« Je suis en place, annonça Reykjavík en s'arrêtant au milieu d'un large couloir.
— Bien reçu, répondit Palerme. On les envoie vers toi dès que possible, on te dira quand tu devras te débarrasser de ton oreillette. »
Reykjavík ne pensait pas qu'il était utile de répondre, et elle se contenta d'attendre en silence, la respiration lente et profonde pour éviter que le stress ne revienne trop rapidement en force. Elle piétinait sur place, entre les carreaux du carrelage, main droite serrée autour de son fusil d'assaut, poing gauche refermé. Avec l'ongle de son index gauche, elle dessinait nerveusement des formes aléatoires tout autour de son pouce ; des ronds, des triangles, des lignes, qui, en plus d'occuper sa main libre, distrayaient légèrement son esprit anxieux. Elle entendit qu'Helsinki décrivait des mouvements de troupes, mais ce qui piqua son attention ne vint pas tout de suite.
« S'ils sont dans un angle mort, c'est qu'ils grimpent..., lâcha faiblement Palerme depuis son poste. Ils vont faire sauter le toit ! cria-t-il juste après. Tokyo, Denver, Manille, sortez de là ! Vite, l'escalier ! Reykjavík, il faut que tu fonces, tu vas devoir monter plus haut !
— Et merde, grommela-t-elle. Bien reçu, je suis en route ! »
Elle accrocha son fusil en bandoulière et elle prit rapidement la direction des escaliers pour grimper les étages qui la séparaient encore du dernier pallier. Elle montait aussi vite que possible, essayant de passer en revue tous les changements de plan que pouvait engendrer ce contre-temps, mais il y en avait beaucoup. L'organisation de la riposte des braqueurs allait être plus difficile, ils allaient devoir s'adapter en temps réel, et bientôt Reykjavik n'entendrait plus ni les rapports de situation, ni les prises de décisions, pas plus que les changement de position des différents membres du groupe de voleurs.
« Tokyo, vous êtes où ? s'enquit Palerme quelques instants plus tard.
— On a passé le deuxième étage. Le troisième étage !
— Allez sur la terrasse, vous les prenez par derrière. Helsinki ?
— Je monte la barricade, lui répondit l'intéressé.
— Va dans le musée et attends-moi là-bas ! »
Il n'y eut pas de réponse, et Reykjavík espérait qu'Helsinki allait écouter Palerme. Il pouvait être une vraie tête de mule quand il voulait.
Enfin, Reykjavík atteignit le pallier qui menait notamment au musée et à la cuisine, et elle reprit son arme dans ses mains.
« Je suis sur zone, annonça-t-elle alors.
— Reçu, lui répondit Palerme. Attends l'explosion. Helsinki, sors de cette pièce, va te réfugier dans le musée.
— Négatif.
— Helsinki, va te planquer, tu vaux bien plus qu'une barricade sérieux ! essaya de le convaincre Reykjavík. Rejoins-moi dans la cage d'escalier, ma diversion te laissera le temps de retrouver les autres ou de monter une autre barricade dans n'importe quel endroit stratégique ! »
Mais si Helsinki n'écoutait pas Palerme, il n'y avait aucune raison qu'il l'écoute elle. Reykjavík souffla bruyamment, partagée. À quelques mètres devant elle, la porte donnant sur la grande salle de réception juste sous le toit. Encore un peu plus plus loin, Helsinki, en danger. Mais Reykjavík avait beau avoir fait beaucoup de gainage, sa masse musculaire ne suffirait jamais pour mettre de force Helsinki à l'abri. Si elle entrait avant l'explosion, elle risquait juste de foutre en l'air sa mission avant même que celle-ci ait vraiment commencé.
Et l'explosion retentit. Reykjavík entendit les meubles se déchiqueter, les verres et les assiettes éclater, les couverts s'entrechoquer, les chaises s'écraser contre les murs. Sous la porte devant elle, de la poussière propulsée par le souffle de la déflagration se glissa, resta en suspension dans l'air quelques secondes puis se déposa sur le sol. Un très court silence s'installa avant que les hurlements ne se déchaînent dans son oreille gauche.
« Helsinki, tu me reçois ? Helsinki, tu m'entends ?! Mon gros ! s'exclama Palerme avec la puissante énergie du désespoir.
— Je suis vivant..., fit pourtant une voix affaiblie et brisée de toussotements.
— Sors de là tout de suite ! lui ordonna alors Palerme.
— J'ai une jambe qui est coincée, blessure ouverte, répondit faiblement son amant. Du sang, beaucoup de sang...
— T'endors surtout pas mon gros, on arrive, d'accord ? Et quand on sortira d'ici je te montrerai pourquoi on dit que c'est la viande argentine qui est la meilleure du monde
— Et après tu m'emmèneras au ciné ? lui demanda Helsinki.
— Oui, mais seulement si tu t'endors pas.
— J'm'endors pas, promis...
— Helsinki, intervint Reykjavík, t'es de quel côté ? Je peux t'atteindre sans être visible de l'extérieur ?
— C'est trop risqué, suis le plan, suis simplement le plan, répondit le blessé.
— Mais bordel le plan c'était de sortir tous ensemble de la banque !
— Ici le Professeur, le déversoir d'orage est sécurisé, qu'est-ce qui se passe ? fit soudain une voix inquiète et pressée.
— Professeur ! Helsinki est blessé ! cria Palerme.
— Helsinki, est-ce que le commando pourra te repérer dès son arrivée ?
— Je suis pas sûr... l'explosion a foutu un sacré bazar ici...
— Reykjavík, il faut que tu entres maintenant ! Ils doivent te voir avant Helsinki ! Helsinki, fais le moins de bruit possible, ne tire que s'ils te prennent pour cible. Ton arme est accessible ?
— Affirmatif Professeur...
— Bien, alors Reykjavík, entre. Rassure-toi, tes camarades ne seront jamais très loin, et tu vas assurer. Tu es prête, tu t'es bien entraînée, ça va fonctionner.
— Entendu...
— Bonne chance, Reykjavík, lança la voix de Tokyo dans l'oreillette. Je parierais sans problème ma part sur ta réussite.
— Bonne chance super chasseur / loup-garou / petite fille, fit Denver après elle.
— On a tous hâte de goûter tes prochains cocktails, annonça sans surprise Palerme.
— Bien noté, à tout à l'heure les gars. Terminé. »
Ce dernier mot avait failli rester coincé dans sa gorge, et c'est d'une main tremblante que Reykjavík détacha son oreillette. Elle eut une dernière hésitation, puis elle jeta l'oreillette dans la cage d'escaliers. Elle la regarda disparaître, puis elle se retourna pour faire de nouveau face à la porte de la salle de réception. Elle la poussa, et elle entra.
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Une Partie de Loups-garous dans la banque d'Espagne - La Casa de Papel
أدب الهواةChiara s'apprêtait à entrer dans la Banque d'Espagne avec une unité des forces spéciales. Leur mission ? Déloger les braqueurs qui mettaient à rude épreuve les nerfs de la police de tout le pays. Elle se remémorait les consignes les plus importantes...