de s'avancer en sécurité, et Reykjavík commença à contourner l'îlot le plus proche de l'entrée, la boule au ventre, mais cette fois Tokyo n'attendit pas pour riposter. Telle une image subliminale, un bras ensanglanté dépassa de la barricade pendant moins d'une seconde, et deux objets métalliques s'élevèrent dans les airs.

« Grenades ! » hurla Gandía.

Il cessa le feu et s'éloigna hâtivement au moment où les engins explosif touchaient le sol entre les deux îlots. Tous les tirs se turent, remplacés par les bruits de pas précipités des membres du commando qui tentaient de se mettre à l'abri. Reykjavík, alors à un mètre seulement de l'une des grenades, recula aussi rapidement que possible, mais la panique – ou un objet qui était tombé là, elle ne sut jamais – la fit trébucher, et elle tomba en arrière. Elle eut alors le réflexe de lâcher son arme et de rouler sur le côté en direction du pan de meuble derrière lequel elle s'était abritée en entrant dans la cuisine. Il ne lui fallut que deux tours sur elle-même pour atteindre ce refuge, et elle fut bientôt allongée face contre terre, visage incliné vers le sol et bras repliés autour de la tête pour se protéger au mieux. C'est alors qu'un cri couvrit les battements de son cœur, un cri de douleur qui résonnait comme dans un tunnel. Un hurlement se superposa à cette plainte : c'était Denver qui appelait Tokyo, quelque part plus loin, en bas, dans les entrailles de la banque.

En entendant tous ces cris, une vague de souvenirs se fracassa dans l'esprit de Reykjavík, une vague de souvenirs heureux, alors même que cette gradation sonore allait s'achever par l'explosion d'une grenade.

 	« Il faut ranger le bazar du repas d'hier soir si on veut pouvoir manger ce midi, avait fait remarquer Nairobi quelques mois plus tôt, en entrant dans ce qui servait de salon au groupe de braqueurs en préparation

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« Il faut ranger le bazar du repas d'hier soir si on veut pouvoir manger ce midi, avait fait remarquer Nairobi quelques mois plus tôt, en entrant dans ce qui servait de salon au groupe de braqueurs en préparation.

— C'est pas moi qui fais ! s'était exclamée Reykjavík aussitôt tout en levant les mains en l'air.

— Pas moi non plus ! avait renchéri Tokyo.

— Hé ! La dernière fois c'est moi qui m'en suis occupée, alors vous rêvez si vous croyez que je vais le faire ! » s'était invectivée Nairobi avant de se laisser tomber dans un fauteuil.

L'argument ayant convaincu les deux femmes réfractaires au rangement de la cuisine, la brune et la blonde avaient échangé un regard.

« On joue ça à Just Dance ? » avait proposé Tokyo dans un léger haussement d'épaules.

Pour toute réponse, Reykjavík lui avait tendu la main avec un air solennel. Tokyo avait alors serré sa main, et Reykjavík avait lâché un « marché conclu » avant de se diriger vers la télévision pour mettre en route tout ce dont elles avaient besoin pour jouer.

Quinze minutes plus tard, les trois femmes réunies dans le salon avaient beaucoup ri, mais Tokyo et Reykjavík n'avaient pas beaucoup avancé : le liste des excuses bidons de type « J'ai trébuché sur le tapis et ça m'a déconcentrée ! » s'était allongée, le nombre de parties aussi, et Tokyo et Reykjavík se retrouvaient ex æquo.

« Bon, une dernière ?

— Pas le choix, on est à trois partout, faut bien se départager ! avait confirmé Reykjavík.

— Je suis bien d'accord ! »

Tokyo avait alors sélectionné She's Got Me Dancing de Tommy Sparks, et cette ultime partie avait débuté. Les deux amies s'étaient énormément appliquées, elles avaient mis toute leur énergie à danser de leur mieux, effectuant chaque pas précisément et en rythme. Elles avaient chanté les paroles tout en dansant, et de temps en temps elles avaient essayé de pousser l'autre gentiment pour la déconcentrer et lui faire rater un mouvement, mais toutes ces tentatives avaient été vaines puisque les scores s'équilibraient à chaque contre-attaque. Lorsque la musique s'était terminée, Tokyo et Reykjavík s'étaient laissées tomber dans le canapé, fatiguées de danser et de rire. Mais lorsque les scores finaux s'étaient finalement affichés, elles avait ri de plus belle, rejointes par Nairobi dans leur fou rire : ex æquo.

Alors que Reykjavík et Tokyo pleuraient de rire, affalées dans le canapé, Denver était entré dans le salon.

« Hé, c'est qui qui range le bordel d'hier soir pour qu'on puisse bouffer ?

— Ah bah pas nous, avait répliqué Reykjavík, joues et abdos douloureux d'avoir tant ri. On vient de faire sept parties de Just Dance, on est à plat !

— Pff, super ! »

Après cette courte protestation, Denver était parti s'occuper lui-même du rangement, laissant la petite bande à leurs larmes rieuses.

 	Toutes ces images étaient apparues simultanément à Reykjavík, mais les rires avaient été remplacés par les cris, et les larmes de rire par les sanglots de douleur qui parvenaient encore jusqu'à la blonde aux yeux gris malgré ses avant-bras appuy...

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Toutes ces images étaient apparues simultanément à Reykjavík, mais les rires avaient été remplacés par les cris, et les larmes de rire par les sanglots de douleur qui parvenaient encore jusqu'à la blonde aux yeux gris malgré ses avant-bras appuyés contre ses oreilles. Et la grenade explosa, soufflant la vague de souvenirs, soufflant la poussière et la joie, soufflant les débris et la vie.

Une Partie de Loups-garous dans la banque d'Espagne - La Casa de PapelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant